Comment couvrir les besoins de main-d’œuvre du secteur de la rénovation énergétique à horizon 2030 ?

France Stratégie organisait mardi 4 juillet la 2e Conférence des métiers et des compétences. Un événement centré sur les enjeux de l'emploi dans la transition écologique et qui s’est appuyé sur une étude prospective à laquelle France Stratégie et la Dares ont pris part.

Après une première conférence des métiers et des compétences dédiée à la formation et à l’enseignement, organisée en mars 2022 dans le cadre de France 2030, France Stratégie s’est penchée mardi 4 juillet sur les enjeux de l’emploi dans la transition écologique à travers le prisme du secteur de la rénovation énergétique des bâtiments. En guise d’introduction, Selma Mahfouz, inspectrice générale des Finances et rapporteure du rapport Pisani-Ferry sur "les incidences de l’action pour le climat" a alerté sur le fait que la transition écologique "avait l’ampleur des révolutions industrielles du passé, mais sur un rythme beaucoup plus soutenu". Une manière de souligner combien les efforts à fournir pour attendre les objectifs de neutralité carbone vont avoir des impacts considérables, notamment sur le marché de l’emploi.

"Il va falloir investir pour remplacer les énergies fossiles par du capital et donc de l’investissement". Un montant estimé entre 60 et 70 milliards d’euros par an (soit 2 points de PIB annuel) consenti pour "consommer moins d’énergies fossiles mais pas pour générer davantage de recettes !", explique-t-elle. Elle rappelle par ailleurs que si "80% des émissions sont le fait de secteurs qui ne représentent que 10% des emplois", on ne pourra faire l’économie d’une vision globale qui prennent en compte l’impact de la transition écologique sur les autres secteurs. Ramené au sujet de l’emploi, cette dynamique nouvelle va "supposer des réallocations entre les secteurs, entre les métiers". Un processus long qui s’accompagnera de vagues de chômage, de disparités régionales et aussi d’effets indésirables sur des métiers déjà en tension.

Des besoins estimés à 200.000 emplois supplémentaires dans la rénovation énergétique

A propos du cas d’étude du secteur de la rénovation énergétique, Dorian Roucher, sous-directeur Emploi et Marché du travail au sein de la Dares, souligne que le secteur du bâtiment est au cœur de la transition écologique "avec un objectif de réduction de 60% des émissions à horizon 2030". Une dynamique qui va fortement impacter l’emploi d’un secteur déjà largement en tension. S’agissant des besoins, reconnaît Dorian Roucher, même si beaucoup d’incertitudes demeurent, en moyenne "il faudra environ 200.000 emplois supplémentaires (dans la rénovation énergétique) pour tenir ces objectifs", alors même que plusieurs scénarios indiquent une baisse significative de la construction de logements neufs sur la même temporalité. Et, au final, "la baisse des emplois dans la construction neuve ne serait pas suffisante pour des réallocations vers la rénovation", faisant ainsi apparaître un besoin net de nouveaux emplois.

L’équation se complique d’autant plus que des disparités régionales fortes se font jour, notamment sur la question des passoires thermiques qui apparaissent plus nombreuses dans un grand quart Nord-Est de la France. Sans compter que, d’une manière générale, les régions qui rencontrent déjà des difficultés de recrutement vont devoir faire face dans les 10 ans à venir à une vague de départs à la retraite qui pourrait toucher jusqu’à 26% des professionnels de ces métiers. "Dans la variante bas carbone" de l’étude de France Stratégie, "il manquerait 200.000 bras alors que le niveau de tension est déjà fort aujourd’hui", relève le représentant de la Dares.

La rénovation, un secteur largement atomisé

Hélène Garner, directrice du département Travail, Emploi, Compétences de France Stratégie, insiste pour sa part sur le fait que "les fortes incertitudes sur l’évolution de la construction neuve vont impacter le potentiel de transfert des métiers du bâtiment vers la rénovation". Un secteur de la rénovation déjà largement "atomisé avec beaucoup d’artisans, d’entreprises individuelles" qui vont devoir se former pour pouvoir proposer des prestations globales. Seule certitude, "il faut se mettre en ordre de marche dès aujourd’hui sur la formation, même si ce n’est qu’une brique au sein d’un écosystème plus large".

Un autre enjeu à ne pas négliger, estime Hélène Garner, consiste à accroître le socle d’entreprises réalisant des travaux de rénovation énergétique performante, "ce qui pose la question des établissements labélisés, sachant que le pourcentage de ces entreprises est plus faible dans les territoires qui en auront le plus besoin d’ici 2030 !". L’objectif désormais, conclut la représentante de France Stratégie, est d’augmenter le nombre d’entreprises labélisées, d’accroître le financement des formations, d’améliorer l’attractivité de ces métiers "tout en conservant ceux qui existent" et d’augmenter le nombre de jeunes en formation initiale en adaptant les référentiels existants aux nouveaux besoins qui se font jour.