Formons les enseignants aux IA génératives

TRIBUNE. Selon Marie-Caroline Missir, directrice générale de Réseau Canopé, il s’agit d’un impératif social : celui de l’égalité des chances.

Marie-Caroline Missir

La popularisation des IA génératives bouscule les habitudes dans l'enseignement. 
La popularisation des IA génératives bouscule les habitudes dans l'enseignement.  © Frédéric Petry/Hans Lucas via AFP

Temps de lecture : 3 min

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L'école, comme le reste de la société, n'a pas échappé à l'irruption des intelligences artificielles (IA) génératives, ces algorithmes capables de générer du texte et de l'image à partir des données qu'elles collectent en grande quantité. Les plus réfractaires évoquent une « effraction », bousculant certaines habitudes, comme les ordinateurs et Internet avant elles.

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L'IA générative, pour un élève qui cherche une assistance dans ses devoirs, n'est-ce pas finalement « la démocratisation du grand frère ou de la grande sœur », pour reprendre les termes d'Audran Le Baron, le directeur du numérique éducatif de l'Éducation nationale ? C'est une opportunité d'obtenir de l'aide et de progresser.

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Pour nos éducateurs, il y a deux conditions à remplir : promouvoir les utilisations de l'IA qui ont une véritable plus-value pédagogique et renforcer l'esprit critique contre les biais de la machine. C'est à ces conditions que nous pourrons relever le grand défi de l'égalité des chances.

Plus-value pédagogique

Partons des retours d'expérience pertinents des enseignants eux-mêmes. Quels usages pédagogiques voyons-nous émerger ? Certains recourent à l'IA pour générer des dictées, avec par exemple un point de grammaire ou de conjugaison saillant à faire travailler par les élèves.

D'autres les utilisent pour générer des pastiches, des textes « à la manière de », qui permettent de pointer du doigt les caractéristiques stylistiques d'un auteur. Ces pastiches peuvent être d'ailleurs comparés avec le texte original, pour une réflexion sur l'authenticité, sur les frontières entre l'organique et le produit de synthèse, à la croisée des matières, entre les humanités et la technologie.

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Autre exemple, nous avons vu des enseignants nous parler de leur usage d'IA génératives d'images, comme Midjourney ou Stable Diffusion, pour créer des images à partir d'une description, travaillant ainsi la compréhension et l'expression écrites. À partir de l'étude d'une pièce de théâtre, et plus spécifiquement d'une scène donnée, que l'on décrit à la machine, en caractérisant les personnages, on peut générer une image, autrement dit une « mise en scène », et la voir surgir permet de questionner plus profondément sa compréhension du texte.

Pour beaucoup d'éducateurs, le langage est un enjeu central de leurs pratiques, et les intelligences artificielles recèlent un fort potentiel pour faire progresser les élèves en ce domaine. Mais les exemples d'application sont aussi nombreux dans d'autres matières, comme les maths et les sciences. Ce sont ces usages qu'il faut aider à développer.

Esprit critique

Deuxième condition, éduquer aux biais de machines et les contrecarrer. Parmi ces biais évidents, citons la reprise de données erronées mais diffuses, ou la reproduction de stéréotypes. En classe, ces défauts sont toujours exposés aux élèves, si bien qu'ils ont une vertu : ils servent particulièrement bien à renforcer l'apprentissage de cette compétence fondamentale pour nos futurs citoyens qu'est l'esprit critique.

Ces enseignants qui s’emparent des IA génératives sont les hussards d’une science consciente

Il ressort comme une évidence des témoignages des enseignants ayant recours à tous ces usages que jamais ils ne délèguent leur savoir-faire ou leur rôle de passeur à la machine. Ils se servent de celle-ci comme d'un outil. Ces enseignants qui s'emparent des IA génératives, pour les maîtriser sans les subir, sont les hussards d'une science consciente.

Inégalité des chances

L'enjeu, in fine, est un impératif social, celui de l'égalité des chances. Rater ce tournant aujourd'hui, ce serait creuser demain les inégalités. Entre celles et ceux qui seront prêts à des études supérieures spécialisées dans le domaine ou tout simplement aptes à utiliser ces technologies pendant leur carrière, comme on utilise aujourd'hui un traitement de texte ou une messagerie instantanée, et les autres. Creuser les inégalités entre ceux qui seront capables d'utiliser les IA pour augmenter leurs capacités et leur efficacité, et les autres.

Cela nécessitera bien entendu de revisiter en partie les modes d'évaluation des élèves – la tentation de la triche n'est pas née avec Chat GPT ! –, les compétences attendues, comme l'esprit critique et la collaboration, voire, à terme, les examens et les programmes. Les premières étapes qui nous conduiront à relever ce défi se jouent aujourd'hui. Les protagonistes en sont des enseignants dûment formés.

Marie-Caroline Missir est directrice générale de Réseau Canopé.

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Commentaires (13)

  • Râleur & fainéant

    Une fois de plus les enseignants en prennent pour leur grade ! Mais l'avenir est ailleurs, l'IA et le smartphone sans doute ?! J'oubliais les réseaux asociaux... ?
    Bientôt des économies de personnel, ce sera parfait d'autant que le métier ne motive plus !

  • Clo14

    @Martinval
    Je suis aussi surpris par votre contre-commentaire. Je cite textuellement les propos de Chat GPT : "Les réacteurs nucléaires à sodium présentent plusieurs risques potentiels :... En ces termes l'adoption d'une énergie renouvelable comme le solaire et l'éolien pourrait être une alternative plus sûre et plus fiable. " La réponse qui m'a été faite ne mentionne aucun avantage des réacteurs en question. Il est donc remarquable et inquiétant pour la fiabilité de ce logiciel qu'il peut apporter des réponses différentes. Cordialement à vous.

  • JM/67

    Et si on "formait mieux" nos "instits" à bien former nos enfants ?