Indemnisation des chômeurs : le gouvernement prêt à un tour de vis supplémentaire
Emmanuel Macron souhaite renforcer les incitations au retour à l'emploi pour les chômeurs. Cela pourrait passer par une réduction supplémentaire de la durée d'indemnisation au fur et à mesure que le taux de chômage se rapproche des 5 %.
Par Alain Ruello
« Parce qu'il faut assurer des incitations plus fortes à reprendre un emploi et continuer de réduire l'inadéquation entre l'offre et la demande… » A l'orée de la négociation des partenaires sociaux relative à la prochaine convention d'assurance-chômage , Emmanuel Macron s'est invité au débat dans l'interview qu'il a donnée au « Point » la semaine passée. Sans en dire trop, mais suffisamment quand même pour que l'on puisse déceler ce que l'exécutif a derrière la tête : diminuer d'un cran de plus la durée d'indemnisation si la France se rapproche du plein-emploi.
Pour rappel, le gouvernement a profité de ce qu'il avait la main jusqu'au 31 décembre 2023 pour instaurer un changement majeur dans le corpus des règles qui régissent le versement des allocations. Au grand dam des syndicats, mais avec l'assentiment plein et entier du patronat, la durée d'indemnisation varie désormais, hors territoires ultramarins, en fonction du taux de chômage avec quelques exceptions (intermittents du spectacle ou dockers notamment).
Jusqu'à moins 40 %
En l'état actuel des choses, le taux de chômage étant inférieur à 9 %, on est en période verte : la durée d'indemnisation a été réduite d'un quart pour tous les inscrits à Pôle emploi à compter du 1er février. Pour les moins de 53 ans ayant travaillé sans discontinuité durant les 24 derniers mois, elle est passée de 24 à 18 mois par exemple. Si le taux de chômage repasse au-dessus de ce seuil de 9 % ou qu'il augmente de plus de 0,8 point de pourcentage en un trimestre alors on passera en période rouge et la durée nominale sera rétablie.
L'instauration de ce mécanisme qualifié de « contracyclicité » s'est accompagnée d'un débat interne au sein de la majorité sur l'instauration d'un seuil supplémentaire, non pas en période rouge vif, plutôt en période verte éclatante. Précisément, il avait été question de porter la réduction des durées d'indemnisation jusqu'à 40 % si le taux de chômage franchissait la barre des 6 %.
« Une réforme de bon sens »
Cette option n'a finalement pas été retenue et de toute façon le taux de chômage, même s'il a beaucoup baissé depuis 2017, est parti pour stagner quelques mois à 7,2 % selon l'Insee et les économistes, du fait du ralentissement des créations d'emplois. Pour autant, le gouvernement considère que la contracyclicité est désormais un principe cardinal du régime d'assurance-chômage. Le document de cadrage que Matignon a envoyé aux partenaires sociaux pour leur négociation ne souffre d'aucune ambiguïté à ce sujet : pas touche !
La contracyclicité ? « Une réforme de bon sens : faire en sorte que le système soit plus protecteur quand ça va mal et moins, et donc plus incitatif au retour à l'emploi, quand ça va bien », a encore plaidé lundi le ministre du Travail, Olivier Dussopt, lors de l'université d'été du Medef . Et d'ajouter : « si nous avançons encore vers le plein-emploi, si le chômage continue de baisser, la possibilité d'avoir des paliers supplémentaires de modulation reste ouverte. Chaque chose en son temps. Laissons d'abord les partenaires sociaux discuter. »
Un nouveau référentiel ?
Faut-il y voir un message aux syndicats ? Obligés de faire avec une règle qu'ils dénoncent, ils peuvent tenter de négocier avec le patronat un réaménagement des seuils de la contracyclicité. En clair, un référentiel de durée d'indemnisation en fonction du taux de chômage : moins X % en dessous de 9 %, moins Y % sous les 8 %, et ainsi de suite jusqu'au plein-emploi. Histoire de leur laisser, un peu, la main.
« On passera d'un taux de 7 % à 5 % de chômage en nous dotant d'un système d'assurance-chômage véritablement contracyclique », a averti Emmanuel Macron, toujours au « Point », en mettant aussi en avant la réforme France travail . Avec 355.000 emplois vacants au deuxième trimestre, un chiffre en baisse mais toujours très élevé, les difficultés de recrutement des entreprises restent encore suffisamment élevées pour prévoir un coup de collier supplémentaire, estime visiblement l'exécutif.
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Alain Ruello