Teachers are seen behind a laptop during a workshop on ChatGpt bot organised for by the School Media Service (SEM) of the Public education of the Swiss canton of Geneva, on February 1, 2023. (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)

Les logiciels d'IA générative, comme ChatGPT, vont révolutionner l'enseignement.

AFP

Les dérives n’auront pas tardé. Le 30 novembre dernier, ChatGPT déboule sur tous les ordinateurs de la planète. Un petit mois plus tard, un enseignant à l’université de Lyon, sur 14 copies corrigées durant une période d'examens, en dénombre la moitié réalisée grâce à l’agent conversationnel. Quelques semaines après, à Strasbourg, une vingtaine d’élèves sont forcés de repasser une épreuve sur l’histoire du Japon, en raison d’une autre fraude collective. Ces cas, sûrement pas isolés, prouvent qu’une intelligence artificielle générative, dès ses débuts, pouvait satisfaire à bon nombre de devoirs. La mise à jour de ChatGPT, grâce à GPT-4, au printemps, a accentué le phénomène : ce grand modèle de langue passe haut la main l’examen du barreau américain, et de nombreux autres tests en mathématiques, sciences... Les établissements tentent de réagir. Sciences Po, par exemple, l’autorise à condition de le citer, et pas en examen. Mais la révolution s'annonce bien plus impactante.

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"Les outils d’intelligence artificielle doivent amener à repenser le travail personnel de l’élève", admet le ministère de l’Education nationale, dans une réponse formulée le 22 juin à une question du sénateur Hugues Saury sur ChatGPT, devenu l'éléphant au milieu de la pièce. Quelques idées : "initier ou soutenir la créativité comme première base pour la rédaction d’un texte ou d’un code, optimiser une tâche rédactionnelle, proposer une argumentation neutre à déconstruire et à critiquer, faire reformuler des consignes ou encore demander aux élèves de vérifier le contenu et la pertinence des réponses fournies…", poursuit l’administration. La liste n'est pas exhaustive. "Finalement, ce que ChatGPT nous pousse à faire, c’est investir dans les compétences du XXIe siècle, celles qui nous distinguent de la machine. Avec aussi plus d’oraux, plus de collaboration, d’exploration, de projets", décrypte Bastien Masse, directeur de Class’Code, une association qui fournit des supports éducatifs gratuits pour tous, également chef de projet au sein de la chaire Unesco RELIA (Ressources Educatives Libres et Intelligence Artificielle), à l’université de Nantes.

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Ce que certains font déjà dans le supérieur. "La moitié de nos enseignants ont inclus l’IA générative dans leur pédagogie", informe Anthony Hié, directeur de la transformation numérique au sein du groupe d’enseignement supérieur privé Excelia, implanté à La Rochelle. En utilisant directement des outils comme Dall-E ou Midjourney, pour de la génération d’image, décryptée en cours, ou Chatsonic, pour construire des argumentaires. Puis, en bouleversant les méthodes d’évaluations, en mettant fin aux questionnaires de connaissances basiques. Toutes disciplines confondues, les étudiants et professeurs reçoivent une formation aux prompts (aux commandes que l’on donne aux IA ; NDLR). "Cette compétence sera demain utile dans une grande majorité de métiers", explique Anthony Hié.

Contenus sur-mesure, automatisation...

Sans surprise, pour le secondaire (collège et lycée), voire le primaire - si tant est que ces outils y soient un jour déployés - cet effort s’annonce plus ardu. "Plusieurs contraintes structurelles persistent avant de s’adapter à l’IA : le temps des professeurs, le coût de la formation, les inégalités d’accès aux outils chez les élèves…", pointe Bastien Masse. L’usage d’un ChatGPT, qui ne cite pas ses sources, hallucine parfois, dont la conformité au RGPD est encore discutée, n’est pour l’heure, pas nécessairement encouragé. Même si, quelque part le temps presse. "Le risque d’attendre l’outil d’IA parfait est de perdre le contrat social entre élèves et profs. 'Pourquoi j’apprends ça', pourrait s’interroger un élève, alors que ChatGPT sait déjà le faire", regrette Bastien Masse.

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Les promesses de l’IA générative, à long terme, restent toutefois alléchantes. "Cette technologie va enfin permettre d’aller vers du contenu spécifique, sur-mesure pour les élèves", explique Romain Morvant, créateur de la start-up Corolair, spécialisée dans l’éducation. Le tuteur personnalisé récemment lancé par Harvard à destination de ses étudiants en informatique, baptisé CS50, comme le nom du cours, disponible 24h sur 24 et 7 jours sur 7, symbolise ce rêve de "l'adaptive learning" ou "apprentissage adaptif".

Il devrait permettre de résoudre un certain nombre de petites interrogations ou problèmes liés à l’enseignement suivi, sans surcharger les professeurs. Pour ces derniers, l’IA promet d’automatiser "leurs tâches administratives, d’optimiser la création de leurs cours et de leurs exercices", complète l’entrepreneur, qui propose lui-même ce genre de service. Le temps dégagé pourrait être alloué à du soutien scolaire, nécessitant de l’empathie, de la sensibilité, de l’écoute. Des qualités exclusivement humaines, a priori, pour encore de longues années.

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