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Parmi les mesures concrètes de cette SNB, la restauration de 50 000 hectares de zones humides d’ici 2026.

afp.com/THIERRY ZOCCOLAN

La France se dirige-t-elle enfin vers une politique ambitieuse concernant la protection de la nature ? Attendue depuis plus de deux ans par les associations, la nouvelle "stratégie nationale biodiversité", la feuille de route qui doit guider les politiques du gouvernement dans ce domaine d’ici à 2030, a finalement été dévoilée jeudi soir, presque discrètement dans le tumulte feutré du remaniement. Un document de près de 300 pages, comprenant 39 mesures qui doivent permettre de "s’attaquer aux pressions qui s’exercent sur la biodiversité", et "restaurer la nature partout où c’est possible". Et si certains, comme Jean-David Abel, responsable biodiversité à France Nature Environnement (FNE) regrettent que ce texte ne puisse pas "être opposable en droit", une bonne partie des associations environnementales se félicitent de disposer d’une feuille de route ambitieuse et précise, bien loin des échecs des deux précédentes moutures.

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En réalité, les grandes lignes de ce plan avaient déjà été dévoilées quelques jours plus tôt, le 12 juillet, lors d’un Conseil national de la Transition écologique (CNTE), présidé par la Première ministre Elisabeth Borne. La cheffe du gouvernement avait ainsi annoncé 264 millions d’euros supplémentaires pour se donner les moyens d’atteindre les objectifs de la SNB, ce qui avait redonné le sourire aux associations. "La nouvelle stratégie semble aller dans le bon sens et répond aux attentes que nous avions de longue date, notamment en intégrant correctement la biodiversité dans la stratégie carbone", apprécie Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). Ce changement de paradigme dans le discours est le signe que "quelque chose est en train de se passer", selon Sandrine Bélier, la directrice de l’association Humanité et biodiversité.

"Elle a pris la mesure de l’enjeu"

Concrètement, la SNB3 se dote de cibles claires et d’un calendrier - des points clés pour sa réussite qui manquaient aux précédents documents. "Dans l’exercice théorique, cette SNB est plus précise, mieux dotée en indicateurs", concède Jean-David Abel. On y retrouve des objectifs de longue date comme le placement sous protection forte de 10 % des espaces marins et terrestres, la lutte contre les espèces invasives et la pollution, mais aussi des mesures plus concrètes comme la restauration de 50 000 hectares de zones humides d’ici 2026. "La stratégie sur moyens attribués à chaque objectif est clairement affichée, ce qui est une bonne chose", souligne Maud Lelièvre. Longtemps resté le parent pauvre de la transition écologique, la biodiversité devrait ainsi bénéficier d’un milliard d’euros de financements en 2024.

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Dans l’avènement de cette stratégie et la prise de conscience de lier les sujets climat et biodiversité certains soulignent le rôle de la Première ministre. "Je pense que c’est très lié à sa personnalité, elle a pris la mesure de l’enjeu", évoque Sandrine Bellier. De fait, c’est bien cette ancienne ministre de l’Ecologie qui a pris en main ces sujets, rencontrant dès sa nomination les associations de protection de la Nature lors d’un déplacement au Parc national de forêts. A cela s’ajoute la mise en place du Secrétariat général à la planification écologique, dont le rôle, sous l’autorité de la Première ministre, est de coordonner la conduite de cette transition entre les différents ministères. Jeudi, Antoine Peillon, qui dirige cette équipe d’experts, était l’un des orateurs de cette réunion, signe supplémentaire de la place que revêt désormais cette question.

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Dans ce contexte, la nomination de Sarah El Haïry comme nouvelle secrétaire d’Etat d’un portefeuille rebaptisé non plus Ecologie mais "Biodiversité", a pu surprendre. Mais la nouvelle arrivée n’est pas inconnue de tous. La présidente de l’UICN rappelle ainsi son rôle de facilitatrice dans l’organisation du sommet jeunesse de leur organisation à Marseille, en pleine épidémie de Covid. "On a pu nouer des relations avec elle, et je ne pense pas qu’elle ait un désintérêt sur la question", justifie-t-elle.

Reste à savoir comment sera transcrite concrètement cette feuille de route. "Il faudra encore une phase de travail pour voir comment cela s’incarne", prévient Maud Lelièvre. La SNB doit désormais passer entre les mains du Comité national de la biodiversité, dont les 150 membres devront d’ici octobre formuler un avis. Un temps indispensable qui permettra de juger de l’engagement du gouvernement sur la question.

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