Une ruelle sombre, à deux pas du cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Un entrepôt sans lumière. On sonne à la grille. Le Cabaret Le Secret se love dans un garage beau comme une grotte, avec ses escaliers qui ne mènent pas où l’on croit, son balcon, son bar. Samedi 29 avril, il faut jouer les petites souris pour avoir une vue plongeante sur le minuscule plateau encerclé par les spectateurs. Le performeur David Noir, fascinant, chante Nana Mouskouri en tapant sur un dérisoire tambour d’enfant ; un homme nu saucissonné tend la corde qui l’emprisonne à un spectateur ; avec gâteau, bougies et youyous, Patachtouille, fameux transformiste, fête son anniversaire.
Le Secret est l’une des plus joyeuses enseignes de ce cabaret nouveau dont les bulles de folie irisent les nuits depuis une dizaine d’années. Il égrène des numéros disparates sous la houlette ou la férule de Jérôme Marin, alias Monsieur K., imposante maîtresse de cérémonie à gros jupon noir et chapeau claque. Figure de proue du milieu, il a repris en main Madame Arthur de 2015 à 2018, avant de créer Le Secret, en 2019. « Le cabaret est une pochette-surprise, résume-t-il, en citant parmi ses influences le cabaret berlinois, le compositeur Kurt Weill, le cabarettiste Karl Valentin et… Jean-Marie Rivière, du Paradis latin. Pour son instinct de la fête ultime et sa capacité à remettre le spectacle en jeu chaque soir. »
La richesse du cabaret réside dans sa métamorphose permanente. Chaque soirée est unique, composée plus ou moins à la volée par des artistes variés, qui se réinventent non-stop. On trouve de tout, mais pas n’importe quoi : du cirque, de la danse, de la magie, du strip-tease… Beaucoup de chansons. Au Secret, Monsieur K. se rappelle son enfance en interprétant Le Village dans les nuages (1982), de Dominique Poulain, tandis que Caroline Loeb débarque avec sa ouate (1986) qui, désormais, dit-elle, dilate la rate. Des créatures surdimensionnées sur leurs talons rutilent à pleins feux. « C’est interlope », glisse Jérôme Marin, qui préfère le terme « dans l’entre-deux » à celui de « queer ». « Je revendique la bienveillance », dit-il.
Intégré au Pass culture
En pleine forme depuis la pandémie de Covid-19, le cabaret cumule les qualités auprès d’un public de tous les âges et genres. Libre, émancipateur, politique, divertissant, on y rit, on y pense, on y chante, on y mange, on y boit. « Les gens ont besoin de retrouver une proximité, de se malaxer les uns les autres », poursuit Jérôme Marin. Depuis le 14 avril, le cabaret est même intégré au Pass culture. Parallèlement, le ministère de la culture a nommé, en octobre 2021, un « référent cabaret » : Laurent Vinauger, délégué à la danse. Une étude sur le sujet est en cours.
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