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L’éducation inclusive incarne un nouveau paradigme où le handicap est envisagé non plus comme une incapacité des personnes, mais comme une limitation d’activité ou une restriction de participation. Le regard n’est plus focalisé sur la déficience de la personne, mais sur l’accessibilité de l’environnement.
L’école « ordinaire » devient la référence pour les élèves reconnus en situation de handicap, présentant des « besoins éducatifs particuliers ». Le principal effet de cette dynamique inclusive réside dans la progression significative du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés dans les établissements relevant du ministère de l’éducation nationale, plus de 430 000 à la dernière rentrée.
Toutefois, force est de constater que cette augmentation n’a été accompagnée que d’une faible réduction de l’effectif des établissements médico-sociaux. Cette augmentation résulte en effet, pour partie, de la définition extensive du handicap donnée par la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a élargi son champ à des populations auparavant non identifiées comme telles.
Paradoxalement, alors qu’une conception plus sociale du handicap devrait conduire à une véritable prise en compte de l’interaction entre la personne et son environnement, plus forte devient l’importance des catégories diagnostiques à l’école.
Si l’objectivation de la catégorie des « troubles spécifiques des apprentissages » constitue un réel progrès, de même que l’apport des neurosciences cognitives dans les connaissances relatives aux troubles neurodéveloppementaux et à l’autisme, l’augmentation du nombre d’élèves dont les difficultés sont interprétables en termes médico-psychologiques ne peut s’expliquer par ces seules avancées scientifiques.
« Handicapisation » de l’échec scolaire
Occultant les contextes pédagogiques qui soutiennent plus ou moins favorablement les apprentissages, occultant la variabilité interindividuelle des élèves qui peut nécessiter des pratiques adaptées, occultant, voire invisibilisant, les aspects sociaux telle que la grande pauvreté et ses conséquences dans les apprentissages fondamentaux, les « difficultés scolaires » sont – avant tout, et c’est là le problème – attribuées à des pathologies et à des troubles. Ce processus de « handicapisation » de l’échec scolaire confère l’étiquette « handicap » à des élèves, certes en difficulté, mais qui, du point de vue de l’école, ne justifient peut-être pas une mesure d’exception ni surtout l’entrée dans une catégorie qui souligne et naturalise leur différence.
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