La bataille pour les biodéchets fait rage
La forte augmentation des capacités de méthanisation en France crée une pression inédite sur le prix des déchets issus de l'agroalimentaire.
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Des déchets qui valent de l’or. Le déploiement rapide des méthaniseurs en France provoque une compétition inédite pour l’approvisionnement en déchets issus de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire. « Les issues de céréales [résidus liés à la première transformation du grain, ndlr] ne coûtaient rien il y a quelques années. Il faut désormais compter autour de 60 euros la tonne », illustre Céline Laboubée, cheffe de projet bioénergies chez Solagro, une association dédiée à la transition du monde agricole.
Aucun déchet de l’agroalimentaire n’est épargné. « Le facteur majeur de la hausse des prix est l’arrivée massive sur le marché de nouveaux méthaniseurs », analyse Louis Baillet, le directeur stratégie de la division organique de Suez. D’après le ministère de l’Écologie, la France comptait 442 installations au 30 juin 2022, et une capacité de production annuelle de 7,6 TWh, soit une large avance sur l’objectif d’installer 6 TWh en 2023. Cette croissance des méthaniseurs a été tirée par le tarif subventionné par l’État : le mégawattheure pour les déchets issus de l’agroalimentaire est vendu entre 84 et 125 euros, selon GRDF.
« Une concurrence s’est mise en place, notamment avec de gros méthaniseurs industriels qui ont complètement désorganisé le système de traitement local du déchet », peste Jean-Marc Onno, le vice-président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF). « Ces nouveaux entrants ont signé des contrats avec des prix supérieurs à ceux du marché. Ils veulent sécuriser leurs approvisionnements », corrobore Louis Baillet. Résultat : le temps nécessaire pour rentabiliser l’investissement dans un méthaniseur s’est significativement allongé. Mais si des tensions existent, le risque de pénurie est encore écarté. « La biomasse disponible à l’échelle nationale semble, pour l’heure, suffisante pour permettre l’approvisionnement des installations en fonctionnement et en attente », estime FranceAgriMer dans une note publiée en septembre. « En année de basse production céréalière, une possible tension sur les pailles de céréales peut survenir entre méthanisation et litière », précise toutefois l’organisation dépendante du ministère de l’Agriculture.
Renforcer la transparence
Le risque d’un accaparement des déchets est ainsi pointé du doigt. « Des matières premières jusqu’ici accessibles pour la nutrition animale (pulpe de betteraves, drèches...) se réorientent massivement vers les méthaniseurs », a alerté François Cholat, le président du Syndicat national de l’industrie de la nutrition animale (Snia), mi-octobre, dans les colonnes de Web-agri.
Pour les pulpes de betteraves, le pourcentage dédié à la méthanisation progresse vite. « Le principal débouché reste l’alimentation animale, rappelle Céline Laboubée. Le problème, c’est que les éleveurs ont peu de visibilité et prennent, selon les années, plus de végétal ou de fourrages à la place. La méthanisation donne des débouchés pérennes avec un prix d’achat fixe. » Ce qui vaut pour tous les biodéchets : « Le risque est d’avoir des plantations dans la perspective de revendre les déchets six mois plus tard, estime, sous couvert d’anonymat, un acteur important du secteur. C’est censé être encadré par la loi, mais la quote-part des matières agricoles n’est pas respectée. »
Chacun y va de sa solution pour limiter l’envolée des prix. L’AAMF espère un retour à des projets de plus petite taille, adossés à des exploitations. De son côté, Suez a lancé Organix, un véritable site d’enchères pour biodéchets, dont « le but est de rendre les matières visibles à tous les acteurs de la méthanisation » afin d’« éviter une flambée des tarifs », met en avant Louis Baillet.
Mais difficile d’arrêter la machine. Fin septembre, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, rappelait sur Twitter que « le déploiement accéléré et encadré des gaz renouvelables (...) sera clé pour atteindre nos objectifs climatiques et de souveraineté énergétique ». Sur son site, le ministère précise que la dynamique doit se poursuivre « pour atteindre une production injectée de 14 à 22 TWh par an » en 2028.
Vous lisez un article de L'Usine Nouvelle 3713 - Décembre 2022
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