"Desserrement métropolitain" et "renouveau rural" : il se passe bien quelque chose

Une "mise au vert timide" : dans une étude publiée le 21 juin, France Stratégie, en partenariat avec la région Nouvelle-Aquitaine, analyse à son tour le phénomène d'"exode urbain" dont il a beaucoup été question depuis la crise Covid. A l'instar d'études précédentes, les auteurs concluent que l'expression est très exagérée mais qu'il y a bien des mouvements "significatifs" de départs de certains pôles de métropoles à destination de villes proches ou plus lointaines. Basée sur les inscriptions scolaires et le taux de croissance des prix de l'immobilier, ils font part d'une accentuation de processus plus anciens de desserrement métropolitain d'une part et de renouveau rural d'autre part.

"Si l’hypothèse d’un flux massif de déménagements depuis les métropoles est invalidée, on observe bien des mouvements significatifs au départ de certains pôles de métropoles à destination de villes proches ou plus lointaines". C'est le constat de l'étude de France Stratégie "Exode urbain : une mise au vert timide", menée en partenariat avec la Nouvelle-Aquitaine et publiée le 21 juin 2023. Elle fait suite à d'autres analyses qui témoignaient également de mouvements diffus et non d'un véritable "exode urbain" : les variations d'inscriptions scolaires du premier et second degrés, analysées par Olivier Bouba-Olga et Fouqueray (voir notre article du 14 janvier 2022), les prix de l'immobilier, les évolutions de la population et de l'emploi privé, les réexpéditions de courrier de La Poste, analysées dans le cadre du programme Popsu Territoires (voir notre article du 20 février 2023), et une synthèse de l'Insee des cartes grises et inscriptions scolaires.

L'étude de France Stratégie se base quant à elle sur un croisement entre les données les plus récentes sur les inscriptions scolaires et sur le taux de croissance des prix d'un bien immobilier type, en se focalisant notamment sur les villes moyennes et la Nouvelle-Aquitaine. Pour chacune de ces variables, elle compare une période avant covid (2017-2019) et depuis le covid (septembre 2020 à septembre 2022 pour les inscriptions scolaires et de 2019 à 2022 pour les transactions immobilières). Et la conclusion est une fois de plus la même : plus qu'un exode urbain, il s'agirait davantage d'une accentuation de processus plus anciens de desserrement métropolitain d'une part, et de renouveau rural d'autre part.

Une évolution plus favorable dans les zones rurales pour les inscriptions scolaires du premier degré

Concernant les données relatives aux inscriptions scolaires du premier degré, "c'est dans les zones rurales que l'évolution différentielle apparaît la plus favorable et dans les pôles des métropoles qu'elle est la plus défavorable, Paris compris ou non", indiquent les auteurs Olivier Bouba-Olga (pôle Datar de la région Nouvelle-Aquitaine) et Coline Bouvart (France stratégie). En gros, tous les territoires voient leur situation relative s'améliorer sauf les pôles des métropoles.

Les résultats sont quasiment les mêmes pour le second degré, même s'ils sont moins tranchés : "l'évolution différentielle est négative pour les pôles des métropoles, quasi nulle pour les pôles des villes moyennes et positive pour les autres catégories de communes", précise le document. Côté villes moyennes, les évolutions sont positives pour le premier degré et légèrement négatives pour le second.

S'agissant des prix de l'immobilier, l'évolution est différente : les prix augmentent sur tous les territoires, mais la hausse la plus forte est au profit des couronnes des villes moyennes, puis des couronnes des métropoles (hors Paris), et enfin, dans une moindre mesure, des pôles des villes moyennes. Pour toutes les autres zones, l'évolution est négative, donc aussi bien à Paris et dans le cœur des métropoles que dans les petites villes et les zones rurales.

En analysant conjointement les trois indicateurs (inscriptions scolaires en premier et second degrés et prix de l'immobilier), l'étude estime qu'on ne peut certes pas parler d'exode urbain, mais qu'on assiste à un ralentissement de la croissance des cœurs des métropoles concomitant avec une accélération dans les couronnes. "Pour leur part, les petites villes et les zones rurales connaissent des dynamiques opposées entre inscriptions scolaires, avec une amélioration significative depuis la crise, et prix de l'immobilier, dont la hausse est moins marquée qu'au niveau national, signe peut-être d'une disponibilité plus grande du foncier".

Des tendances convergentes pour certains territoires

L'étude signale toutefois que, malgré des résultats hétérogènes, certains territoires présentent des tendances convergentes. Elle classe les territoires en fonction de leurs résultats (soit évolution positive des trois indicateurs, soit évolution négative). Se dessine alors une carte (195 territoires dans la première catégorie, 130 dans la seconde) qui ne correspond à aucune géographie habituelle de l'attractivité territoriale, ni à aucun effet régional apparent… L'effet d'attractivité de la région parisienne, des façades ouest et méditerranéenne, ne ressort ainsi pas spécialement. "Les territoires aux évolutions positives sont relativement bien répartis sur tout l'hexagone", précise l'étude de France Stratégie. Autre constat : les couronnes sont parmi les territoires les plus représentés dans une dynamique positive. "Elles constituent 47% de l'ensemble des territoires étudiés, mais 55% des territoires ayant des évolutions différentielles positives sur les trois indicateurs, souligne le document, c'est un nouveau signe d'un desserrement des centres urbains, tendance au long cours et moteur de la périurbanisation, mais qui s'accentuerait depuis la crise".

Des trajectoires positives pour les villes moyennes

Concernant les deux points sur lesquels l'étude s'attarde, les villes moyennes et la Nouvelle-Aquitaine, le document conclut à des trajectoires positives pour les premières, qui existaient cela dit avant la crise, et à une situation plutôt dynamique en termes d'attractivité pour la seconde, mais avec des contrastes importants sur toute la région. "On n'observe pas de régularités qui opposeraient la partie littorale et la partie Est de la région, signale ainsi l'étude, c'est la diversité qui prévaut, sans qu'il soit facile d'identifier les logiques sous-jacentes".

La note estime qu'il faudrait des investigations plus qualitatives pour mieux comprendre les trajectoires des territoires atypiques et les raisons des mobilités observées ainsi que leur caractère transitoire ou non et leurs conséquences en termes d'accueil de nouveaux habitants.