Un peu plus d’un an après sa nomination, puis après une première reconduction, Sylvie Retailleau est à nouveau confortée dans son poste de ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, alors que le gouvernement a été partiellement remanié le 20 juillet 2023. Voici ses principaux chantiers:
"Mon Master": l'urgence d'une révision
Cette année, le lancement de la plateforme MonMaster est émaillée par quelques couacs: la sortie de la plateforme de formations demandant aux candidats de hiérarchiser leurs vœux; l’ergonomie à revoir; le non-respect du calendrier par certaines commissions; la hausse en trompe-l’œil des candidatures induisant en erreur des commissions qui ne classent pas assez… L’absence de phase complémentaire, un point d’alerte vite identifié, s’impose comme l’un des sujets incontournables à aborder dans le bilan prévu à la rentrée 2023, ainsi qu’une révision du calendrier pour mieux prendre en compte l’alternance.
Parcoursup: l'heure des clarifications
Après sa mise en œuvre par la ministre précédente Frédérique Vidal, Parcoursup est bien l’un des sujets où il s’agit de "faire atterrir les réformes". Plusieurs évolutions sont apportées dans un objectif de "transparence", mais l’enjeu est désormais de faire de Parcoursup un outil de pilotage. Il devient notamment nécessaire de clarifier les règles de visibilité des formations alors que Parcoursup centralise désormais un nombre élevé de formations, dont certaines formations privées uniquement référencées au RNCP, qui ne garantissent pas toujours ni l'accès aux bourses d'Etat, ni la poursuite d'études.
Régulation de l'enseignement privé: le temps des arbitrages
Après la publication d’une enquête de la répression des fraudes en décembre 2022 – pointant des "manquements" et des "pratiques commerciales trompeuses" dans un tiers à la moitié des 80 établissements privés contrôlés –, le ministère a confié une mission sur le sujet à Jean-Philippe Ammeux, ex-DG de l’Iéseg, et à l’Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dont les conclusions n’ont pas encore été rendues. La question de la place et de la qualité de l’enseignement supérieur privé fait débat, France Universités ayant appelé à un "moratoire sur la délivrance de visas et grades", tandis que de grands groupes relevant du secteur lucratif défendent leurs positions et ont formulé des propositions pour une meilleure régulation du secteur, comme Galileo Global Education.
"Métiers de demain": place à la montée en charge
Comment "mieux orienter les étudiants vers les métiers de demain", alors que le cap est donné sur la réindustrialisation de la France? L'un des grands chantiers sera notamment de contribuer à l’objectif de 50.000 ingénieurs diplômés par an d’ici la fin du quinquennat, ainsi que le prévoit le projet de loi sur l’industrie verte.
Apprentissage: le choix du développement
Le pilotage de l’apprentissage, qui connaît sa plus forte croissance dans l’enseignement supérieur, trouve son centre de gravité ailleurs qu’au ministère de l'Enseignement supérieur, du côté du ministère du Travail. Sylvie Retailleau devra quand même se positionner sur un point: considérera-t-elle que l’apprentissage constitue la (presque) seule voie de professionnalisation du 1er cycle, ou bien encouragera-t-elle aussi une professionnalisation de la licence générale sous d’autres formes? Autre chantier en 2023-2024: veiller au respect de l’objectif de la moitié au moins des diplômés de bachelors universitaires de technologie (BUT) vers l’emploi, c’est-à-dire sans poursuite d’études immédiate.
Transition écologique: l'accélération de la mise en oeuvre
La ministre avait annoncé, en octobre, qu’au plus tard en 2025, chaque étudiant de l’enseignement supérieur public et privé d’intérêt général bénéficiera d’un "socle de connaissances et compétences globales, transversales et pluridisciplinaires". Ce chantier a fait l’objet d'ateliers et d'une note de cadrage. Les conférences d’établissements, les organisations étudiantes, les collectifs se réjouissent de cette accélération mais se montrent prudents. Selon eux, cette "indispensable transformation […] ne pourra aboutir sans les moyens humains et financiers adaptés".
Par Catherine Buyck, Julie Lanique et Camille Mordelet