Laurent Bataille, Président de Schneider Electric France

Laurent Bataille, Président de Schneider Electric France

Nicole Connolly

Mi-juin 2023, les feuilles de route pour la décarbonation des 50 sites représentant 55 % des émissions de CO2 de l’industrie française ont été présentées au gouvernement. Elaborées par les industriels concernés, en lien avec les experts de l’Etat, ces feuilles de route identifient l’électricité comme premier levier pour cette décarbonation.

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Si l’électrification est désormais une réalité palpable pour la mobilité, le phénomène est moins visible pour l’industrie. Et pourtant, les industriels installés en France qui sont de gros consommateurs énergétiques se lancent tous dans l’électrification de leurs procédés. Selon un rapport récent (Colombus Consulting, 2022), les fours industriels représentent 60 % de la consommation d’énergie de chauffage industriel en France et 90 % de l’énergie consommée par ces activités provient de combustibles fossiles. Aussi, Arcelor Mittal a-t-il annoncé, l’année dernière, vouloir installer des fours électriques à arc sur ses sites de Dunkerque (Nord) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Les papetiers, de leur côté, s’intéressent à la mise en place de pompes à chaleur pour remplacer notamment leurs équipements de séchage, alimentés aux énergies fossiles.

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Un rendement imbattable

La fée électricité attire toutes les attentions pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’elle est très majoritairement produite de façon décarbonée en France. Ensuite parce qu’elle offre le meilleur rendement : pour 100 kWh d’électricité consommée, une pompe à chaleur peut typiquement restituer 300 kWh de chaleur, soit un rendement de 300 %, pour ne citer qu’un exemple. Enfin, l’électrification des process industriels est aussi une question de compétitivité, avec la hausse inéluctable du prix de l’énergie et du carbone.

Si ce phénomène d’électrification est ainsi enclenché, c’est aussi que les solutions technologiques - pompes à chaleur, résistances, induction… - existent et atteignent progressivement des températures aussi élevées que des équipements traditionnels fonctionnant aux énergies fossiles. L’électrification des procédés industriels constitue donc une filière en devenir avec la mise au point et la fourniture d’équipements électriques toujours plus efficaces et adaptés. Une filière qui se développerait naturellement en France et en Europe, qui possèdent déjà des fabricants reconnus de fours industriels électriques et de pompes à chaleur, comme Fives et ECM Technologies par exemple. Le Net Zero Industry Act européen va aussi dans le sens de favoriser les producteurs de pompes à chaleur.

Des demandes de raccordement en forte hausse

Mais cette électrification des procédés industriels, et donc, le développement de la filière afférente ne peut se réaliser que sous certaines conditions. La première d’entre elles est bien évidemment l’accès à une alimentation électrique suffisante. La dernière étude de RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, publiée début juin, indique que dans un scénario où tous les objectifs de décarbonation et de renforcement de la souveraineté industrielle seraient remplis, la consommation électrique pourrait atteindre 580 à 640 TWh en 2035, contre 453 TWh consommés en 2022.

Alimenter ces nouveaux équipements électriques nécessite donc de redimensionner la chaîne d’approvisionnement électrique. RTE a enregistré un quasi-doublement des demandes de raccordements électriques de la part des industriels sur les 18 derniers mois. Les puissances requises ont également fortement augmenté. Un raccordement peut demander entre 5 et 7 ans. Il faudra accélérer et prioriser certains projets en fonction de leur maturité. On peut ainsi se réjouir des simplifications prévues dans la loi d’accélération des énergies renouvelables.

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La rapidité de déploiement est primordiale pour soutenir l’électrification de l’industrie, celle des 50 sites les plus émetteurs de carbone mais aussi celle du millier d’entreprises industrielles françaises de taille intermédiaire. Une condition sine qua non pour favoriser le développement en France et en Europe d’une filière capable de proposer des produits différenciés, compétitifs et innovants, comme les fours industriels électriques et les pompes à chaleur haute température.

* Laurent Bataille est Président de Schneider Electric France

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