Sylvain Maillard : "Lever les freins pour faciliter la mobilité des apprentis"

La proposition de loi portée par le député Sylvain Maillard (groupe Renaissance) sur "l’Erasmus de l’apprentissage" a été adoptée par l’Assemblée nationale le 11 mai dernier. L’élu parisien souhaite en faire une arme au service du développement de la mobilité internationale des apprentis.

Localtis - Pouvez-vous nous rappeler quel est l’objectif premier de ce texte ?

Sylvain Maillard - Ce texte est le fruit d’une réflexion de plusieurs mois, réclamée par les acteurs du secteur, empreinte de pragmatisme. L’un des objectifs du texte que je porte affirme notre volonté profonde, puissante, que chaque jeune Français puisse avoir une expérience en Europe. Cet engagement est celui à la fois de notre majorité et du président de la République. C’est essentiel car pour aimer l’Europe il faut la connaître, que ce soit à travers des études ou bien des stages. Ce que l’on constate c’est que malgré le succès de la voie de l’apprentissage, les échanges internationaux n’ont que très peu progressé pour les apprentis. On en dénombre aujourd’hui à peine quelques milliers. Ils étaient près de 25.000 en 2018 (contre 600.000 étudiants) et quasi exclusivement pour des stages de moins de 4 semaines. Ce n’est pas une situation satisfaisante. Depuis environ un an nous étudions donc les freins à lever pour faciliter la mobilité des apprentis et leur donner une ouverture européenne et internationale bénéfique pour leur formation ainsi que pour eux-mêmes, à l’instar de ce que vivent chaque année beaucoup de nos étudiants. Car c’est un atout dans un parcours humain et professionnel.*

Quels sont les principaux leviers que vous avez identifiés pour faire évoluer favorablement cette situation ?

Le premier frein à lever est financier : les apprentis sont rémunérés lorsqu’ils sont en entreprise, ce qui permet le plus souvent de financer leurs études. Alors quand ils décident de partir à l’étranger, l’aspect financier devient plus problématique puisque les entreprises n’ont pas la possibilité de continuer à les rémunérer lorsque la période de mobilité dépasse 4 semaines. D’où notre volonté de rendre optionnelle plutôt qu’obligatoire une mise en veille de certaines clauses du contrat d’apprentissage. Il s’agit en fait d’organiser la mobilité des apprentis dès le départ, entre le CFA, l’apprenti et l’entreprise car il est essentiel que chacun se fasse une idée plus précise de ce que sera le parcours de l’apprenti pendant les deux ou trois années qui suivent.

La question de la protection sociale est également un enjeu fort, dites-vous...

S’agissant de la protection sociale, l’Igas évoquait dans un rapport de 2017 comme un frein à la mobilité des apprentis le fait que les entreprises françaises soient tenues de rémunérer les apprentis et de payer les cotisations sociales pendant la période de mobilité à l’étranger. Nous souhaitons dorénavant que les Opco prennent en charge ces cotisations sociales en dernier ressort. Nous levons ainsi le risque pour les entreprises et faisons en sorte qu’elles puissent accompagner les jeunes, pourquoi pas à travers des incitations qui peuvent être financières pour qu’ils reviennent dans l’entreprise à l’issue de la période de mobilité. Jusque-là, il était plus simple de leur dire : "Tu te débrouilles !" Mais on voit bien que cette stratégie doit s’arrêter. Les entreprises ont d’ailleurs tout intérêt à s’associer aux aspirations à la mobilité de ces jeunes. Elles doivent aujourd’hui s’adapter pour garder les talents face à une situation de pénurie.

La mobilité des apprentis ne concerne-t-elle pas aujourd’hui essentiellement les jeunes frontaliers ?

Non, elle ne concerne pas uniquement les jeunes frontaliers. Une ordonnance de décembre 2022 organise déjà le fonctionnement de ces échanges transfrontaliers métropolitains ainsi que pour les DOM-TOM. Globalement la mobilité s’organise si les CFA sont dynamiques et s’ils ont envie de faire des échanges qui sont à ce jour trop peu nombreux. C’est aussi pour développer ces échanges que nous avons voté la possibilité que des apprentis au-delà de 30 ans, cas de figure qui se pratique dans plusieurs pays européens, puissent venir en retour en France.

* Partir... en formation ou en entreprise : "Pendant la période de mobilité à l’étranger, le principe de l’alternance entre formation et travail en entreprise, inhérent au contrat [signé avec l'apprenti], ne s’applique plus. En effet, les alternants à l’étranger peuvent réaliser uniquement de la formation en entreprise ou uniquement des enseignements en organisme de formation", précise un document du Centre Inffo.