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Idées

Banlieues : la discrimination positive doit être massive pour être efficace

EDITORIAL - La mort du jeune Nahel a réveillé la colère dormante des quartiers populaires. Après l'abandon du rapport Borloo, pas plus que ses prédécesseurs, Emmanuel Macron n’a pris la mesure du problème. La France a manqué d’ambition en matière d’intégration et de diversité. 

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Marche blanche Nahel Nanterre

La marche blanche organisée en hommage à Nahel jeudi 29 juin a rassemblé 6.200 personnes, selon la préfecture de police. Après la manifestation, des échauffourées ont ensuite éclaté.

JEANNE ACCORSINI/SIPA
Marche blanche Nahel Nanterre
Banlieues : la discrimination positive doit être massive pour être efficace
Ghislaine Ottenheimer
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Dingue! A nouveau, la France a donné au monde entier le spectacle d’un pays au bord de la guerre civile, avec des tirs de mortiers, des immeubles incendiés, des magasins pillés… Après les cheminots défendant leur statut, les "gilets jaunes" réclamant un peu de considération, les salariés se battant contre la réforme des retraites, ce sont les quartiers qui ont manifesté leur colère.

Et à chaque fois, des violences, des affrontements. Mais que se passe t-il dans ce pays réputé le plus égalitaire, le plus redistributif? En réalité, une partie de la population se sent en danger. Le président de la République a engagé une mutation très profonde, en privilégiant l’incitation économique au détriment du traitement social. Même si le Covid et le "quoi qu’il en coûte" ont fait temporairement dévier sa trajectoire.

Or les résistances sont fortes, chargées de fureur, de haine et parfois de désespoir. La mise en œuvre de la "théorie du ruissellement" est extrêmement périlleuse, car elle génère de l’injustice et tarde à montrer les preuves de son efficacité, comme l’ont démontré trois rapports d’évaluation de France Stratégie.

Exit les "contrats de seconde zone" et le rapport Borloo

Ce qui s’est passé avec la politique de la ville en est une illustration. Alors que, dès l’automne 2017, les élus locaux, les associations s’inquiétaient des orientations prises par le gouvernement et des baisses de crédits en faveur de la ville, le nouveau chef de l’Etat Emmanuel Macron, qui, dans le même temps, avait supprimé l’ISF et allégé la taxation des revenus du capital, leur répondait sans détour : "Quand il n’y a pas une économie qui tire tout le pays en avant, quand il n’y a pas des entrepreneurs qui réussissent, quand il n’y a pas des gens qui réinvestissent dans l’économie, les quartiers les plus en difficulté ne se portent pas bien…"

Ce jeune président, plein d’audace, veut en finir avec les aides, les plans Marshall, les subventions, les "contrats de seconde zone", comme il dit. Ce qu’il veut, c’est donner du travail à ceux qui sont "assignés à résidence", il croit à l’émancipation, à la mobilité. Il veut substituer à la politique de la ville une politique de l’emploi et annonce un "changement total de méthode", avec à l’appui quelques mesures en faveur de la formation. Dans la foulée, le rapport Borloo, qui préconisait des actions spécifiques, est retoqué sans ménagement.

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Des adolescents livrés à eux-mêmes

Hélas, pour transformer en profondeur des quartiers qui ont accumulé toutes les difficultés (enclavement, chômage de masse, immigration), les lois du marché ne suffisent pas. Est-ce à dire qu’Emmanuel Macron est responsable de la situation? La question des quartiers traverse la société depuis des décennies. Et, en réalité, ce ne sont pas les pauvres qui se sont insurgés.

Les émeutiers sont des adolescents, livrés à eux-mêmes. Les structures qui ont encadré, formé, éduqué les jeunes se sont affaissées les unes après les autres : la famille, l’église, l’école, le parti, les scouts, les JOC, les JC… Et cette génération, nourrie aux réseaux sociaux, est très sensible aux injustices, à la discrimination.

Or la France a manqué d’ambition en matière d’intégration et de diversité. Pas plus que ses prédécesseurs, Emmanuel Macron n’a pris la mesure du problème. Les nominations d’un spécialiste des minorités avec des origines sénégalaises à l’Education nationale, et d’une Franco-Libanaise à la Culture, aussi symboliques soient‑elles, ne suffisent pas. Pour fonctionner, la discrimination positive doit être massive.

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