Face au "gâchis collectif" de l’orientation, un rapport soumet des propositions d’amélioration

Marine Ilario Publié le
Face au "gâchis collectif" de l’orientation, un rapport soumet des propositions d’amélioration
Le rapport pointe la démultiplication des acteurs qui traitent des questions d'orientations. // ©  Adobe Stock/Hurca!
Un rapport parlementaire porté par les députés Thomas Cazenave - devenu ministre délégué aux Comptes publics le 20 juillet 2023 - et Hendrik Davi, en juin 2023, met en avant les manquements en matière d’orientation. Création d’un délégué interministériel dédié à l’orientation, formation des enseignants, évolution de Parcoursup... Les pistes ne manquent pas.

Le rapport parlementaire porté par Thomas Cazenave alors député Renaissance de la Gironde, et devenu ministre délégué aux Comptes publics le 20 juillet 2023, et Hendrik Davi, député France insoumise des Bouches du Rhône, consacré à l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, dresse un état des lieux pour le moins mitigé sur les questions d’orientation.

En cause, les manques de moyens alloués à ces questions et les difficultés de mise en œuvre de certaines mesures liées à la complexité du système et à la démultiplication des acteurs.

Après avoir auditionné près de 70 acteurs pendant six mois, le rapport, présenté le 20 juin 2023, fait émerger une dizaine de propositions pour améliorer et clarifier le système.

Un consensus politique

Lorsqu'il s’agit d’orientation, les rapporteurs font état d’un consensus politique parlant de véritable "gâchis collectif" selon une expression issue de l’allocution d’Emmanuel Macron sur la réforme des lycées professionnels.

Si le mot "gâchis" semble fort, c’est parce qu’il doit être considéré "à l’aune des enjeux qui sont énormes, explique Hendrik Davi, co-rapporteur du rapport". "Si nous n’avons pas toujours les mêmes points de vue [avec Thomas Cazenave], sur ce sujet, le constat est partagé."

"Clarifier le rôle de chacun"

Un constat qui a d’abord porté sur la complexité du système politique de l’orientation. En cause ? La démultiplication des acteurs qui traitent de ces questions.

Psychologues de l’Éducation nationale, enseignants, Onisep, associations, coachs privés, etc. Au fil des années, de nouveaux acteurs se sont ajoutés à ceux déjà existants. Une prolifération qui a conduit à une difficile communication entre eux et à un accompagnement disparate des élèves.

Le système français est caricatural. On réforme, mais bien souvent, on ne va pas au bout et on finit par se retrouver avec des couches successives d’acteurs. (H. Davi, député LFI)

"Le système français est caricatural. On réforme, mais bien souvent, on ne va pas au bout et on finit par se retrouver avec des couches successives d’acteurs", explique Hendrik Davi. Pour une meilleure coordination, les rapporteurs proposent la création d’un délégué interministériel dédié à l’orientation, car même si "le paysage va rester complexe, il faut clarifier le rôle de chacun".

Concrètement, il serait "chargé de la mise en œuvre de la politique publique en lien avec les régions. Il pilotera l’Onisep, ainsi que les différentes initiatives de l’État pour l’orientation", précise le rapport.

Former les enseignants pour un meilleur accompagnement

En matière d’orientation, les enseignants ont une place importante. Pour autant, le rapport signale des disparités dans l’accompagnement des élèves avec notamment l’inégale utilisation par les lycées des 54 heures dédiées à l’orientation.

Auditionné par les rapporteurs, Gilles Roussel, président de l’université Gustave Eiffel et président du Comité éthique et scientifique de Parcoursup, indique également que "les enseignants des lycées méconnaissent l’enseignement supérieur et son fonctionnement et l’accompagnement des élèves en pâtit".

Pour les accompagner au mieux, le rapport préconise d’intégrer les questions d’orientation au sein de la formation initiale des enseignants, mais aussi dans le cadre de modules de formation continue.

Augmenter les recrutements de psy-EN

Aux côtés des enseignants, les psychologues de l’Éducation nationale (psy-EN) jouent aussi un rôle primordial en matière d'orientation. Or, en France, on compte seulement un psy-EN pour 1.500 élèves.

Sans compter que, compte tenu du besoin des élèves, mais aussi de la pénurie de psychologues au sein des CMP (centres médico-psychologique), ces professionnels "font davantage un travail d'accompagnement que d’orientation", reconnaît Hendrik Davi.

Pour accompagner au mieux les élèves, notamment sur leurs questions d’orientation, les rapporteurs estiment nécessaire un audit sur la cohérence des missions et les besoins en psy-EN sur tout le territoire. Hendrik Davi prône même une augmentation des moyens pour "recruter davantage de psy-EN".

Faire évoluer Parcoursup

On ne peut pas parler d’orientation sans parler de Parcoursup. Le rapport y consacre d'ailleurs une grosse partie et met en lumière les failles de la plateforme d’accès à l’enseignement supérieur : manque de transparence, stress des candidats, flou persistant dans la procédure, etc.

Pour cela, il émet plusieurs propositions, comme contrôler la qualité des formations privées hors contrat qui sont sur la plateforme, imposer aux filières sélectives de faire le plein, ou encore interroger l’utilité de certains critères, comme la lettre de motivation ou le lycée d’origine, pour limiter les déterminismes au moment de l’admission.

Il faut sortir de l’échec Parcoursup et cela passe notamment par le recrutement de maîtres de conférence. (H. Davi)

Mais, pour Hendrik Davi, il est nécessaire de proposer plus de places dans l’enseignement supérieur. "Il faut sortir de l’échec Parcoursup et cela passe notamment par le recrutement de maîtres de conférence." Selon le député, Parcoursup "adapte les souhaits des élèves à une offre de formation insuffisante".

Des propositions pour renforcer l’orientation dans le supérieur

Un recrutement qui doit se faire en toute connaissance des besoins. Les rapporteurs préconisent pour cela de cartographier les filières en tension. De cette manière, leur degré de tension serait mieux connu, ce qui permettrait "de recruter les enseignants-chercheurs nécessaires, notamment dans le cas de filières conduisant elles-mêmes à des métiers en tension – santé, éducation, formations d’ingénieurs", explicite le rapport.

L’idée est de redonner au bac sa valeur de sésame vers l’enseignement supérieur. "Les élèves veulent avoir la certitude que le bac leur permettra de poursuivre leurs études dans un domaine qui les intéressent. Or, aujourd’hui, ce n’est pas le cas, même à l’université", déplore Hendrik Davi.

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