Le site de production d’hydrogène écologique de Bouin, en Vendée, a vu le jour en 2021.

Le site de production d’hydrogène écologique de Bouin, en Vendée, a vu le jour en 2021.

Lhyfe

Gris, bleu, vert, rose, etc. : connaissez-vous les sept couleurs de l’hydrogène, chacune d’entre elles faisant référence à la source d’énergie et/ou au procédé utilisé pour le produire ? Au-delà des débats passionnés sur le sujet, rappelons d’abord les faits : si à Bruxelles les négociations font rage entre partisans de l’hydrogène vert produit à partir d’énergies renouvelables, et tenants de l’hydrogène bas carbone, qui inclurait aussi celui produit à partir d’électricité nucléaire (celui-là est rose ou violet), la réalité de l’hydrogène aujourd’hui est grise : il est produit à plus de 95 % à partir d’énergies fossiles. Une couleur pourrait cependant mettre tout le monde d’accord : la blanche. Et là, cocorico ! La France est peut-être l’eldorado de cet hydrogène blanc, naturellement présent dans les couches géologiques profondes, mais réputé rare.

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L’annonce de la découverte par deux chercheurs de l’université de Lorraine de ce qui pourrait être le plus grand gisement d’hydrogène blanc de France et d’Europe, à Folschviller, en Lorraine, pourrait en effet changer les termes du débat. Certes, la prudence est de mise. Il reste encore deux ans de recherches pour obtenir la cartographie complète des ressources en hydrogène natif sur le territoire et la mise en place d’un système d’exploitation à l’échelle industrielle : la route est longue avant d’envisager une exploitation rentable. Mais si ces étapes aboutissent, c’est une nouvelle option, majeure, qui s’offre pour faciliter et accélérer la transition énergétique française, qui permettra notamment de décarboner certains secteurs industriels ou d’assurer le stockage de l’électricité renouvelable.

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Si vous aimez ces annonces sur l’hydrogène blanc, vous allez adorer celles sur l’or blanc, en Alsace cette fois. L’or blanc, c’est l’autre nom du lithium, métal stratégique notamment pour les batteries des voitures électriques. Il n’est pas encore produit en France, mais pourrait l’être, en Alsace notamment. Selon le ministère de l’Industrie, les réserves alsaciennes de lithium pourraient à terme servir le quart des besoins de la production automobile française. Là encore, la prudence s’impose : le lithium se trouve dans les eaux profondes du sous-sol, il faut de nombreux permis et affiner la technique pour extraire le lithium de l’eau. Sans compter le risque sismique qu’il faut gérer et réduire, le lithium étant extrait grâce à la géothermie, ce qui présente le double avantage d’extraire le métal tout en produisant de la chaleur pour l’industrie ou le secteur résidentiel.

Un inventaire minier obsolète

Ce que nous disent ces deux annonces, c’est qu’il était grand temps de regarder ce que nous avons sous les pieds. Les apports du sous-sol dans la transition énergétique sont immenses. D’abord en ressources : utilisation de l’énergie du sous-sol avec la géothermie, ressources minérales pour la production des technologies bas carbone si gourmandes en métaux, hydrogène naturel ou tout simplement… l’eau présente dans les nappes phréatiques. Le sous-sol, c’est aussi un espace de stockage : de gaz, de CO2 ou de déchets nucléaires – c’est l’objectif du projet Cigéo.

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Or, notre connaissance de ce que renferme notre sous-sol a reculé au cours des deux décennies passées. La recherche en la matière a connu une période de glaciation, à l’instar des politiques inconséquentes suivies dans le domaine énergétique mises en avant par les députés Raphaël Schellenberger et Antoine Armand à l’occasion de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique. Rappelons-nous quand, voici près de dix ans, le BRGM, organisme public de recherche, a été même interdit d’étudier le potentiel de gaz et pétrole de schiste présent dans le sous-sol français. En interdire l’exploitation était une chose, mais interdire la recherche n’est pas la marque d’un Etat éclairé.

Plus généralement, tout ce qui avait trait à la recherche des ressources du sous-sol français a été stigmatisé, notamment depuis dix ans, à telle enseigne que l’inventaire minier français est obsolète, qui plus est restreint à la proche surface – moins de 300 mètres. Pourtant, on connaît déjà des gisements, certains de rang mondial, en Alsace, dans le Massif central ou encore en Bretagne. La France a toute sa place à prendre dans un secteur que les Etats occidentaux ont laissé à la Chine depuis vingt ans. Reste une question politique et juridique à régler : ce retour à la mine est-il possible dans un pays qui a érigé au rang constitutionnel le principe de précaution ?

* Cécile Maisonneuve est fondatrice de Decysive et conseillère auprès du centre Energie et Climat de l’Ifri

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