Médiation animale : un grand succès mais un vrai besoin d'encadrement

La médiation animale fait intervenir des chiens dans la moitié des cas.

© M.L.

Maud LAFON

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Difficile à quantifier, très peu encadrée sur le plan juridique, très variable dans ses pratiques, la médiation animale n'en est pas moins une activité de plus en plus répandue en France et dans le monde. Cette méthode d'intervention basée sur les liens bénéfiques entre les animaux et les humains à des fins préventives, éducatives ou thérapeutiques mériterait une harmonisation au niveau de la formation et une fédération de ses acteurs. Les vétérinaires, garants de la santé physique et psychique des animaux médiateurs, ont un rôle à jouer dans cette structuration.

Si elle a fait son entrée assez timidement, notamment dans certaines sphères médico-sociales, la médiation animale est une pratique aujourd'hui largement répandue et consensuelle bien que son cadre juridique soit inexistant. Les publications et colloques qui lui sont consacrés se multiplient, à l'instar de la Journée de la médiation animale organisée par la Centrale canine, la Société d'ethnozootechnie et la Fondation A & P Sommer, le 19 avril, à Aubervilliers (93) et en ligne*.

A cette occasion, Boris Albrecht, directeur de la Fondation A & P Sommer, a dénoncé les idées fausses qui circulent sur cette pratique qui « ne soigne pas » même si la Haute autorité de santé recommande, dans le cadre du plan Autisme, le recours aux thérapies non médicamenteuses et reconnaît, dans ce cadre, la place de la médiation animale.

Au terme « thérapie assistée par l'animal » , en vigueur dans d'autres pays, a donc été préférée la terminologie « médiation animale » , « pas parfaite mais qui regroupe tous types d'animaux et toutes personnes quelle que soit leur profession » , a expliqué l'intervenant.

Quelle que soit la dénomination, la triade d'intervenants est toujours la même : l'animal, le référent et le bénéficiaire, à laquelle s'ajoute souvent le personnel soignant de ce dernier.

Débuts dans les années 70

Même si on en trouve des traces, non formalisées, il y a plusieurs siècles (lire ci-dessous), les vrais débuts de la médiation animale remontent aux années 60 avec le pédopsychiatre Boris Levinson et, dans les années 70, c'est un vétérinaire, Ange Condoret, qui la fait connaître en France. L'Association française d'information et de recherche sur l'animal de compagnie (Afirac) est créée en 1977.

« Une loi du secteur médico-social de 1975 donnait déjà la possibilité aux établissements médico-sociaux d'accepter, ou non, les animaux » , a rappelé Boris Albrecht. Cette option est aujourd'hui de plus en plus fréquemment adoptée avec, parfois, la présence d'animaux à demeure comme, récemment, à l'institut Curie avec le chien Snoopy.

Certains pays sont plus en avance dans ce domaine, à l'instar de l'Italie qui a mis en place, dans les années 2000, un Centre national de référence pour les activités associant l'animal. Un décret y organise par ailleurs la formation.

Cette décennie 2000-2010 est d'ailleurs celle de l'accélération de la médiation animale et la Fondation Sommer indique recevoir désormais plus de 1 000 candidatures par an. « Dans ce domaine, il est impossible d'être exhaustif et d'effectuer un recensement qui ne peut prendre en compte tous les prestataires indépendants puisqu'on compte au moins un ou deux nouveaux acteurs par jour », a indiqué Boris Albrecht.

Chiens et équidés

Dans une enquête effectuée en 2001 auprès d'un millier d'établissements pratiquant la médiation animale, la fondation avait montré que cette pratique bénéficiait en priorité aux établissements liés au handicap (41,7 %), devant les Ehpad** (33,4 %). Venaient ensuite les secteurs de la justice (prison), de l'aide sociale à l'enfance, de l'enfance et de la petite enfance.

Les animaux impliqués sont des chiens dans plus de la moitié des cas (51 %), devant les chevaux (24 %), les animaux de ferme (13 %), les ânes (9 %) et autres (3 %).

Sur le terrain, la constatation va plutôt aujourd'hui à un équilibre entre les interventions canines et équines.

De nouveaux champs d'application de la médiation animale se développent (en milieu scolaire, assistance judiciaire...) et un questionnement récurrent émerge : celui du bien-être animal pour les animaux médiateurs.

« Les études se sont beaucoup penchées sur les bénéficiaires mais elles sont peu nombreuses sur le bien-être animal en médiation animale » , a confirmé l'intervenant.

Secteur concurrentiel

Autre sujet d'actualité dans ce domaine, la formation nécessite une harmonisation puisqu'elle ne fait l'objet d'aucun encadrement juridique dans notre pays.

« L'éventail de formations est large avec plus d'une soixantaine proposée en France. Certaines existent puis disparaissent, comme la seule certification professionnelle qui existait autour du cheval et a été créée en 2014, donnant naissance au terme d'équicien, avant d'être perdue. Une fédération des acteurs de la médiation animale, domaine devenu aujourd'hui largement concurrentiel, serait également utile », a conclu Boris Albrecht.

« Il est urgent de se questionner sur l'encadrement de la médiation animale car beaucoup interviennent de manière empirique », a confirmé Muriel Falaise, maître de conférences en droit privé à l'université Jean Moulin Lyon III, « d'autant que cette thématique donne lieu à un grand nombre de conférences, colloques et thèses, plus de 25 ayant été soutenues récemment, principalement en sciences vétérinaires ».

Les thèses juridiques sur la médiation animale ne connaissent pas le même essor du fait de la jeunesse du droit animalier.

Lorsque le référent est un professionnel, la réglementation qui s'applique à son activité de médiation animale est celle qui régit sa profession.

Trois diplômes universitaires

Pour autant, « être référencé RNCP*** n'est pas un gage de qualité ou de contenu », a souligné la juriste. Elle a rappelé l'existence de trois diplômes universitaires en médiation animale (Clermont-Ferrand, Paris-Descartes et Paris XIII). Cependant « aucune formation ne confère un diplôme d'Etat. Ce sont des certifications de droit privé ».

Les activités de médiation animale ne faisant l'objet d'aucune reconnaissance officielle, les organismes de formation définissent librement leur contenu, leur durée et leur coût.

Cependant, les acteurs se sont organisés au niveau national et international en élaborant des guides de bonne pratique et des chartes déontologiques. L'IAHAIO**** regroupe ainsi 90 membres dont la Fondation A & P Sommer.

Les vétérinaires, en tant qu'évaluateurs et garants de la santé physique et psychique des animaux médiateurs, sont partie prenante de cette structuration de la médiation animale et doivent y tenir un rôle. Certains considèrent même qu'il serait pertinent de mettre en place une véritable « médecine du travail » vétérinaire.

* Colloque disponible en rediffusion sur YouTube : https://urlz.fr/lTFh.

** Ehpad : établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

*** RNCP : Répertoire national des certifications professionnelles.

**** IAHAIO : International Association Human-Animal Interaction.

Gros plan : une licence professionnelle existe

Une licence professionnelle « Métiers de la relation à l'animal compagnon : médiation, éducation, comportement » est proposée depuis septembre 2021.

Co-conçue par le centre de formation Animal University et l'université Paris-Nanterre qui l'organise, elle a pour objectif de former des professionnels pouvant intervenir à la fois en médiation animale et comme éducateur-comportementaliste canin et félin.

En un an de formation, en présentiel uniquement, et 150 heures de stage, quatre blocs de compétences sont proposés : sciences de l'humain, éthologie générale et approche pluridisciplinaire de la relation humain-animal non humain, approche éthologique, zootechnique et vétérinaire des animaux domestiques, exercice professionnel.

Formation initiale ou reconversion

Cette licence pro est ouverte au public en formation initiale ou en reconversion professionnelle.

Pour rappel, la licence professionnelle est un diplôme d'Etat délivré par le ministère de l'Enseignement supérieur, de niveau bac + 3 qui confère à son titulaire le grade de licence. M.L.

Encore plus d'infos !

Informations sur le site https://urlz.fr/mqQs, inscription sur ecandidat.parisnanterre, responsable pédagogique : Nathalie Beguin (nbeguin@parisnanterre.fr).

Gros Plan : Une histoire ancienne

Si l'essor de la médiation animale se révèle assez récent, cette pratique est pourtant expérimentée, de façon non formalisée, depuis longtemps.

On en trouve des traces dès le IX e siècle, en Belgique, où des oiseaux étaient employés à l'hôpital de Gheel, pour la santé psychique de personnes présentant des troubles mentaux car certains patients en avaient la garde.

Au XIXe siècle, des expériences comparables ont été effectuées à Bielefeld, dans l'institut Bethel, en Allemagne.

Libérer la parole

De grandes figures ont utilisé l'animal de manière intentionnelle dans une démarche de soin. Il est ainsi possible de voir en précurseurs à la médiation animale aussi bien le philanthrope et humaniste William Tuke, qui utilise les volailles et les lapins pour responsabiliser des malades déficients mentaux, que Florence Nightingale, Sigmund Freud, le docteur Samuel B.Ross..., comme l'indique Wilfried Rocher, vice-président de l'association Anes en villes qui pratique la médiation animale dans un cadre hospitalier (lire plus loin).

Il faudra cependant attendre le XXe siècle pour assister à la conceptualisation de cette discipline. Dans les années 50, aux Etats-Unis, le pédopsychiatre Boris Mayer Levinson découvre ainsi, par hasard, le rôle de l'animal de compagnie dans le cadre d'une psychothérapie. L'animal est alors considéré comme un objet transitionnel auquel les patients peuvent se lier et il agit comme un catalyseur pour déclencher leur parole.

Ses travaux issus de cette première expérience donnèrent naissance à la théorie développée dans l'ouvrage Pet Oriented Child Psychothérapie , rebaptisée zoothérapie.

Aujourd'hui, les recherches sur la médiation animale font l'objet d'une conférence internationale triennale de l'International Association of Human-Animal Interaction Organizations. M.L.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1670

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