Deux nouveaux médicaments, le lecanemab et le donanemab se sont montrés capables de freiner l'avancée de la maladie dans des phases précoces. Mais des doutes persistent.

En radiologie, l'intelligence artificielle a bouleversé les usages.

TEK IMAGE / ABO / Science Photo Library via AFP

Dans son cabinet de médecin, Karima Amazzough a radicalement changé ses habitudes. Désormais, lorsqu’elle reçoit un patient, elle ne prend plus de notes, pourtant essentielles pour la rédaction du compte rendu médical. A la place, elle active sur son ordinateur Nabla Copilot, un logiciel utilisant l’intelligence artificielle (IA) pour retranscrire au mot près la conversation entre le praticien et le malade. La technologie en profite aussi pour classer par catégorie les réponses aux questions posées : "Avez-vous une allergie ?", "Avez-vous pris un médicament ?" ou encore "Avez-vous des antécédents ?"

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En à peine quelques minutes, Nabla Copilot déroule un document écrit médico-technique prêt à l’emploi. Un gain de temps énorme, permettant aussi une meilleure écoute du patient. "Le système de santé est en train de s’effondrer parce que les professionnels présentent des signes d’épuisement. Tous ceux avec qui nous échangeons nous le disent : ils passent 40 % de leur temps à faire de l’administratif et notamment taper à l’ordinateur tout ce qu’ils entendent pendant la consultation", assure Delphine Groll, la cofondatrice de la start-up, créée en 2018.

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Nabla, comme de nombreuses autres jeunes pousses, ont investi ces dernières années le champ immense qu'offre l'intelligence artificielle dans la santé. Et plusieurs disciplines ont déjà intégré certains outils. "En radiothérapie, l’étape qui consiste à scanner le patient pour obtenir une anatomie en 3D prenait auparavant deux à trois heures. Maintenant, des algorithmes permettent de faire ce détourage en deux à trois minutes", explique le Pr Jean-Emmanuel Bibault, radiothérapeute à l’Hôpital européen Georges-Pompidou, chercheur à l’Inserm dans le domaine de l’IA appliquée à la médecine et auteur de 2041, l’odyssée de la médecine (Equateurs). Toutefois, pas question ici de remplacer les médecins. "Le praticien revérifie toujours le résultat. Ce que l’on peut dire sans être hypocrite : des disciplines vont être plus ou moins impactées, certaines le sont déjà. C’est un outil pour faire les choses mieux et plus rapidement", poursuit le spécialiste.

Un atout pour la recherche médicale

Dans la recherche médicale, les possibilités de l’intelligence artificielle s’avèrent également énormes. Marie-Christine Jaulent en sait quelque chose. A la tête du Laboratoire d’informatique médicale et d’ingénierie des connaissances en e-santé, elle travaille sur le sujet depuis trois décennies et a vu cette technologie connaître un engouement phénoménal ces dernières années. "A partir du moment où vous avez un algorithme qui interprète quelque chose et qu’il vous donne une réponse, on considère qu’il s’agit de l’IA", illustre cette directrice de recherche à l’Inserm.

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Les applications sont plus que jamais concrètes. Chercheur au CNRS, Maximilien Levesque a cofondé en 2021 Aqemia, une start-up qui a conçu un logiciel à base d’IA générative dont la fonction est de découvrir des médicaments. Elle vient de développer, avec un laboratoire pharmaceutique, une molécule dont l’efficacité a été prouvée sur des souris. "On greffe dessus une tumeur humaine et celle-ci régresse avec notre molécule. L’objectif est de trouver des moyens d’utiliser le système immunitaire pour combattre le cancer et trouver un médicament coûte très cher en temps normal", résume le chercheur.

La collecte des données, un enjeu majeur

En France, un frein majeur devra toutefois être levé : la collecte et l’organisation de la data. "On ne peut pas dissocier IA et données de santé. Les hôpitaux commencent à les structurer. On peut avoir de belles promesses, mais si on ne sait pas bien le faire, cela n’aura pas le même impact", estime le cabinet de l'ancien ministre de la Santé, François Braun.

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Sinequa en a en tout cas fait son terrain de jeu. Cette entreprise française, fondée en 2002, développe des moteurs de recherche personnalisés pour les entreprises, basés sur l’IA, pour classer la multitude de données qu’elles possèdent. Les laboratoires Pfizer et AstraZeneca ont par exemple fait appel à ses services. "Plus de la moitié des plus grandes entreprises de la pharma l’utilisent. Des sociétés avec 50 000 à 100 000 employés. Toutes ces personnes produisent de la donnée. Cela peut être des mails, des drives… Cela représente des dizaines de millions de documents", détaille Luc Manigot, directeur du centre d’excellence chez Sinequa.

Plus que n’importe quelle autre technologie, l’intelligence artificielle avance très vite. Et le système de santé français ne doit pas rater les nombreux virages. "L’objectif est de passer à l’échelle supérieure : l’IA aura alors une valeur ajoutée, estime le cabinet de l'ex-ministre de la Santé. Il ne faut pas être naïf, ce n’est pas en claquant des doigts que cela va se mettre en place, il faut accompagner cette évolution."

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