Admission sur dossier dans les grandes écoles : « Il faut se lancer ! »

À seulement 21 ans, Cara Doumbe Kingue vient de terminer ses études à l’ENS Lyon. Cette jeune villeurbannaise a intégré l’école sur dossier, un moyen peu connu pour intégrer l’une des quatre écoles normales supérieures. Elle a décidé d’encourager cette voie en créant « Ens sur Doss’ », un site de témoignages et de conseils.

Cara a réussi l'admission sur dossier pour entrer à l'ENS Lyon. Capture d'écran d'une intervention au forum Level Up à Bruxelles
Cara a réussi l'admission sur dossier pour entrer à l'ENS Lyon. Capture d'écran d'une intervention au forum Level Up à Bruxelles

    Certaines grandes écoles proposent des admissions parallèles pour accéder à leur cursus, voie sans concours d’entrée. C’est le cas de l’ENS Lyon, l’une des quatre écoles normales supérieures publiques, qui pratique l’admission sur dossier pour les élèves issus de formation universitaires et n’ayant pas forcément suivi de prépa. Cara Doumbe Kingue est entrée grâce à cette voie-là et a lancé ENS sur Doss’, un site de témoignages et de conseils pour encourager d’autres étudiants à tenter leur chance. Alors que les inscriptions à l’ENS Lyon ont ouvert le 24 mai, elle a accepté de répondre à quelques questions au cours d’une visio.

    Comment es-tu arrivée à l’ENS Lyon ?

    J’ai fait toute ma scolarité à Lyon, à l’Université catholique et à l’ESTBB. Au bout de deux ans, j’ai voulu tenter une autre formation. Mon rêve d’enfant c’était de devenir chercheuse. Si je connaissais les grandes écoles depuis toute petite, je ne connaissais personne qui y était entré. J’ai énormément traîné sur Internet pour me renseigner sur les façons d’y entrer, mais j’avais lu sur pas mal de forums que cette voie d’admission était plutôt réservée à ceux qui avaient fait prépa et avaient raté le concours.

    J’ai quand même envoyé ma candidature à l’aveugle, mais je me suis sentie isolée dans tout le processus, même si mes parents ont essayé de m’aider. J’ai déposé mon dossier j’avais 17 ans, et j’ai passé l’entretien le jour de mes 18 ans.

    Pourquoi avoir créé ENS sur Doss’ ?

    Quelques mois après mon arrivée à l’ENS, j’avais été contactée par quelques proches et amis qui me demandaient comment j’avais fait pour y entrer. Au lieu de répondre individuellement, j’ai voulu compiler quelques témoignages. Je n’ai pas pu le faire en L3, mais je me suis lancée alors que j’étais en stage en M2 à Prague l’an dernier : j’avais mis un questionnaire en place, puis j’ai créé un site Internet pour y ajouter les témoignages. J’ai développé le site toute seule car plus jeune, j’avais déjà l’habitude de créer des blogs.

    J’ai eu le soutien d’étudiants, d’étudiants en prépa, mais aussi de profs ! Si à mon échelle je peux aider des étudiants à entrer à l’ENS, je serai ravie : c’est une école qui m’a beaucoup apporté.

    Dans quel sens ?

    Elle m’a ouvert beaucoup de portes, notamment au niveau de la recherche, elle m’a permis de faire beaucoup de stages, parfois à l’international, nos profs sont très présents et couvrent tous les domaines, tellement qu’il est parfois difficile de les imaginer. On est très stimulés intellectuellement ! Quand j’étais plus jeune, je n’étais pas forcément une élève sérieuse car il me manquait la stimulation que j’ai trouvée à l’ENS.

    J’avais quelques attentes et il y a un mythe autour de ces grandes écoles. Je pensais que la formation était très axée recherche et enseignement. Je m’attendais à certaines choses, mais pas à ce point-là. J’aime la recherche mais je me suis rendu compte grâce à l’ENS que je peux faire autre chose.

    Comment on y entre sur dossier ?

    On doit envoyer notre CV, nos notes depuis la terminale, on doit avoir deux lettres de recommandation et une de motivation. Il n’y a pas vraiment de règles en matière de longueur : j’ai fait une page seulement, une de mes amies, trois. Ensuite en biologie, on a en général un entretien de 15 à 30 minutes avec les membres du département. À l’issue, j’avais commencé à angoisser, c’était particulier car je savais que j’avais peu de chance d’y accéder. J’avais candidaté ailleurs, je me suis dit que j’allais, au cas où, confirmer mes études à Lyon.

    Que conseilles-tu ?

    De ne pas être dans l’autocensure ! Tant que le jury ne recevra pas beaucoup de dossiers de fac, on n’aura pas ou peu de parcours diversifiés dans l’école. Même si on a peu de chance pour entrer à l’ENS Lyon, on essaye ! L’un des directeurs de département me disait qu’au final, ils reçoivent si peu de dossiers qu’ils ont le temps de les étudier.



    Il faut valoriser tout ce qu’il y a dans son parcours, y compris les minis jobs étudiants, être soi-même, se renseigner sur la formation, les cours, ce qu’on peut prendre comme cours dans les autres départements que celui dans lequel on dépose sa candidature, parler de soi, de ses passions. Bref, être authentique et se lancer absolument, car si on ne tente pas, on ne sait pas.

    En dehors d’apporter une aide aux futurs candidats, à quoi sert cette initiative ?

    J’ai pu discuter avec le référent diversité pour que les élèves se sentent bien. Ça a aussi permis à certains de développer une fierté pour ceux qui ont été pris sur dossier mais qui ne valorisent pas suffisamment leur parcours. Alors que c’est un sacré exploit ! Les admissions sur dossiers représentent moins de 10 % des candidats. Ça leur a fait du bien de se dire qu’elles ont fait une belle chose dans leur parcours… À l’école, on a un fort syndrome de l’imposteur, parfois.



    Aussi, la vice-présidente et le référent diversité peuvent ajuster leur politique de recrutement : il y a une différence de recrutement sur dossier en fonction des départements. En sciences et en biologie, ils n’ont pas vraiment de problème, les gens viennent de prépas mais aussi de province comme Besançon ou Poitiers. On retrouve une forme de diversité des profils. Dans les départements littéraires, on avait davantage de témoins d’Henri IV, Saint-Louis ou Fénelon. Je l’ai fait remonter à la direction, car ils tiennent à diversifier les recrutements. Je peux à mon échelle avoir un petit impact, même en ayant passé seulement quatre ans dans cette école.

    Pourquoi l’école a intérêt à diversifier ses recrutements ?

    C’est une école du service public ! Elle devrait s’adresser à tout le monde, n’importe quel enfant devrait pouvoir entrer à l’ENS. Mais aussi, c’est pour couper cette bulle d’entre-soi. Beaucoup de normaliens se destinent à des carrières politiques ou dans l’enseignement. Et ça va créer des biais, donc c’est très important. C’est une vision pragmatique, pas dogmatique.

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