Elle a revu tous ses critères à la baisse, le confort de l’appartement comme son emplacement, et elle a augmenté le budget pour le loyer à 700 euros, soit 200 euros de plus que prévu initialement. A un mois de la rentrée, Agnès (le prénom a été modifié, à sa demande) recherche désespérément un logement pour sa fille étudiante, qui va rentrer en master à Lyon à la fin du mois de septembre.
Après avoir postulé pour plus de cinquante logements, elles n’ont toujours pas obtenu une seule visite. « On devient obsessionnel, je passe mon temps à regarder s’il y a de nouvelles annonces et à vérifier mes mails pour voir si j’ai des réponses. Je ne dors plus la nuit. J’ai même postulé à une offre à 2 heures, en me disant qu’à cette heure-là on serait moins nombreux à répondre et que ça augmenterait mes chances, mais les appartements partent à toute vitesse, on arrive toujours trop tard », explique la quinquagénaire, cadre dans le secteur associatif à Lille, qui a répondu à un appel à témoignages lancé par Le Monde. Sa fille, qu’elle élève seule, reçoit une bourse, mais n’a pas eu de place en résidence universitaire, car « le Crous est archiplein ».
En panique, Agnès a envisagé un Airbnb ou un Apparthotel pour les premières semaines de cours, « mais ce n’est pas possible en termes de prix, ça reviendrait à 1 500 euros. Donc je ne sais pas où ma fille va dormir à la rentrée ».
La recherche frénétique d’un logement étudiant commence lorsque tombent les résultats des affectations sur Parcoursup. « Les étudiants sont dans l’urgence de trouver avant la rentrée, ils arrivent tous en même temps sur le marché, et ils sont souvent dans des situations financières fragiles ou, du moins, de dépendance à l’aide familiale, c’est un cocktail explosif », résume Félix Sosso, porte-parole de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). D’autant plus que le nombre d’étudiants a bondi de 200 000 personnes entre 2018 et 2022 pour atteindre 2,95 millions, alors que l’offre de logement qui leur est dédiée est structurellement déficitaire. L’association interprofessionnelle des résidences étudiants et services estimait dans un rapport d’information du Sénat paru en 2021, qu’il manquait au moins 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande.
Questions intrusives et « critères exotiques »
S’ajoute cette année la crise du logement dans le parc privé. Alors que la hausse brutale des taux d’intérêt a freiné l’accès à la propriété, moins d’appartements se sont libérés à l’issue de l’année scolaire, fin juin. « Début juillet, entre vingt et trente personnes par jour passaient à l’agence, raconte Guillaume de Vergie, responsable d’une agence immobilière Laforêt à Rennes. Là, on vient de publier l’annonce d’une colocation pour quatre, à 480 euros la chambre, on a aussitôt reçu cinquante demandes par mail, tout est parti après des visites en visio. Les premiers arrivés sont les premiers servis, on sait qu’on ne pourra pas contenter tout le monde. »
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