Verser un salaire aux enseignants vacataires chaque fin de mois : c’était l’une des rares dispositions de la loi de programmation de la recherche (LPR) à avoir fait l’unanimité dans la communauté universitaire en 2020. L’euphorie est largement retombée : alors que la mesure est obligatoire depuis la rentrée 2022, peu d’universités sont parvenues à « mensualiser » la rémunération de ces intervenants non permanents qui demeure versée au rythme des semestres et avec des retards pouvant atteindre un an.
La « galère administrative » : tel le quotidien de la dizaine de vacataires interrogés par Le Monde, qui peinent à obtenir leur rémunération. « Entre jeunes chercheurs, on subit une mise en concurrence structurelle : les professeurs nous disent : “Maintiens-toi, donne tes cours, cela pourra t’aider pour être titularisé.” J’y ai cru, relate Simon (les personnes désignées uniquement par leur prénom souhaitent rester anonymes), 35 ans. On se dit qu’il ne faut pas se plaindre car on risque de ne plus avoir d’heures de travaux dirigés et d’être grillé si un jour un poste est ouvert… » Pour toucher son dû, Simon a fini par menacer son établissement d’un recours devant le tribunal administratif.
Depuis six ans, Maxime a dispensé jusqu’à 190 heures annuelles dans un institut d’études politiques du sud de la France. Il touche en parallèle une allocation-chômage, mais ses droits ont été bloqués pendant toute l’année 2022. En cause : son établissement, qui tarde à fournir un certificat demandé par Pôle emploi venant rectifier une erreur de report des mois où Maxime avait enseigné. « Je dois rembourser un trop-perçu de 2 300 euros à Pôle emploi, expose-t-il. Pour l’année 2022-2023, je ne sais toujours pas quand je toucherai un salaire. Normalement, on est payé en avril ou en juillet, mais l’année dernière, j’ai fini par interroger le service des ressources humaines en septembre. Ils avaient tout simplement oublié de me payer. » Sollicité par Le Monde, cet institut d’études politiques n’a pas donné suite.
L’effectif des vacataires – 130 000 – est deux fois plus important que celui des enseignants-chercheurs titulaires. Ils exercent sous les statuts d’agent temporaire vacataire ou de chargé d’enseignement vacataire, ce qui recouvre des profils très différents, depuis l’étudiant en thèse jusqu’au professionnel venant partager son expérience.
4 millions d’heures dispensées
Dans une circulaire, le ministère de l’enseignement supérieur encourage l’accélération de la procédure de mise en paiement, sans qu’en résulte de véritable avancée. « Il ne suffit pas d’une ligne dans une loi pour que la mensualisation s’applique, observe Valérie Gibert, présidente de l’Association des directeurs généraux des services, elle-même en poste à l’université de Strasbourg. La LPR n’ayant été suivie d’aucun décret d’application sur ce point, c’est toujours un décret de 1987 qui régit la rémunération des vacataires. »
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