Juriste, conseiller d’Etat, Olivier Henrard n’est pas du genre à se taper sur les cuisses en public. Pourtant, sur la scène du théâtre d’Angoulême, mardi 22 août, pour l’ouverture du Festival du film francophone, le directeur général du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) n’en est pas loin. « Le cinéma français va bien et même très bien, affirme-t-il, enthousiaste. La fréquentation depuis le début de l’année est de 10 % seulement en dessous de la situation d’avant la crise et, certains mois, comme en juillet, elle a été de 10 % supérieure. Elle est notamment portée par les films français, qui représentent 40 % des billets de cinéma vendus. »
Manuel Alduy, le « M. Cinéma » de France Télévisions, en convient : « Ça fait plaisir. » On le retrouve, le lendemain, tout sourire, malgré la canicule. « Ces chiffres sont d’autant plus rassurants qu’ils montrent un engouement du public sur des propositions qu’on n’avait plus vues depuis longtemps. »
Il y a deux paramètres sur lesquels le monde de la production et de la distribution cinématographiques a les yeux fixés : la part de marché globale et le nombre de films « millionnaires » – comprendre : qui ont fait plus d’un million d’entrées. Or, sur ces deux dimensions, le baromètre français semble au beau fixe. Palme d’or française à Cannes, avec Anatomie d’une chute, de Justine Triet, Ours d’or français à Berlin, avec Sur L’Adamant, de Nicolas Philibert… le cinéma d’auteur se porte bien. « Un quart des films sélectionnés dans les dix plus grands festivals du monde sont français », souligne justement le directeur général du CNC.
« La richesse de l’offre »
C’est, en effet, la surprise des bons scores annoncés : ils ne sont pas uniquement liés aux blockbusters commerciaux (Astérix et Obélix. L’empire du Milieu, de Guillaume Canet, Alibi.com 2, de Philippe Lacheau, ou Les Trois Mousquetaires. D’Artagnan, de Martin Bourboulon…). En cette fin août, on compte déjà parmi les films « millionnaires » : Tirailleurs, de Mathieu Vadepied ; Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry ; Mon crime, de François Ozon, ou Sur les chemins noirs, de Denis Imbert. Derrière, Jeanne du Barry, de et avec Maïwenn, est déjà à 750 000, et L’Amour et les forêts, de Valérie Donzelli, à 650 000. Sans parler des 300 000 spectateurs au cœur de l’été pour la surprise Yannick, de Quentin Dupieux, comédie tournée en six jours. « C’est une situation qu’on n’a pas connue depuis des années », s’exclame un distributeur.
« Hum… Je ne suis pas dans le cocorico, tempère le producteur Jean-Louis Livi, figure historique du cinéma français. Bien sûr, il y a des progrès. On a cru que le Covid-19 avait enterré le cinéma, il ressuscite. Mais je pense que nous sommes passés – que je suis passé – d’un cinéma de l’âge d’or à un cinéma de résistance. Face à l’algorithme [la menace de l’intelligence artificielle est ici sur toutes les lèvres], on revient aux fondamentaux du cinéma : l’artisanat, la découverte, l’artiste, l’émulation, la singularité… » Neveu d’Yves Montand, « fils de communiste et fier de l’être », fondateur de la célèbre agence artistique Artmedia, Jean-Louis Livi parle mezza voce : « J’ai fait des succès et aussi des bides. Il faut être un peu cinglé pour faire ce métier. Et prétentieux. La prétention de produire le film qui va fonctionner. Vous rendez-vous compte de ce que nous portons comme responsabilité ? »
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