Reportage

"C'est plus concret" : sur les chantiers de fouilles, l'archéologie s'apprend sur le terrain

Floriane (en haut à gauche), Matthieu (en haut à droite), Sarah (en bas à gauche), Maissane, Benoit et Yasmine (en bas à droite) lors du chantier sur le site archéologique d'Ormesson.
Floriane (en haut à gauche), Matthieu (en haut à droite), Sarah (en bas à gauche), Maissane, Benoit et Yasmine (en bas à droite) lors du chantier sur le site archéologique d'Ormesson. © Séverine Mermilliod
Par Séverine Mermilliod, publié le 23 août 2023
5 min

Chaque été, des étudiants en art et archéologie sortent pelles et pioches pour fouiller des sites archéologiques, souvent bénévolement. Près de Nemours (77), Prune, Benoît, Sarah et leurs camarades y voient un vrai atout pour leur cursus.

D'imposants blocs de grès, une pelle mécanique et tout en bas, des silhouettes en gilets jaunes en train de frapper la pierre. Un peu plus loin, une serre surgit sous laquelle travaille minutieusement un groupe de huit personnes, munies d'outils et penchées sur un sol sableux.

Depuis 2009, le site archéologique préhistorique d'Ormesson, près de Nemours (77), est fouillé en été par une équipe encadrée par Pierre Bodu, chercheur au CNRS au sein de l'unité "Technologie et ethnologie des mondes préhistoriques".

Elle est composée de professionnels et, en ce mois d'août, d'une vingtaine d'étudiants et étudiantes bénévoles qui se destinent à devenir archéologue ou géo-archéologue.

"Des découvertes assez fabuleuses"

"Depuis près de 15 ans, on a fait des découvertes assez fabuleuses grâce à des conditions de conservation optimales, relate Pierre Bodu. À la base, c'était un niveau qui remonte à 28.000 ans avant le présent, le 'gravettien'. On y a trouvé des ossements de bisons et la dent d'une enfant qui serait l'une des plus vieilles du bassin parisien. On a ensuite trouvé d'autres niveaux : les plus anciens datent d'environ 100.000 ans et jusqu'à 50.000 avant le présent, donc du paléolithique moyen, de l'homme de Néandertal. On retrouve des outils, des silex, du minerai de fer, c'est-à-dire du colorant", détaille le chercheur.

Ont aussi été découvertes une occupation "solutréenne", la plus récente, vieille d'environ 19.000 ans, et "châtelperronienne", datant d'entre les derniers néandertaliens et les premiers sapiens.

"C'est une vision différente des cours, ça a plus de sens, c'est palpable, on visualise… C'est toujours de l'enseignement, mais concret", estime Prune, 27 ans, qui a terminé une licence d'archéologie à Montpellier (34) il y a deux ans. Aujourd'hui, pioche en main et faisant attention à ne pas marcher sur les silex signalés au sol par des fiches oranges, elle doit fouiller les blocs de grès, un travail relativement fastidieux.

C'est sa première fois à Ormesson, mais son sixième chantier de fouilles. "J'ai aussi fait du médiéval où la fouille permet de confirmer les écrits et les archives, c'est passionnant."

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Un éclat laminaire retrouvé dans le sable. / © Séverine Mermilliod.

Un "chantier-école" pour les futurs archéologues

Yasmine, elle, a terminé ses études et, en tant qu'ancienne du chantier, elle est devenue responsable de secteur. "Ici, c'est un peu un chantier-école : on prend des nouveaux pour former les prochains archéologues. C'est très important le partage et la transmission", souligne-t-elle.

"J'aime former les jeunes, il faut passer la main, confirme Pierre Bodu. Ce n'est pas que des pelles et des pioches ; il y a aussi le post-fouilles, une équipe qui traite le matériel... Ils tournent, je veux qu'ils voient toutes les étapes."

Des visites et portes ouvertes sont aussi organisées pour faire découvrir le chantier aux non-initiés. "Je suis venue aux portes ouvertes quand je devais avoir 8 ans et maintenant, je suis là, s'amuse Sarah, 20 ans, qui vient de finir sa L2 histoire de l'art/archéologie à Dijon (21). J'avais envie de voir si j'étais dans la bonne voie." En trois jours, elle a déjà pu occuper trois postes différents. "Pour le moment, ça me plaît bien !"

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Sur le chantier, les étudiants ont pu découvrir toutes les facettes du métier d'archéologue./ © Séverine Mermilliod.

Faire des fouilles pour gagner en expérience

Réaliser des fouilles est aussi un moyen de gagner de l'expérience. Si les chantiers sont rarement obligatoires dans les cursus, il est fortement conseillé d'y participer, assurent tous les étudiants rencontrés. Matthieu, 20 ans, a fini sa deuxième année d'école d'ingénieurs à l'ENSG (école nationale supérieure de géologie) à Nancy (54).

Son but en venant ici, sur son cinquième chantier : "Acquérir de l'expérience pour devenir géo-archéologue", métier à cheval entre la géologie, l'archéologie et la géographie. "Ici, ce qui me plaît, c'est la complexité du site. Avec différentes époques et occupations, c'est très formateur".

"On acquiert de l'expérience pour se professionnaliser, on peut échanger avec les autres fouilleurs et les chercheurs. Ça fait un réseau et des idées de sujets de recherche !" renchérit Benoît, 25 ans, qui passe en master 2 sciences pour l'archéologie à l'université de Bordeaux (33) et souhaite se spécialiser sur la préhistoire et l'étude des outils lithiques.

Apprendre à vivre et travailler en équipe

Pendant cinq semaines minimum, les étudiants apprennent aussi à vivre en collectivité, au-delà de l'archéologie. "On est une bonne équipe", sourit Maissane, qui vient de finir son master d'archéologie à Nanterre (92) et fait partie des "anciennes" qui reviennent chaque année depuis sa L1. "J'ai eu un coup de cœur pour ce chantier. Tous les spécialistes qu'on rencontre sont aussi passionnés que passionnants."

Son conseil aux futurs étudiants : "Variez les expériences !"

Pour trouver un chantier : demandez conseil à vos professeurs qui connaissent souvent des lieux de fouilles, ou à vos camarades de promo. Le ministère de la Culture en recense aussi quelques-uns chaque année.

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