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Parcoursup : "Mon avenir se joue à la loterie", l'angoisse des bacheliers laissés sur le carreau à Marseille

La phase d’admission principale s’est achevée le 7 juillet. Depuis, des milliers de jeunes recalés se connectent chaque jour sur Parcoursup pour voir si une place s’est libérée.

La phase d’admission principale s’est achevée le 7 juillet. Depuis, des milliers de jeunes recalés se connectent chaque jour sur Parcoursup pour voir si une place s’est libérée.

Photo Cyril Sollier

Marseille

Si plus de neuf lycéens sur dix ont reçu au moins une réponse à leurs vœux de poursuite d’études supérieures sur Parcoursup, plusieurs milliers n’ont à ce jour aucune solution de formation pour la rentrée. Diplômés, ils vont sortir du système

L’an dernier, au terme de la phase principale d’admission, 94 000 bacheliers n’avaient reçu aucune proposition de formation. Cette année, à la même période (le 7 juillet précisément), ils étaient plus de 77 000 à rester en attente d’une place dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, à deux semaines de la rentrée, combien sont-ils ? Toujours trop. Aucun chiffre officiel n’a toutefois été actualisé, la phase complémentaire étant ouverte jusqu’au 12 septembre.

L’échéance se rapproche et le stress des candidats recalés monte. Ils ne sont plus lycéens mais pas encore étudiants et peuvent n’être ni l’un ni l’autre dans quelques jours. Sortir complètement du système scolaire.

C’est la machine Parcoursup qui va sceller leur destin. Cette plateforme d’accès aux études sur laquelle les élèves font des vœux est critiquée pour son opacité. Selon le dernier baromètre de l’Étudiant sur la confiance en l’avenir des jeunes, seulement 24 % des lycéens de terminale et des étudiants interrogés considèrent que Parcoursup permet un accès équitable à l’enseignement supérieur. Et pour cause.

Des destins brisés

"On n’y comprend rien ! J’ai fait un bac scientifique pour devenir dentiste. Ma famille a fait le sacrifice de me scolariser en privé et j’ai pris deux options non obligatoires dont le latin pour être valorisée sur la plateforme et je n’obtiens pas la fac de médecine à Marseille", confie Leïla*, 18 ans, assommée. Son dossier est, en revanche, accepté à Lille. Elle refuse direct. Ses parents n’ont pas les moyens de financer une scolarité à l’autre bout du pays. "Je n’arrive pas à accepter ma défaite. Mon avenir se joue à la loterie avec un ordinateur ! Pourquoi je me suis donnée à fond depuis la classe de première ? Ce bac, je ne peux rien en faire ! J’aurais mieux fait de partir un BEP ", lâche la jeune fille de Verduron (15e).

Chaque matin depuis le début de l’été à Saint-Jérôme (13e), Lila* et sa fille actualisent aussi Parcoursup. Objectif : école d’infirmière. Mais la liste d’attente ne bouge pas, c’est la panique. Il n’y a pas de plan B. La maman, éducatrice spécialisée, est encore plus stressée.

"On a même postulé à Avignon et Paris, rien. Plusieurs camarades de Diderot sont admis nulle part, est ce que l’établissement est discriminé ? Je n’en sais rien mais ça pose question, relève-t-elle. Avec son père, on avait misé sur les quartiers Nord parce qu’on a grandi ici et que ça s’est bien passé pour nous. Aujourd’hui, mon plus grand regret est de ne pas avoir mis mes trois enfants dans le privé. L’école publique les a mis en échec et ce n’est pas faute d’être présents. Le collège a été le mauvais tournant : profs absents non remplacés, faible niveau, aucune mixité sociale. Au fil des ans, ma fille a revu ses exigences à la baisse : de pédiatre à sage-femme puis infirmière. Et maintenant ? À croire que les secteurs défavorisés ont une destinée propre à eux."

Il y a un mois, en marge d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie, le président Emmanuel Macron déclarait vouloir "continuer d’améliorer Parcoursup, pour que les familles et les élèves n’aient pas le sentiment d’être derrière une machine". En attendant les améliorations, plus de transparence notamment, c’est toujours la galère.

Des incompréhensions

Marine* a tenté sa chance pour la troisième fois sur Parcoursup après un bac spécialisé dans les services à la personne. Elle aussi veut devenir infirmière et avait suivi les conseils d’orientation de ses enseignants.

"Ma mère a élevé cinq enfants seule. Pour réussir, elle m’a mise dans le privé. La première année, j’ai été refusée partout. Sans explication, c’est dur. J’ai bossé comme serveuse et j’ai retenté sans succès, regrette la jeune femme qui a grandi aux Chartreux (4e). Entre-temps, j’ai passé la formation d’aide-soignante. J’aime mon métier mais je n’ai pas autant de responsabilités que je voudrais. Tous les jours, je rencontre des stagiaires infirmiers et leur demande comment ils ont fait : ils ont menti en disant qu’ils étaient sportifs ou bénévoles à la Croix-Rouge. Ce n’est pas vérifié et c’est passé. Moi, cette année, j’avais même une lettre de recommandation de mon cadre de santé et ça n’a pas marché. À cause de Parcoursup, je vais renoncer à mon rêve. C’est une douleur..."

Car si en théorie, on peut se réinscrire un an après, les algorithmes avantageraient les nouveaux diplômés. En résumé, c’est la double peine pour les candidats qui n’ont pas eu leurs vœux du premier coup. Conscient de partir avec un handicap, Yanis entreprendra la sélection en 2024. "Je voulais rejoindre la fac de droit mais n’ai pas été pris. J’avais pourtant un bon dossier et la mention Bien au bac. Le pire, c’est de ne pas savoir pourquoi, souligne le garçon de La Rose (13e). À défaut, j’ai accepté la filière éco-gestion car je sais que d’autres n’ont rien du tout. Mes parents sont derrière moi, je ne voulais pas les décevoir. Mais ce que je veux, c’est devenir avocat pour aider mon prochain."