Concours enseignants : quelles pistes pour pallier le manque d'attractivité ?

Malika Butzbach Publié le
Concours enseignants : quelles pistes pour pallier le manque d'attractivité ?
Plusieurs pistes sont étudiées pour remédierà la crise de recrutement des concours enseignants. // ©  Mathilde MAZARS/REA
Trois ans après la réforme qui a déplacé les concours de recrutement des enseignants à la fin du M2, la situation reste insatisfaisante. Pap Ndiaye a annoncé qu'il souhaitait placer le CRPE, à destination des enseignants du premier degré, à la fin de la L3. De leur côté, les députés Nupes/LFI ont déposé une proposition de loi visant pour mettre en place un "pré-recrutement des enseignants" dès le bac.

Chaque année, lorsque tombent les résultats d'admission aux concours enseignants, la question du recrutement se pose. Le constat demeure sans appel : la profession connaît depuis plusieurs années une crise d'attractivité.

Sur les 9.162 postes ouverts en 2023 au concours de professeurs des écoles (CRPE) public, plus de 1.300 n'ont pas été pourvus, soit près de 15%. Pour celui des enseignants du second degré (Capes), 16,6% des postes ne sont pas pourvus (863 postes sur 5.200 places).

Pour le primaire, ce manque d'enseignants concerne surtout trois académies : la Guyane, Créteil et Versailles. Dans le second degré, les mathématiques, l'allemand ainsi que les lettres modernes et classiques sont les disciplines particulièrement touchées.

Un nombre de postes non pourvus trois fois plus élevé qu'en 2021

Si le nombre de postes non pourvus en 2023 baisse par rapport à l'année précédente, il reste cependant trois fois plus élevé qu'en 2021, avant que la réforme exigeant un master 2 pour être candidat soit mise en place.

Un constat qui perdure donc, avec des racines profondes. Une étude de la Fondation Jean Jaurès, publiée en 2019, montrait que la "mastérisation", introduite en 2011, avait "amplifié une crise du recrutement qui couvait déjà" et empêchait "un nombre important de candidats titulaires d'une licence de se présenter" au CRPE.

Une nouvelle modification du concours en 2025 ?

La première question qui se pose est donc celle de la place du concours. Ce dernier n'a cessé de changer de place, passant du niveau licence à la fin du M1, puis à la fin du M2 avec la réforme de la formation des enseignants, conduite par Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l'Education nationale.

Récemment, son successeur, Pap Ndiaye, indiquait dans une tribune au Monde vouloir "placer le concours de professeur des écoles à bac+3 sans renoncer à la mastérisation". "Même si rien n'est encore tranché, nous espérons mettre cette réforme en œuvre en 2025", ajoute le ministre.

Cette idée du concours de recrutement en fin de licence n'est pas nouvelle et s'est déjà posée lors de la précédente réforme. Dernièrement, dans leur rapport d'évaluation de la loi Blanquer, les députés Géraldine Bannier (Modem) et Jérôme Legavre (LFI) proposaient de déplacer ce concours de recrutement en M1 ou en L3.

Une proposition que l'on retrouve dans la mission menée par les élus Cécile Rilhac (Renaissance) et Rodrigo Arenas (LFI) concernant le recrutement, l'affectation et la mobilité des enseignants du premier degré.

Des syndicats divisés

Ce nouveau déplacement du concours n'est pas forcément bien accueilli par certains acteurs de l'éducation. Le SE-Unsa met en garde. "Modifier une nouvelle fois les modalités de recrutement risque de rebuter encore davantage les candidats déjà engagés dans un processus de formation".

De son côté, FO salue cette décision. "Il aura fallu plus de dix ans aux différents gouvernements pour tirer le bilan du désastreux passage des concours de recrutement de professeurs des écoles de bac+3 et bac+5, conséquence de la mise en place de la masterisation à laquelle la FO s'était opposée, qui a considérablement réduit le nombre de candidats", réagit l'organisation.

Mais les deux syndicats s'interrogent quant à la dissociation du niveau de recrutement entre les enseignants du primaire et ceux du second degré. "Comment peut-on encore aujourd'hui laisser penser que le métier en primaire est "intellectuellement" moins exigeant qu'en secondaire ? Tous les enseignants doivent être recrutés au même niveau d'études et rémunérés à cette hauteur", revendique le SE-Unsa.

Une formation rémunérée pour les futurs enseignants

"Pour autant, nous dissocions l'obtention du diplôme et le concours", précise Pap Ndiaye qui insiste : il ne touchera pas à la mastérisation. "Nous proposerons, après le concours, deux ans de formation rénovée et rémunérée. Cela attirera davantage de candidats, notamment des étudiants défavorisés (…)." Car, l'autre question que pose la crise de recrutement des enseignants est celle de la formation.

Sur le sujet, le groupe des députés Nupes-LFI a annoncé déposer une proposition de loi "destinée à mettre en place un plan de pré-recrutement des enseignants". Pour Paul Vannier, qui suit les questions d'éducation pour le groupe, le rétrécissement du vivier dans les concours est dû à la masterisation. "Les étudiants qui s'engagent pour cinq ans de formation connaissent des obstacles financiers et se retrouvent obligés de travailler à côté de leurs études", explique le député du Val-d'Oise.

Sans remettre en cause l'obtention d'un master, il propose d'ouvrir des parcours universitaires pour les jeunes qui veulent enseigner "dès le niveau bac et possiblement au niveau licence". "Ces futurs professeurs pourront avoir une formation rémunérée pendant cinq ans, tout en préparant le concours. Cela permettra aussi une mixité sociale plus forte parmi les enseignants."

Malika Butzbach | Publié le