Il était temps. Pour la première fois cette année, la session du nouveau baccalauréat, pensé et mis en place par le précédent ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, devrait s’achever sans les perturbations liées à la crise sanitaire. L’édition 2023, dont l’épreuve de philosophie a lieu mercredi 14 juin, offre donc une occasion de tirer les premières leçons de la réforme qui a transformé le lycée général et technologique.
Depuis 2019, les filières L, ES et S ont été remplacées par des combinaisons de douze spécialités au choix des élèves – trois en 1re puis deux en terminale. Ces dernières font l’objet de deux épreuves passées au mois de mars de la terminale, qui comptent pour 32 % de la note finale et sont prises en compte dans Parcoursup. Le contrôle continu a été introduit et détermine désormais 40 % de la note, aux côtés des épreuves de philosophie (8 %), du grand oral (10 %) et du français en 1re (10 %), toutes trois organisées en juin.
De cette nouvelle architecture, les enseignants reconnaissent notamment l’intérêt des nouvelles combinaisons de spécialité et des programmes, mais s’inquiètent du stress accru des élèves, des difficultés organisationnelles, de l’absentéisme, de la dégradation des relations entre les familles et les enseignants, ou encore de la perte de valeur des épreuves terminales… Pour le ministère de l’éducation nationale, l’enjeu est, « à ce stade », de laisser la réforme s’installer après des années de perturbations.
La communauté éducative, si elle n’est pas unanime sur les réponses à apporter, s’accorde cependant à dire que des ajustements sont nécessaires et réclame de poser le débat. « Il faut faire un retour d’expérience de manière urgente et évaluer cette réforme, insiste Olivier Beaufrère, secrétaire national du SNPDEN-UNSA. On ne peut pas reconduire le calendrier tel quel l’année prochaine sans se poser de questions. »
Le libre choix des spécialités, en partie un leurre
Les spécialités ont, de fait, ouvert les possibilités pour les élèves, dont certains choisissent des associations de matières entre sciences et humanités autrefois impossibles. Mais cette flexibilité a rapidement été rattrapée par la machine de l’éducation nationale. Dans certains lycées, les « triplettes » et les « doublettes » ont parfois été présentées en « menus », contraignant les élèves à choisir des associations prédéfinies par leur établissement, loin du libre choix promis.
La carte de l’offre de spécialités, publiée en décembre 2018, s’est révélée inégalitaire, au-delà des sept spécialités principales proposées presque partout. L’offre de formation est largement calquée sur le profil des établissements, leur taille et leurs moyens. Les grands lycées de centre-ville conservent une offre pléthorique, multipliant les spécialités arts et langues, quand d’autres se contentent de moins. « Si on tient compte du fait que les séries ES et L n’ont jamais été proposées partout, l’offre de formation a plutôt progressé », défend cependant Pierre Mathiot, universitaire, directeur de l’institut d’études politiques (IEP) de Lille et artisan de cette réforme.
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