Rolex au poignet, chemise blanche, bretelles prune et barbe blanche taillée : Hugo Rubini a le look d’un assureur lambda. A ceci près que son vaste espace de travail, sous les combles d’un immeuble, à deux pas du Palais-Royal, à Paris, est décoré d’images de films. Des claps de cinéma à son nom sont alignés dans la bibliothèque, à côté de photos de ses deux filles, et sur le marbre de son bureau s’empilent des scénarios.
Lui est un personnage, comme on dit : débonnaire, joyeux, émotif. Il s’excuse de rougir, parle vite, se reprend, s’inquiète d’ennuyer son interlocuteur. Le complexe de l’assureur ? Il cite la célèbre réplique de Woody Allen dans Escrocs mais pas trop (2000) : « Il y a des choses pires que la mort. Vous avez déjà passé une soirée avec un courtier en assurances ? »
Sauf que ce courtier-là, le réalisateur américain lui doit une fière chandelle : son prochain long-métrage, Coup de chance, tourné à Paris avec des financements français, a été assuré par Rubini & Associés. « C’est bête, mais j’en tire une certaine fierté, glisse le soixantenaire. J’ai grandi avec [les] films de Woody Allen. En travaillant pour lui, je réalise un fantasme un peu puéril : me dire que le film existe aussi un peu grâce à moi. »
Une garantie contre l’ennui
Formé à anticiper le nombre infini des catastrophes qui peuvent survenir au cours d’un tournage puis de la postproduction – des intempéries aux épidémies, des petites avaries techniques au malheur ultime, la mort du réalisateur ou de l’un des acteurs principaux –, Hugo Rubini a trouvé dans son métier une garantie contre l’ennui. Et ce n’était pas gagné.
Né en 1961 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), dans une famille « traditionnelle, stricte », il va à l’école en « culottes de flanelle grise et grandes chaussettes » au cours privé Hattemer, avant d’être envoyé en pension, après le divorce de ses parents, dans le très guindé collège Passy Buzenval. Son grand-père maternel est courtier en assurances. Son père aussi. Il préfère faire la fête avec ses copains et passer son temps au cinéma plutôt que sur ses livres de classe. Mais la voie familiale le rattrape.
« Je n’étais pas très bon élève, donc mon père m’a dit de venir bosser avec lui au cabinet. Comme je n’en avais bien sûr aucune envie, je lui ai demandé de me dégotter un stage à Londres. » A 25 ans, il débute à la Lloyd’s, le temple mondial de l’assurance. Il y restera sept ans, à travailler notamment sur les contrats kidnap and ransom (« kidnapping et rançon ») destinés aux familles fortunées.
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