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Grandes Ecoles

Ecoles de commerce postbac : une surveillance aux concours Sésame et Accès très intrusive

Les concours Sésame et Accès, qui mènent aux écoles de commerce postbac comme l'Ieseg ou l'ESSCA, se déroulent ce mercredi 12 et jeudi 13 avril à distance, dans une atmosphère de surveillance rapprochée. Le but est de lutter contre la triche, mais la stratégie s'avère très intrusive. La Cnil prépare d'ailleurs un avis sur ces modalités d'ici l'été.

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Essca

Comme 16 autres école de commerce postbac membres des banques de concours Accès et Sésame, l'ESSCA faite passer son concours en distanciel.

Mercredi 12 avril, 10 heures du matin. Les épreuves ont démarré à 9 heures. Le compte Twitter du concours Sésame, qui se tient ce jour-là, repasse la consigne : "Nous vous rappelons que l’usage du téléphone est interdit pendant les épreuves." Sur les réseaux sociaux, des élèves inscrits à ce concours virtuel se déchainent. Entre une série de Gif rigolos qui témoignent des difficultés plus ou moins grandes qu’ils rencontrent lors des épreuves, quelques messages interpellent: "Y a vraiment quelqu’un qui nous surveille là?" "30 minutes que j’attends et ça me met ‘examen en cours de chargement’. J’fais quoi j’ai payé 300 euros."

Pas facile d’organiser des concours en distanciel. Aujourd’hui, ils étaient quelque 14.000 inscrits pour tenter d’accéder à l’une des 5.900 places ouvertes dans les 14 écoles de commerce postbac estampillées "Sésame". Ce jeudi, pour un second concours en ligne, "Accès", ils seront encore près de 6.500 à plancher pour 2.500 places des trois autres écoles de management très prisées Ieseg, ESSCA et Esdes.

C’est la troisième année que ces épreuves se déroulent à domicile, après la première expérience imposée en 2020 par la crise sanitaire. Désormais, les organisateurs ne voient pas pourquoi faire machine arrière: "Cela fait économiser beaucoup d’argent aux parents, qui devaient auparavant payer le train, l’hôtel pour leur enfant. Et c’est plus équitable vis-à-vis des élèves à l’étranger", plaide Thomas Lagathu du concours Sésame.

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Sésame et Accès s'adaptent pour limiter la triche

Problème, survenu en particulier l’an dernier: la triche. Seul face à son écran, il parait très facile de se procurer quelques anti-sèches, de faire passer l’examen par quelqu’un d’autre ou de se faire souffler les bonnes réponses. Les organisateurs tempèrent: "La triche a toujours existé, même en présentiel !" "Le phénomène est tout à fait marginal !"

L’an dernier, 40 candidats ont été exclus par Sésame et 27 par Accès. Mais quelle surveillance! "Nous sommes extrêmement pointilleux", explique Céline Verdrière, la responsable du recrutement à l’Ieseg. Ils ont tout de même pris soin de modifier leurs épreuves pour rendre la fraude plus difficile. En particulier, en réduisant la durée de réponse: "On est tenté de frauder si on en a le temps", assure Thomas Lagathu. Pour cinq questions de moins, les épreuves Sésame de langues (35 questions) et d’enjeux contemporains (40 questions) sont passées d’une heure à trente minutes. A Accès, "les écoles ont choisi de faire passer la culture générale à l’oral plutôt qu’un QCM", détaille Céline Verdrière.

Surtout, les organisateurs mettent en place une surveillance ultra serrée des candidats. Chaque banque de concours dispose de son outil numérique: TestWe pour Sésame, Wiseflow pour Accès. Mais le principe est le même: l’environnement du candidat est filmé par une caméra à 360 degrés, qui tourne en continu enregistrant les moindres faits et gestes des élèves. TestWe met 200 surveillants sur le coup, Wiseflow 400. Charge à eux de repérer les cas douteux. L’an dernier, TestWe a remonté 5.000 vidéos suspectes. Ils observent les visages, le mouvement des yeux est scruté, les bouteilles d’eau sont analysées… "Le pire, ce sont les élèves qui parlent tout seul!" sourit Thomas Lagathu.

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Pour passer de ces milliers d’images louches à seulement 150 dossiers examinés en conseil de discipline, "on passe des jours et des nuits à surveiller l’intérieur des candidats", ajoute le directeur de Sésame.

Une surveillance trop intrusive?

De quoi faire bondir les protecteurs des données personnelles? La Cnil, le gendarme français en la matière, travaille actuellement sur un texte de recommandations qu’elle publiera d’ici l’été (consultation publique clôturée le 15 janvier). En attendant, l'université Paris VIII a été épinglée en décembre dernier par le tribunal administratif de Montreuil pour un examen qui devait se tenir à distance sous le contrôle de TestWe. Une décision contestée par des étudiants.

Dans son ordonnance, le tribunal a suspendu l'examen jugé "trop intrusif" et émis "un doute sérieux quant à la légalité de la décision" d’organiser l’examen à distance au regard du RGPD (Règlement général sur la protection des données). "Les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées", explique encore les juges administratifs.

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Sésame et Accès assurent ne pas être dans le même cas de figure: "Nous sommes un concours, pas un simple examen, la cour exige que les mesures de surveillance soient proportionnées, pour un concours, c’est le cas", explique Thomas Lagathu. "Nous leur faisons signer un règlement où ces conditions sont écrites noir sur blanc", insiste Céline Verdrière. TestWe se défend également, par la voix de son directeur général Clément Régnier: "Nous attendons la décision du juge sur le fond car, en l'espèce, c'est l'université qui n'a pas appliqué correctement la procédure. TestWe respecte bien la RGPD." 

Les deux sociétés ont tout de même consulté leurs avocats pour s’assurer qu’ils étaient bien dans les clous. "Aucun problème !" auraient-ils répondu en chœur. L’une d’entre eux, Jeanne Bossi-Malafosse, conseil de Sésame, sait de quoi elle parle: avant de devenir associée spécialisée en données personnelles au sein du cabinet Delsol, elle a travaillé 18 ans… à la Cnil !

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