Former les salariés, l’urgence pour les usines de batteries

Lille

De notre correspondante régionale

Une chance en matière d’emploi, un défi en termes de formation. La région Hauts-de-France est la seule, dans l’Hexagone, à accueillir des usines de batteries – quatre au total (lire les repères) – destinées aux véhicules électriques. Inaugurée ce mardi 30 mai en présence du ministre de l’économie Bruno Le Maire, à Billy-Berclau (Pas-de-Calais), la toute première, celle d’ACC (Automotive Cells Company), présente d’énormes besoins en main-d’œuvre qualifiée. « Nous avons six mois pour recruter 150 personnes et porter nos effectifs à 350 salariés », prévient Benoît Fauconnier, son attaché de communication. Ce n’est qu’un début : le site, sur lequel la production doit démarrer au second semestre, devrait compter 620 salariés fin 2024, puis 1 200 un an plus tard. Dans les prochaines années, l’industrie du véhicule électrique devrait représenter plus de 20 000 emplois dans la région.

Pour faire face à ces besoins, la nouvelle entreprise organise depuis février « les mardis d’ACC », en lien avec Pôle emploi et les agglomérations du territoire. « Un mardi ACC, c’est une présentation générale du projet puis deux réunions à destination des demandeurs d’emploi », détaille Benoît Fauconnier. ACC leur propose une formation, financée par la région Hauts-de-France, pour devenir technicien de maintenance ou conducteur d’installation.

Au programme : cinq ou sept mois dans un centre de formation professionnelle puis un passage sur plateau technique à ­Douvrin (Pas-de-Calais). Les candidats se forment ensuite trois mois dans l’usine pilote d’ACC de ­Nersac, près ­d’Angoulême. « S’ils obtiennent leur diplôme, ils sont embauchés en CDI à Billy-Berclau. » La première promotion a démarré début mai. « Ces quatre femmes et sept hommes, tous domiciliés dans un rayon de 30 km autour de l’usine, se forment au métier de conducteur d’installation et seront opérationnels en janvier », précise l’attaché de communication. Une deuxième promotion de dix à vingt personnes devrait suivre début juin.

Fondée par Stellantis et ­TotalEnergies, via sa filiale Saft, ACC a ensuite ouvert son capital à Mercedes. Elle recrute parmi les salariés de Stellantis-Douvrin désireux de se reconvertir dans l’électrique. Selon les syndicats, 61 salariés de l’ex-usine PSA sont déjà passés en 2022 chez ACC. Ils devraient être 200 à la fin 2023.

Le 9 mai, une première promotion a rejoint le centre de formation ouvert sur place par ACC et l’Union des industries et métiers de la métallurgie, avec le soutien de l’État et de la région : « Le métier reste assez proche mais il faut s’adapter aux nouvelles conditions de travail dans des salles sèches avec une hygrométrie à 0 °C et des températures d’environ 30 °C », indique Frédéric Vanryssel, responsable syndical CFE-CGC Stellantis-Douvrin et membre du bureau central ­Stellantis-France.

L’usine, qui fonctionnera 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, peine à recruter des techniciens de maintenance : « Ce sont des emplois postés, difficiles pour ceux qui ne sont plus tout jeunes », relève Frédéric Vanryssel, d’abord préoccupé par le sort des salariés de Stellantis susceptibles de rester sur le carreau fin 2024-2025 avec la fin de la production thermique. Mais Benoît Fauconnier se veut rassurant : « On réévalue la situation chaque semaine, on est dans les clous. Ce sont des métiers en tension car l’industrie bénéficie encore d’une image qui peut effrayer. Et la “vallée de la batterie” n’est pas encore si connue du grand public. »

Au cœur de cette « Silicon Valley » des batteries, la qualification des nouveaux personnels s’organise activement : en décembre dernier, le Greta Grand Hainaut (organisme de formation professionnelle pour adultes) à Douai et le centre de formation professionnelle et d’alternance Afpi à ­Hénin-Beaumont ont lancé une formation de technicien supérieur de maintenance industrielle. L’université d’Artois, elle, ouvrira en septembre à Béthune une école d’ingénieurs recrutés à bac + 2. « Spécialisés en électromobilité, ils seront tout aussi capables de travailler pour ACC ou Envision AESC que pour DBT, le fabricant de bornes électriques basé près de Douai, ou pour EDF », souligne ­Gabriel Velu, vice-président de cette université. La première promotion, qui comptera une trentaine d’étudiants, est en cours de recrutement.