Les professionnels de l’emploi formés à la diversité religieuse à Strasbourg

Strasbourg (Bas-Rhin)

De notre correspondant régional

Pour Halma, « exprimer sa religion et ses besoins pour vivre sa croyance est difficile : on se prend souvent des remarques ». De confession musulmane, cette jeune animatrice dans une association strasbourgeoise a assisté aux formations de « sensibilisation à l’interreligieux en milieu professionnel » tenues en mars et en avril dans le cadre du programme Relien (religions et entreprise). Mis en place par l’université de Strasbourg et des consœurs allemandes et suisses, Relien propose notamment des formations à destination des conseillers et professionnels de l’emploi. Avec comme objectif de « faire en sorte qu’ils puissent mieux comprendre » le fonctionnement du religieux, précise Francis Messner, professeur en droit des religions de l’université de Strasbourg et coordinateur du programme. Face aux nombreuses difficultés, il s’agit de mieux comprendre les spécificités de chaque religion, dont les jours fériés, pour saisir « ce qui se passe dans la tête du salarié », indique Denis Fricker, professeur en sciences bibliques.

La question du vendredi comme jour de repos chez les musulmans intéresse ainsi les professionnels de l’emploi, confrontés à des demandes d’absence de personnes qu’ils accompagnent. « Selon une fatwa égyptienne de 2007, cette journée ne doit pas être obligatoirement chômée, relate Moussa Abou Ramadan, professeur de droit musulman à l’université de Strasbourg. Ce sont les moments de prière qui importent. » Ces fatwas donnent une orientation coranique, mais il existe autant d’interprétations que d’écoles de pensée.

L’épineux débat du port de signes religieux au travail est aussi abordé. Pour l’appréhender, « ce qui compte, ce n’est pas la nature juridique de la personne qui assure la mission, mais la nature de la mission », souligne Vincente Fortier, directrice de recherche au CNRS et spécialiste du rapport entre droit privé et religions.

Ainsi, dans les entreprises privées à mission de service public, les salariés doivent observer une neutralité confessionnelle s’ils sont en contact avec du public. « Mais si une femme vient travailler avec son voile et refuse de l’enlever ? », interroge une participante. « Il faut lui trouver un poste sans contact visuel » avec les usagers, répond Vincente Fortier. « Et si elle doit sortir dans un couloir et rencontrer un client à ce moment-là ? », renchérit-elle. La question reste ouverte.

Dans le privé, c’est le principe de la liberté religieuse qui prévaut, « y compris la manifestation de la religion, mais elle peut faire l’objet de restriction », notamment dans la clause de neutralité, qui interdit le port de signe religieux, poursuit la juriste. Le fait religieux peut également engendrer des situations conflictuelles sur le lieu de travail. « Si un homme refuse, sous le couvert de la conviction religieuse, d’obéir à sa supérieure car c’est une femme ? », demande une autre participante. Vincente Fortier est catégorique : « C’est une insubordination. Pire, cela peut être considéré comme une atteinte à la dignité de la personne. »

Dès lors, quelles solutions pour éviter ces oppositions ? En réaction, certains fidèles ont tendance à se rassembler dans des « entreprises communautaires », pointe Vincente Fortier, pour qui « ce phénomène est inquiétant ». Servane, participante qui accompagne des bénéficiaires du RSA vers l’emploi, appelle à faire des « efforts » côté salarié et côté employeur pour « réguler un dialogue et faire naître plus de tolérance ».