Emmanuel Macron veut s'attaquer aux vacances scolaires pour combattre les inégalités
Le chef de l'Etat a remis sur la table la question du temps scolaire, mardi, lors d'un déplacement dans une école marseillaise. Il a ciblé les vacances d'été, de « deux mois et demi ou trois mois » pour certains élèves.
La question des rythmes scolaires avait tellement plombé le quinquennat Hollande qu'on pensait le sujet éloigné des débats pour un moment encore. Dix ans après son prédécesseur, deux semaines après la sortie d'Edouard Philippe sur le même sujet, Emmanuel Macron s'est pourtant lui aussi emparé du dossier lors de son déplacement à Marseille.
« On doit rouvrir un débat qui est celui du temps scolaire dans l'année », a déclaré Emmanuel Macron, mardi, lors d'un déplacement à l'école Saint-André de Castellane, l'une de celles qui font l'objet du vaste plan de rénovation à Marseille. Le chef de l'Etat a évoqué une « grande hypocrisie française » en parlant des enfants « qui ont deux mois et demi ou trois mois de vacances ».
« Un peu juste pour l'année prochaine »
Pour Emmanuel Macron, « on doit concerter cela, pas pour l'année prochaine c'est un peu juste, mais il faut repenser ce temps dans l'année ». Il a insisté sur les inégalités qui se creusent durant l'été. Il a évoqué les enfants qui ont la chance de partir en vacances ou en séjour linguistique et ceux, comme dans les quartiers Nord de Marseille, qui bénéficient de « peu d'infrastructures sportives, avec des familles qui sont déjà en difficulté ».
« Quand on a des vacances de trois mois, l'inégalité revient », a-t-il insisté en citant des études qui montrent que, si les enfants arrêtent les cours début juin, ils reviennent début septembre « avec un niveau scolaire qui est celui de début mai ». « On détruit en quelque sorte de l'apprentissage collectif », a déploré Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat veut donc « repenser avec les enseignants ce temps durant l'année », pour éviter « qu'on bourre les semaines de nos enfants » et qu'ils « arrivent crevés tous les soirs ».
« Avant de penser aux vacances d'été, il faut repenser le temps scolaire sur l'année », a réagi sur Franceinfo Guislaine David. Pour la secrétaire générale du principal syndicat du primaire, le SNUipp-FSU, « les vacances de février arrivent par exemple très vite après celles de Noël, pour des raisons liées à l'économie du tourisme en montagne ». Quant aux élèves en difficulté, « le président prend les choses à l'envers, estime-t-elle. Emmanuel Macron dit qu'ils ont trop de vacances. Pourquoi ne pas permettre à tous les enfants de partir en vacances ? On ne pose pas les bonnes questions. »
L'Allemagne citée en exemple
Le chef de l'Etat a en tête le modèle d'outre-Rhin. « Comment font les Allemands pour avoir du sport l'après-midi ? Parce qu'ils ont un temps scolaire qui est réparti différemment dans l'année. » Sans préciser que l'Allemagne s'interroge elle-même sur son propre modèle…
Emmanuel Macron sait le sujet éruptif, à l'heure où la mise en oeuvre du pacte enseignant - qui consiste à rémunérer des missions supplémentaires - inquiète des enseignants et des chefs d'établissement. Le chef de l'Etat veut rouvrir le dossier du temps scolaire, mais pas comme l'avait fait son prédécesseur - « pas nos fameux rythmes scolaires », a-t-il indiqué. La réforme des rythmes scolaires et le passage à quatre jours et demi d'école au lieu de quatre avaient déclenché un vent de critiques tel qu'ils avaient occulté les réformes éducatives du quinquennat de François Hollande.
Agir « d'en bas » pour la rentrée 2024
Mais comment faire, concrètement ? « On va continuer et élargir l'innovation pédagogique, les CNR [Conseil national de refondation] et le travail avec les parents, et on va rouvrir ces grands chantiers pour redonner de la liberté », indique seulement Emmanuel Macron, sans plus de détails.
Il est peu probable qu'un texte réglementaire impose un temps scolaire nouveau et identique dans toutes les écoles et établissements de France. La logique consistant à agir « d'en bas » pourrait conduire certains établissements, localement, à adopter un projet d'établissement avec une refonte du temps scolaire.
A Marseille, dix écoles ont déjà un projet en ce sens, indique Christian Abrard, le préfet chargé du volet écoles du plan « Marseille en grand ». Il évoque « un travail mené en intelligence avec l'équipe pédagogique qui aimerait travailler différemment ». Une autre école marseillaise envisage un projet de temps scolaire sur cinq jours. Dans les deux cas, c'est la rentrée 2024 qui est visée.
Marie-Christine Corbier