Le changement climatique compromet le retour de la neige en hiver, menaçant l’avenir des stations de ski. A quel rythme ? Cette question – qui reste source de polémiques, en particulier en montagne –, fait l’objet d’une étude scientifique publiée dans la revue Nature Climate Change, lundi 28 août, et cosignée par des chercheurs essentiellement de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de Météo-France. Leurs travaux ne fixent pas d’échéance, mais modélisent les conséquences pour les montagnes européennes d’un réchauffement mondial croissant, jusqu’à 4 °C par rapport à la période préindustrielle.
« Notre objectif, avec cette étude de modélisation spatiale et climatique – la première à cette échelle –, est de dépassionner les débats, de dépasser les réactions caricaturales dans une approche de transition vers un autre modèle économique, mais pas dans une perspective de rupture », affirme Hugues François (Inrae, université de Grenoble Alpes), spécialiste de l’aménagement du territoire. Car quel que soit le scénario, c’est bien de la « vitesse du retrait » du manteau neigeux dont il s’agit.
Avec un réchauffement de 1,5 °C, 32 % des 2 234 stations de ski d’Europe seraient confrontées à un « risque très élevé » de pénuries de neige. Les chercheurs établissent cette notion à partir des 20 % des années les plus défavorables en neige naturelle damée, au cours de la période de référence 1961-1990. Avec + 2 °C, 53 % des stations seraient dans le même cas ; 91 % à + 3 °C et 98 % à 4 °C. Le recours à la neige artificielle réduit les difficultés mais de façon variable. Si le taux de couverture est de 75 %, le risque de manquer de neige s’élève tout de même à 57 % des stations pour + 3 °C ou à 74 % pour + 4 °C, les températures trop élevées perturbant sa fabrication.
L’empreinte carbone de la neige artificielle
Ces données globales, qui concernent vingt-huit pays, tiennent compte à la fois de la fréquence des hivers pauvres en neige, de l’altitude des pistes et de leur exposition. Ainsi pour la France, les modèles montrent une chute nette de l’enneigement en fonction de l’altitude, laissant présager un devenir bien différent pour les destinations de moyenne montagne et pour les grandes stations de haute altitude.
Afin de tenir compte d’une hétérogénéité très importante, les chercheurs ont subdivisé les massifs d’Europe. Pour les Alpes, leurs prévisions indiquent que dans le cas d’une température supérieure de 3 °C, 87 % des stations situées en Suisse feraient face à des risques très élevés d’hivers aux tons bruns plutôt que blanc immaculé, à comparer avec les 5 % concernées si le réchauffement était contenu à + 1 °C. Dans les mêmes conditions, elles seraient 93 % en France (au lieu de 4 % à 1 °C de plus), 94 % en Autriche (plutôt que 6 %), 100 % en Allemagne (contre 20 %) ainsi qu’en Italie (au lieu de 69 %). Si les pistes sont à 75 % dotées de neige artificielle, ces taux se réduisent à 26 % en Suisse, 42 % en France, 64 % en Allemagne… « Nous nous attendions à un résultat plus pessimiste pour la France, commente Hugues François. J’espère que chaque pays ne va pas en conclure : ce n’est pas nous les plus vulnérables ni nous qui émettons le plus de gaz à effet de serre. »
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