Le Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main décerné depuis 1999 à des artisans d’art et la création récente du Jardin des métiers d’art et du design à Sèvres sont des signaux forts de la reconnaissance des métiers d’art sur le plan institutionnel. De l’exposition « L’usage des formes » en 2015 au Palais de Tokyo à « Matières à l’œuvre » en 2021 à la Galerie des Gobelins, les musées ont eux aussi projeté les artistes de la matière sur le devant de la scène. Désormais c’est au tour du marché de l’art de s’y intéresser.
Les métiers d’art ont la cote
Ce n’est pas un hasard si Piasa, maison de vente aux enchères spécialisée dans le design et l’art contemporain, organise pour la deuxième fois au Salon Révélations une session d’enchères dans l’enceinte du Grand Palais Éphémère. « Le salon a sélectionné notre maison afin que ces pièces soient reconnues par le marché de l’art, pour permettre aux collectionneurs d’art de découvrir des pièces uniques et créer une cote pour ces créateurs, si cela n’est pas déjà le cas, pour Lison de Caunes par exemple », explique la responsable de la vente Élodie Bériola. Un Coffre de cette Maître d’art en marqueterie de paille, réalisé pour la Design Parade Toulon 2022 (estimé 18000-25000 €) est l’un des lots-phares de la vente avec le Cabinet d’écriture BW12 de l’ébéniste Hervé Delumeau (2022, estimé 18000-25000 €). Toutefois des pièces uniques de jeunes artistes de la matière sont plus accessibles : estimation de 1200 à1500 € pour un vase en céramique émaillé de Lada Donchenko ; et de 5000 à 7000 € pour une sculpture en verre émaillé de Jonathan Ausseresse.
Lison de Caunes, d’après une création de Billy Poitevin & Claire Jeancourt-Galignani, Coffre, 2022, Pièce unique, marqueterie de paille, H 45 × L 157 × P 45cm. Vente Piasa du 10 juin, Estimation : 18 000 / 25 000 €. © D.R.
En direct des créateurs
Mais Révélations est l’un des rares salons dédiés aux métiers d’art (avec Résonance[s] à Strasbourg du 10 au 13 novembre prochain) où l’on peut acquérir en direct auprès des créateurs des pièces uniques ou réalisées en petites séries au sein d’ateliers ou de manufactures d’art : WA-RI-KI 2215 urushi (2022) de Kenji Honma, objet issu de l’arbre à laque recouvert de laque urushi, de lin et de poudre d’étain (2500 $) ou un vase de la céramiste Siqou (entre 1000 et 6000 €), lauréate du prix de la Jeune Création des Métiers d’art 2022, qui cherche à reproduire visuellement en porcelaine la beauté des pelages d’animaux polaires, inspirée par sa résidence artistique sur la côte ouest du Groenland.
Siqou, Grand Vase Nanoq, porcelaine, 30 cm h x 27 cm, 2023 © Siqou
Deux galeries spécialisées dans les métiers d’art contemporain exposent toutefois à Révélations : la galerie Collection d’Ateliers d’art de France, qui présente aussi bien des créateurs reconnus (l’artiste papetier Jean-Michel Letellier) que de jeunes talents comme la plumassière Marion Hawecker ; et la galerie nomade Maison parisienne qui représente la sculpteure textile Simone Pheulpin, le dinandier Hervé Wahlen et le plumassier Julien Vermeulen.
L’art et la matière
Ce dernier est lauréat 2018 du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main dans la catégorie Talents d’exception. « Un gage de qualité et de reconnaissance qui entre en ligne de compte dans la cote de l’artisan d’art », poursuit Elodie Beriola. On retrouvera également les sculptures (laiton usiné, martelé, et résine modelée) de la lauréate 2013 Mylinh Nguyen issues de sa résidence à la Villa Médicis à l’automne dernier, sur un stand du salon Révélations (entre 1000 et 6000 €). D’autres lauréats disposent de leur propre atelier et show-room à Paris : le laqueur Nicolas Pinon, ou encore le souffleur de verre Jeremy Maxwell Wintrebert qui crée des installations lumineuses spectaculaires (prix sur demande).
Mylinh Nguyen, Roses IIIII, 2023, polymère modelé © Mylinh Nguyen
À mi-chemin entre art et artisanat, des créations en céramique, verre, laque ou bois sont exposées à la galerie Sinople : « Ce qui fait notre spécificité, c’est le décloisonnement des disciplines : il n’y pas de dichotomie entre design, art et artisanat d’art », résume le galeriste Julien Strypsteen, qui commande des éditions limitées d’objets sculpturaux à l’Atelier Alba (Confluence, 2020, loupe de frêne (teinte Napoléon III), poirier noirci, dorure à la détrempe, hêtre massif, de 1490 à 5000 €) ou des pièces en grès noir tournées et émaillées de Ciprian Tocu (de 750 à 3200 €). Certains exposants du PAD Paris en avril dernier l’ont compris : les galeries Carpenters Workshop, Chahan, Gosserez, Maria Wettergren, Florian Daguet-Bresson ou Raphaella Riboux-Seydoux. Pour eux, art contemporain et artisanat ne font qu’un !
Ciprian Tocu, Promenade du Nord – Intro 2, grès noir et grès clair, émail jardin 3 © galerie Sinople / Alexandra Mocanu
