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L’urgence de l’amélioration de la formation scientifique en France pour répondre aux défis sociétaux fait désormais consensus. Le déclin français des mathématiques et de la culture scientifique en général se confirme au gré des informations nouvelles : le niveau des élèves français en mathématiques baisse dans les tests internationaux depuis plus de trente ans ; les élèves – surtout les filles – choisissent moins les enseignements scientifiques depuis la réforme du lycée ; les effectifs d’étudiants des formations scientifiques ne suffisent plus à répondre aux besoins économiques ; le nombre d’enseignants-chercheurs en mathématiques diminue depuis plus de vingt ans ; le nombre de leurs publications marque le pas.
Les Assises des mathématiques ont permis de relayer ces constats reconnus à présent comme un problème majeur par les communautés éducatives, professionnelles et politiques. Mais l’essentiel reste à faire : passer d’un consensus de constats, acquis, à des actions concrètes capables d’inverser la tendance. Comment y parvenir en évitant notamment que des idées préconçues ne conduisent à des décisions inefficaces ?
La réforme de la voie générale du lycée de 2019 et ses aménagements témoignent de la faible efficacité des stratégies des politiques éducatives sur ce sujet. Mise en place sans objectif clairement annoncé, malgré les réserves des parties prenantes, la réforme remplace le système des séries S, ES, L en 1re et terminale par un système au choix avec un tronc commun sans mathématiques complété par trois enseignements de spécialité en 1re, puis deux en terminale.
Les mathématiques deviennent une spécialité, avec un contenu unique, inadapté aux élèves souhaitant s’orienter vers les sciences économiques ou la gestion. S’ensuit son abandon massif dès la 1re. En terminale, le nombre des élèves suivant six heures de mathématiques ou plus chute de 200 000 à 140 000, touchant particulièrement les filles.
Pilotage par essai-erreur pas satisfaisant
Le renoncement aux séries a donc eu des effets secondaires négatifs indéniables sur l’enseignement des sciences, négligés par les politiques malgré les alertes. L’absence de retour critique sur les données disponibles pour évaluer la réforme a ralenti le travail d’analyse des données et la diffusion des alertes, retardant les corrections possibles. L’ajout [à la rentrée 2023] d’une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun pour les élèves n’ayant pas choisi cette spécialité en 1re, décidé en urgence, largement contesté, non étayé par des analyses de la communauté éducative et académique, risque à nouveau de se révéler inefficace.
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