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La ferme d’Arcy, une exploitation agricole modèle pour l’énergie

Jacques-Pierre et Mauritz Quaak devant les méthaniseurs de la ferme d’Arcy. Elsa Bembaron / Le Figaro

De la production de biométhane à la captation de CO2, les innovations s’y succèdent depuis dix ans.

À Chaumes-en-Brie (Seine-et-Marne), à une soixantaine de kilomètres de Paris, la Ferme d’Arcy n’est pas tout à fait une exploitation familiale comme les autres. C’est ici, chez eux, que les deux exploitants, les frères Mauritz et Jacques-Pierre Quaak, ont installé le premier méthaniseur - ces grandes installations en forme de yourtes dans lesquelles des déchets végétaux génèrent du biométhane - dans une exploitation agricole en France, en 2013. Une véritable ferme pilote qui va bientôt ajouter une nouvelle corde à son arc: la captation et la production de CO2 destiné à l’industrie agroalimentaire. Une façon de conserver leur rôle de précurseurs dans la filière, alors qu’aujourd’hui, quelque 550 méthaniseurs sont installés dans des exploitations agricoles en France.

Le CO2 issu de la biomasse, utilisée dans le méthaniseur, est rejeté dans l’atmosphère. Dans quelques semaines, un démonstrateur baptisé ZOE va être mis en place pour récupérer le CO2, le liquéfier, le purifier à 99,99% pour qu’il soit «de qualité alimentaire». Développée par les Italiens de Gazfio, cette solution va permettre à la ferme d’Arcy de vendre du gaz carbonique à des exploitants de serres agricoles - le CO2 est alors utilisé pour dynamiser la croissance des plantes - pour la conservation des aliments en barquette, la gazéification de boissons ou encore dans l’industrie du lavage. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact financier de ZOE, les frères Quaak bénéficient d’une précieuse expérience dans le domaine de la méthanation.

Il y a une dizaine d’années, l’idée leur était venue d’Allemagne. Les frères Quaak lancent leur projet, «en plein cœur de la ferme». Les trois grandes cuves sont installées à quelques centaines de mètres du cœur de ferme, un long bâtiment en pierres de taille typique de la Brie, au milieu des champs. En face, du colza finit sa croissance. Plus loin, des vaches limousines paissent. Les toitures de la vaste étable sont recouvertes de panneaux photovoltaïques. Au sol, sur la butte de rétention du méthaniseur, les exploitants viennent d’installer de nouveaux panneaux solaires orientés est-ouest. «Ainsi, ils fonctionnent le matin et en fin de journée. Ils fournissent 20% des besoins en électricité du méthaniseur. Il peut y avoir des synergies entre les énergies renouvelables, c’est assez nouveau», explique Mauritz Quaak. Certes, il faut un peu d’énergie pour faire fonctionner l’installation mais pour une unité consommée, 11,5 sont produites.

L’exploitation s’étend sur 280 hectares. Au total, la ferme produit 13,6 gigawattheures (GWh) de biométhane par an. C’est assez pour chauffer «10.000 habitations en bâtiments basse consommation». Dans les faits, elle est raccordée aux six communes avoisinantes. Au départ, seules quatre l’étaient. «GRDF a appris à gérer le réseau pour que le gaz vert irrigue prioritairement le local. Auparavant, le gaz allait uniquement dans un sens, maintenant il est bidirectionnel, avec la multiplication des productions décentralisées», explique Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF. L’année dernière, la capacité maximale de production des méthaniseurs français était de 10.100 GWh. La France compte 1174 projets en développement, pour un potentiel de production de 25.000 GWh. À l’horizon 2030, les gaz renouvelables pourraient couvrir 20% des besoins du pays en gaz.

«Intégration territoriale des méthaniseurs»

Un modèle de production que le WWF regarde avec attention. Pour l’ONG spécialisée dans la défense de l’environnement, «le biométhane, en remplacement des énergies fossiles, a une place dans le mix énergétique de la France pour asseoir la résilience du système.»«Nous privilégions un modèle d’intégration territoriale des méthaniseurs, installés sur des exploitations agricoles, avec un approvisionnement le plus proche possible en intrants. Il faut éviter les norias de camions sur un énorme cycle de production», explique Arnaud Gauffier, directeur des programmes WWF France. Une façon de s’opposer à des mégas projets intégrants quelques centaines d’agriculteurs appelés à apporter leurs déchets verts à une grosse unité de production de biogaz. Le WWF pousse à des solutions à taille humaine, en cycle court, comme à la ferme d’Arcy.

Les cultures servent pour partie à alimenter le bétail. Le fumier, mais aussi les poussières de céréales, la pulpe des betteraves sucrières, viennent nourrir le méthaniseur, qui produit du biométhane, mais aussi du digestat, un résidu organique utilisé comme engrais dans les champs. Rien n’est laissé au hasard: le digestat liquide est épandu dans les champs via un réseau d’irrigation et pour ceux qui sont plus loin, un digestat séché - donc plus dense - est transporté par tracteur. «C’est une autre façon de réduire les émissions de CO2, en limitant les intrants chimiques. Nous avons divisé par deux nos achats d’ammoniac et d’azote et cessé ceux de potasse et de phosphore. En même temps, nous produisant une énergie verte et qui se stocke, se réjouit Mauritz Quaak, fervent ambassadeur de cette diversification. Elle nous permet de nous lancer dans de nouveaux projets en nous apportant un revenu récurrent.»

«Les modèles agricoles ont changé. Nous avons planté du sorgho, on étudie le tuffgrass, une plante venue d’Afrique du Sud pour le fourrage des bêtes, surtout, avec l’exploitation du méthaniseur, nous ne laissons plus la terre à nue», explique Jacques-Pierre Quaak. Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), comme celle du seigle, viennent protéger les sols, entre le blé de printemps et le maïs en juillet, par exemple.

«La France était en avance dans la méthanisation, mais les Allemands nous ont doublés. Aujourd’hui, ils ont plus de 10.000 méthaniseurs quand il y en a 1400 ici, dont 550 dans des fermes, regrette Mauritz Quaak. Et en plus les Allemands sont moins regardants sur les intrants que nous.» Quand la France a plafonné à 15% l’utilisation de cultures dédiées pour produire du gaz, les Allemands n’ont pas posé de limites.

Reste une question souvent posée par les méthaniseurs: et l’odeur? À part celle tout à fait classique d’un tas de fumier, aucune. Elle est même moins prégnante que dans certains élevages qui n’ont pas de méthaniseur.

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5 commentaires
  • Pline le Jeune

    le

    Espérons que cet article ne va pas inciter les Amis de la Terre et autres écolos à venir tout saccager.

  • Noemie Albert

    le

    Pourquoi "la France a plafonné à 15% l’utilisation de cultures dédiées pour produire du gaz, (alors que ) les Allemands n’ont pas posé de limites ???
    Qui a décidé cette absurdité ? Les socialistes ou les Verts ?
    Voila deux questions qu'il faudrait creuser, car lorsqu'on cherche des énergies alternatives il y a toujours un idéologue (payé par les pétroliers ?) qui vient nous mettre des bâtons dans les roues ...

  • Batosurlo

    le

    Bel exemple de la France qui entreprend, perce l’armure réglementaire qui étouffe le pays et apporte sa pierre à l’édifice énergétique !

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