Les établissements pour l’insertion dans l’emploi refont le plein de jeunes

Encore confronté à une certaine désaffection il y a trois ans, l’établissement public pour l’insertion dans l’emploi (Epide) a augmenté d’un tiers le nombre de jeunes en difficulté accueillis dans ses centres. Ce dispositif s’affirme comme la solution d’insertion la plus intensive pour les 17-25 ans sans emploi ni formation. Reportage à Montry, l’un de ses sites historiques.

Des jeunes en uniforme bleu foncé marchent au pas pour rejoindre la place devant le château de Montry. Rassemblés en sections, ils attendent la levée des drapeaux, pieds joints et mains dans le dos, comme le "repos" militaire. Au commandement, ils se mettent au "garde-à-vous". Ce rituel régit le quotidien des 20 centres Epide*, chargés par l’État d’accueillir des jeunes en difficulté et de préparer leur insertion professionnelle. "Ce n’est pas pour faire joli, précise Marie-Josée Galas, la directrice du site de Montry (Seine-et-Marne), visité par l’Association des journalistes de l’information sociale, jeudi 20 avril. Cela permet d’avoir l’attention de tous et de faire passer des messages."

Ce matin-là, la directrice annonce justement des départs en formation. Trois recrues vont se former aux métiers d’agent de service médicosocial ou dans la sécurité. Une manière de rassurer ces jeunes qui, dans leur quasi-totalité, n’ont jamais eu de contact avec le monde du travail. À l’admission, 72% des jeunes accueillis en Epide n’ont pas de diplôme et affichent un niveau collège (niveau VI). Ils cumulent en outre les facteurs de vulnérabilité : absence d’aide dans leur entourage dans neuf cas sur dix, renoncement à des soins, précarité alimentaire, addictions, voire situations de rue…

Des sorties d’abord en emplois non-qualifiés

Le séjour standard de huit mois (voire plus si besoin) proposé en centre Epide s’appuie sur un cadre très structuré, ponctué par le lever à 6 heures et le coucher à 22 heures. Le taux d’encadrement est de 1 agent pour 2,5 jeunes. En journée, les activités sont multiples : atelier de formation générale par la ludopédagogie, éducation à la citoyenneté, parcours informatique, sessions de sport, préparation du projet professionnel, cours de code de la route et préparation au permis de conduire, suivi sanitaire et social…

Nombre de ces activités sont pensées dans l’objectif une entrée rapide sur le marché du travail. "La plupart des jeunes sortent occuper des emplois non-qualifiés, indique Florence Gérard-Chalet, la directrice générale de l’Epide. On n’est pas sur des publics que l’on prépare forcément pour un diplôme." Dans le cas de jeunes en errance résidentielle ou souhaitant quitter le domicile familial par exemple, la mise en emploi, condition d’accès à un logement, est privilégiée à la poursuite d’une formation longue de type CAP. Les formations ont représenté 27% des sorties de centres Epide en 2022.

Certaines formations courtes, en lien avec des métiers en tension, disposent néanmoins d’un traitement privilégié pendant le parcours. À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques, "tous les jeunes sont inscrits d’office à la formation sécurité", souligne ainsi Marie-Josée Galas. C’est, selon la directrice, l’occasion d’acquérir des compétences transférables, comme la gestion de situations conflictuelles. 3.000 jeunes en parcours en Epide doivent être formés au CQP sécurité et événementiel (106 heures). L’Epide finance aussi l’acquisition du Caces dans la logistique ou encore le Bafa (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur).

"Parcours sécurisés" en entreprise

Centrés sur l’accès à l’emploi, les centres Epide veillent donc à multiplier les opportunités d’embauche. Pendant le parcours sont organisés des visites d’entreprise ainsi que des stages dans un objectif de pré-recrutement. Ces "parcours sécurisés" ont été mis en place entre les volontaires de Montry et des entreprises comme le groupe Bouygues, Eiffage, McDonald’s, Louvre Hôtels ou encore Saint-Gobain. "On souhaite que les entreprises soient davantage partie prenante", insiste Florence Gérard-Chalet. Pour les convaincre, les savoir-être acquis en centre Epide sont mis en avant, comme la disponibilité, la ponctualité, la politesse, le langage corporel, la présentation, l’esprit d’initiative… Une expérimentation vise aussi à attribuer des "open badges" pour accréditer des compétences acquises "même si le jeune n’est pas allé jusqu’au bout de son parcours", ajoute la directrice générale de l’Epide.

À l’issue de leur parcours, les volontaires travaillent dans des secteurs divers : services aux entreprises, commerce, sécurité et métiers de l’uniforme, industrie, hôtellerie-restauration, artisanat, santé et médico-social, d’après un sondage réalisé en 2022 auprès de 800 anciens volontaires. Selon les données transmises par l’Epide, dès la sortie des centres, 64% des jeunes volontaires ont obtenu un CDI, un CDD, un autre type d’emploi, ou sont en formation.

Un tiers supplémentaire de jeunes accueillis

L’Epide, qui s’affirme comme la solution d’insertion la plus "intensive", a significativement augmenté son taux de remplissage en trois ans, aujourd’hui supérieur à 90%. En 2022, les centres ont accueilli 4.250 jeunes contre un tiers en moins en 2019, comme le constatait la Cour des comptes (voir notre article). L’allocation portée à 520 euros par mois, de même que la possibilité d’un hébergement le week-end, ont rendu l’offre à la fois plus attractive et plus accessible aux publics en situation de forte précarité et en voie de marginalisation. Un public ciblé par l’Epide, qui s’est aussi ouvert aux jeunes réfugiés ainsi qu'aux mineurs de 17 ans.

Alors que se prépare la réforme France Travail, Florence Gérard-Chalet se montrera attentive à la question de l’orientation vers ses établissements. "Nos jeunes ne maîtrisent pas le numérique", avertit-elle en réaction à l’inscription obligatoire en ligne au futur France Travail afin d’être suivi. "Notre enjeu sera de faire le lien entre le jeune et l’interface informatique", indique-t-elle. Actuellement, seule la moitié de jeunes sont orientés en Epide par des partenaires comme les missions locales, Pôle emploi ou l’armée.

 

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