Vieillissement des centrales, corrosion d'une partie de ses réacteurs, le parc nucléaire d'EDF a connu une année 2022 catastrophique avec une production au plus bas depuis trente ans. A ces problèmes s'ajoute maintenant la question du changement climatique.
Le 13 avril dernier, le groupe en cours de nationalisation a présenté à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) son projet d'adaptation au réchauffement. Pas convaincue, celle-ci publiait quatre jours plus tard une note dans laquelle elle alerte sur le "besoin d'anticiper" dès les "prochains étés" sur la manière dont seront gérées les canicules et les sécheresses par les centrales françaises.
Celles-ci pourraient avoir un impact sur la disponibilité de l'eau qui refroidit les réacteurs. Par ailleurs, cette eau est ensuite restituée à une température plus élevée dans la mer ou les rivières, ce qui constitue un autre danger pour l'environnement.
Situation critique pour les fleuves et les rivières
Pour les cinq centrales d'EDF situées en bord de mer, la sécheresse ne constitue pas un enjeu majeur vu la quantité d'eau en circulation. Mais pour les treize autres, qui se trouvent près d'un fleuve ou d'une rivière, la situation est plus critique. Si les rejets d'eau dépassent les normes de température, la biodiversité peut s'en trouver affectée.
En 2019 déjà, EDF avait dû arrêter les deux réacteurs de Golfech (Tarn-et-Garonne), implantés au bord de la Garonne, et diminuer la puissance de deux autres, ceux de Saint-Alban (Isère) et de Bugey (Ain). L'an dernier, entre juin et août, il y a eu 33 jours de canicule.
Pour assurer la sécurité du réseau électrique, l'ASN a dû modifier temporairement ses prescriptions encadrant les rejets thermiques des centrales de Blayais (Gironde), Bugey, Golfech, Saint-Alban et Tricastin (Drôme). Pour le moment, les pertes de production pour cause de faible débit et de température élevée des fleuves sont minimes: 0,3% en moyenne depuis le début du siècle selon EDF. Lors de la canicule historique de 2003, elles avaient atteint 1,4%.
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Raisonner en puissance instantanée
"Ces chiffres paraissent négligeables, mais ils ne le sont pas car il faut raisonner en puissance instantanée, dit Marc Jedliczka, porte-parole de l'association négaWatt.
L'été est la période où de nombreuses centrales sont en phase de maintenance. L'an dernier, à certains moments, seulement 30 réacteurs sur 56 fonctionnaient. Mais si en raison de la hausse des températures deux ou trois tranches supplémentaires devaient s'arrêter, cela pourrait poser problème."
D'autant que dans les années à venir, les épisodes de canicule risquent de se généraliser. EDF, qui doit construire six réacteurs EPR d'ici à 2045, travaille sur des systèmes de refroidissement plus sobres. Pour le moment, les résultats tardent à venir. Dans un rapport publié le mois dernier, la Cour des comptes notait d'ailleurs qu'"EDF n'a proposé jusqu'à ces dernières années aucune innovation opérationnelle concernant les systèmes de refroidissement dans le cadre du nouveau programme nucléaire".