Dans la famille Pamiès, qui préside aux destinées du domaine viticole Lauraire des Lys, sur les contreforts de la Montagne noire, inutile de demander la fille. Elle a quitté le Languedoc pour Paris, où elle est aujourd’hui consultante en communication. « La viticulture n’était pas, pour moi, un choix de cœur, d’autant que j’ai dû poursuivre mon parcours scolaire à Paris, ce qui m’a éloignée de l’entreprise familiale », explique-t-elle, tout en confiant sa « profonde admiration » pour son frère, qui, lui, a pris la relève aux côtés de ses parents et « gère l’entreprise d’une main de maître ».
Loin des séries télévisées où les héritiers multiplient manœuvres et coups bas pour récupérer la direction de l’empire paternel, dans la vraie vie, devoir succéder à ses géniteurs s’apparente parfois à un cadeau empoisonné. Un héritage dont il est difficile de parler, tellement le sujet entremêle les fils de l’amour filial, de la loyauté et des aspirations personnelles de chacun.
Tel ce jeune chef d’entreprise qui, après de brillantes études en école de commerce, confie − sous le sceau de l’anonymat − que son « rêve » était à des années-lumière des deux PME industrielles fondées par ses parents dans le nord de la France. Sollicités, plusieurs « héritiers » potentiels d’une entreprise familiale nous ont raconté pourquoi ils avaient choisi de ne pas marcher dans les pas de leurs parents… avant de renoncer à voir leur témoignage publié, pour ne pas blesser leurs proches ou les salariés de l’entreprise.
« Dans une société familiale, les décisions ne sont pas toujours prises de façon rationnelle : il y a de l’affect, des liens qui dépassent les liens professionnels, témoigne Anne Malassagne, qui a repris, un peu malgré elle, le domaine viticole de ses parents en compagnie de son frère, avant de faire le choix, trois décennies plus tard, et un peu malgré elle encore, de le vendre. Dans le cas d’une entreprise viticole, vous portez à la fois les terres – c’est quasiment sacré ! – et la famille, vous n’avez pas les mains totalement libres. »
Une nécessaire stabilité actionnariale
Pourtant, la question de la transmission, et donc de la pérennité des entreprises, est aujourd’hui un enjeu crucial pour le tissu économique français. Toutes catégories confondues, PME, entreprises de taille moyenne (ETI) et grands groupes, environ 83 % des entreprises françaises – soit 150 000 environ – sont familiales. Mais seuls 17 % des transmissions se font dans le cercle parental, contre 56 % en Allemagne et 70 % en Italie. Finalement, 19 000 entreprises disparaissent chaque année, faute de repreneur.
Il vous reste 72.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.