Métiers d'art : mobilisation générale pour attirer les jeunes talents
A Tonnerre, en Bourgogne, s'ouvrent les premières Rencontres économiques des métiers d'art, après l'annonce d'un plan de 340 millions pour le secteur il y a un mois. Pour les champions français du luxe, il est urgent d'attirer la jeune génération vers ces métiers.
Par Martine Robert
Le 30 mai dernier les ministres de la Culture, Rima Abdul Malak, et de l'Artisanat, Olivia Grégoire, annonçaient un ambitieux plan de 340 millions d'euros sur trois ans pour les métiers d'art, dans l'enceinte du Mobilier national à Paris. Le fruit d'une mobilisation générale du secteur. Un mois après, jour pour jour, les premières Rencontres économiques des métiers d'art sont organisées à Tonnerre, en Bourgogne.
« Tonnerre, c'est une ville impactée par la désindustrialisation, qui a pourtant les atouts pour devenir la vitrine d'une croissance soutenable avec les métiers d'art grâce à l'implantation de manufactures, d'ateliers, d'écoles », explique Romain Mouton, l'organisateur, président de RM conseil.
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Lemaire, vient en personne. « Nous voulons aider les métiers d'art à se structurer en filière et à répondre à leurs défis de recrutement et d'exportation », affirme Bercy. Preuve de l'intérêt du gouvernement pour cet écosystème de 60.000 entreprises, principalement unipersonnelles, qui pèseraient 19 milliards de chiffre d'affaires et ont un impact sur l'image de la France.
Boule à facettes
Alors que la France brille à l'international avec ses champions du luxe, « les métiers d'art sont notre Silicon Valley et notre boule à facettes à l'étranger », affirme Alexandre Boquel, directeur des Métiers d'excellence chez LVMH (propriétaire des « Echos »). « C'est notre territoire de croissance, de différenciation, de créativité et, pour les maisons de luxe, leur coeur battant », dit-il.
« On pourrait croire ces savoir-faire anciens menacés d'obsolescence, ils n'ont jamais été autant d'actualité », soulignaient, en effet, Rima Abdul Malak et Olivia Grégoire, lors de la présentation du plan.
Alpha et Oméga
« Les métiers d'art sont célébrés comme l'alpha et l'oméga de nos maisons de luxe », pointe de son côté Bénédicte Epinay, déléguée générale du Comité Colbert qui fédère 113 grandes marques françaises dans la mode, la gastronomie, le patrimoine… LVMH est en effet présent sur quasiment tous les métiers d'excellence répertoriés - au nombre de 281, presque tous en tension - et compte 100.000 collaborateurs concernés de près ou de loin par ces sujets, dans la création, l'artisanat et l'expérience client, à travers la planète.
Mais si les débouchés sont là, la relève ne l'est pas. « Les jeunes ne connaissent pas ces métiers et leurs parents sont inquiets à l'idée qu'ils les choisissent », regrette Alexandre Boquel qui a entrepris un tour de France avec une quarantaine d'écoles publiques et privées pour prêcher la bonne parole. L'an dernier, le groupe a effectué 8.000 recrutements dans le monde et espère pourvoir à 3.500 postes d'ici à fin 2023 en France.
Lire aussi :
Comment le gouvernement veut faire briller les métiers d'art
Nos manufactures nationales sont à l'origine du luxe que le monde nous envie
Station F
Le Comité Colbert a, lui, lancé l'an dernier à la Station F « Les de(ux)mains du luxe » attirant 4.300 visiteurs en 3 jours, dont une majorité de collégiens et lycéens, autour de démonstrations et d'ateliers. Fort de ce succès, il réitérera l'opération en décembre, sur quatre jours cette fois.
Emmanuel Tibloux, directeur de l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad), espère, de son côté, que la nouvelle stratégie nationale en faveur des métiers d'art « attirera l'attention sur un secteur qui a longtemps été malmené par la standardisation, bouté par l'art contemporain, mis à mal par la digitalisation ».
Cinq piliers
Le plan du gouvernement s'articule autour de cinq piliers : outre la valorisation auprès des jeunes, il mise sur la formation - y compris continue -, la constitution de pôles territoriaux, l'innovation et l'international.
« Nous sommes engagés depuis vingt-cinq ans en faveur des artisans d'art et avons justement investi depuis dix ans l'étranger, pour leur ouvrir des marchés, des sources d'inspiration, de la notoriété : car il existe un désir mondial de nos savoir-faire d'excellence dont nous n'avons pas conscience en France », estime Olivier Brault, directeur de la fondation Bettencourt-Schueller . D'où l'intérêt que Business France soit également mobilisé dans 54 pays, ainsi que les ambassades chargées de devenir des vitrines.
Cela va également dans le sens des parcours d'excellence qu'Alexandre Boquel veut constituer, « pour que ces métiers d'art soit incarnés par des ambassadeurs, des stars, qui fassent rêver les jeunes, les aident à se projeter », insiste-t-il. LVMH y prendra sa part en participant à l'exposition universelle d'Osaka en 2025.
Martine Robert