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Education : pour bien t’orienter, prends la confiance !

5 min

Une étude récente de l’Institut des politiques publiques montre que parmi les meilleurs élèves de terminale, les filles et les élèves d’origine sociale défavorisée ont tendance à se sous-estimer et à s’autocensurer quant à leur choix d’orientation.

« La question qui revient le plus souvent parmi les jeunes que je rencontre ? "Est-ce que je fais le bon choix ?". Clairement, ils et elles ont besoin d’être rassurés. » Sur l’orientation, Valérie Deflandre en connaît un rayon. Cela fait vingt-cinq ans qu’elle est conseillère au Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ).

Dans les locaux de la structure parisienne, elle accueille chaque jour des enseignants, parents, collégiens et, surtout, lycéens qui s’interrogent… 

« La question qui revient le plus souvent parmi les jeunes que je rencontre ? "Est-ce que je fais le bon choix ?". Clairement, ils et elles ont besoin d’être rassurés. » Sur l’orientation, Valérie Deflandre en connaît un rayon. Cela fait vingt-cinq ans qu’elle est conseillère au Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ).

Dans les locaux de la structure parisienne, elle accueille chaque jour des enseignants, parents, collégiens et, surtout, lycéens qui s’interrogent.

« Mettons-nous à la place de ces derniers : ils passent leur bac, doivent s’inscrire sur Parcoursup où on leur demande de se projeter dans leur futur métier et les études qu’ils veulent faire. C’est très compliqué pour eux. »

Les élèves qui sous-estiment leur niveau font des choix d’orientation moins ambitieux

Pour certain e s, ces choix d’orientation sont encore plus difficiles à faire que pour d’autres. C’est ce qu’ont étudié Camille Terrier, Rustamdjan Hakimov et Renke Schmacker. Dans une note publiée par l’Institut des politiques publiques (IPP) en juillet, les trois chercheurs se sont interrogés : sommes-nous toutes et tous égaux dans nos choix d’orientation lors de l’accès à l’enseignement supérieur ?

Spoiler alert : non. Et la confiance en soi y joue un rôle déterminant. Beaucoup d’individus, qui justement manquent de confiance en eux, s’autocensurent.

Pour le démontrer, les chercheurs ont réalisé une enquête auprès d’environ 2 000 élèves de terminale en 2021. La première étape a consisté à mesurer la confiance en soi des élèves :

« Nous leur avons demandé quelle était leur moyenne générale au premier trimestre de terminale, puis nous avons demandé quel était, selon eux et au vu de cette moyenne générale, leur rang dans la distribution des notes à l’échelle nationale [sur un axe allant de 0 à 100]. »

A partir de là, Camille Terrier, Rustamdjan Hakimov et Renke Schmacker ont pu comparer la perception des élèves avec la réalité et déterminer quel public avait tendance à sous-estimer ou à surestimer le rang qu’il occupe.

Résultats ? La confiance en soi est inégalitaire selon le genre et l’origine sociale des individus :

« Parmi les élèves ayant une moyenne supérieure à 16, les filles se perçoivent en moyenne comme étant situées 8,3 rangs plus bas dans la distribution que les garçons. De même, les élèves d’origine sociale défavorisée pensent qu’ils se situent 4,7 rangs plus bas que ceux d’origine sociale plus favorisée. »

Le risque d’autocensure

Pour autant, cela a-t-il un impact dans leurs choix d’orientation ? Pour le savoir, les trois chercheurs se sont appuyés sur les vœux formulés par les mêmes élèves de terminale, sur la plate-forme Parcoursup. Et leur constat est sans appel :

« A moyenne générale donnée, les élèves qui sous-estiment leur niveau font des choix d’orientation moins ambitieux. »

Ils s’autocensurent par exemple lorsqu’il s’agit de candidater à une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE).

Au CIDJ, Valérie Deflandre le constate quotidiennement :

« Souvent, les garçons qui m’interrogent sur une CPGE savent qu’ils veulent la meilleure. Quand je reçois des filles, de très bonnes élèves même, elles se posent beaucoup plus de questions : "Les prépas, c’est dur, est-ce que je vais réussir ? Comment je vais gérer ?" Elles anticipent souvent le moment où "ça pourrait vriller". »

Et concernant les jeunes issus des milieux défavorisés ? Là aussi, la conseillère d’orientation ne peut que déplorer l’autocensure :

« Quand ces élèves lisent des articles sur les grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs, ils me disent :"Ce sont de grandes écoles, prestigieuses, ce n’est pas pour moi". »

Toutefois, des solutions existent, rassurent Camille Terrier, Rustamdjan Hakimov et Renke Schmacker. Et il est possible de corriger les écarts de choix d’orientation des élèves. Lors de leur enquête, les chercheurs ont ainsi fait un test :

« Nous avons indiqué aux élèves leur position réelle dans la distribution nationale des moyennes générales de terminale. »

Cette simple intervention a permis de revoir à la hausse la perception des élèves qui sous-estimaient initialement leur rang : « Autrement dit, les élèves qui connaissent leur rang réel dans la distribution formulent des vœux d’affectation qui correspondent davantage à leur niveau réel. »

L’intervention des chercheurs a ainsi permis de réduire les inégalités d’ambition entre élèves d’origine sociale favorisée et défavorisée, de même pour l’écart entre les filles et les garçons (même si celui-ci ne s’efface pas totalement).

Mieux encore, une fois qu’ils sont informés de leur position réelle, « les élèves défavorisés n’ont pas seulement une plus forte propension à se porter candidat pour ces formations : leurs chances d’admission en CPGE augmentent également lorsqu’ils sont informés sur leur rang, se réjouissent Camille Terrier, Rustamdjan Hakimov et Renke Schmacker. L’intervention comble en effet 95 % de leur sous-représentation parmi les admis dans ces filières par rapport aux élèves favorisés. » La preuve du rôle déterminant de la confiance en soi !

A l’heure où l’on déplore le manque d’égalité des chances en France, cette expérience montre bien que des pistes, simples et peu coûteuses, seraient faciles à mettre en place pour agir sur l’autocensure liée au genre et au milieu social dans les choix d’orientation.

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Commentaires (6)
Odette 12/09/2023
Il en est de même pour le domaine médical où les familles doivent s'endetter en envoyant leurs jeunes étudier (en payant) en Espagne notamment parce que les concours ici sont trop élitistes. C'est ainsi que l'on "casse " les volontés de carrière chez nos jeunes.
Odette 12/09/2023
Si les classes préparatoires étaient moins compétitives , elles recevraient davantage de candidatures. Il n'y a pas suffisamment de classes "prépas intégrées" évitant le passage de concours après déjà 2 années de travail acharné. Une grande part d'élèves le plus compétents refusent cet esprit de compétition = autant de perte de futurs ingénieurs. La France est à ce niveau là en retard favorisant trop encore l'élitisme purement intellectuel...
DANIEL 02/09/2023
Cool. Et on fait quoi pour le différentiel garçons-filles ?
ALEXIS 02/09/2023
Tout à fait d'accord. En tant qu'enseignant, je dois lutter contre cela en permanence. Mais l'origine de cela n'est pas à l'Ecole : si on cessait d'y reporter la compétition aux bons emplois et qu'on faisait en sorte que tous les emplois soient bons (= assurer une dignité au Travail et permettre une vie digne), il pourrait en aller tout autrement.
DANIEL 02/09/2023
Mais, si je puis me permettre, il n'y a pas que la dignité, il y a l'intérêt du travail. Il y aussi des emplois qui demandent, plus que d'autres, de plus grandes facultés intellectuelles. Pour les pourvoir, il faut donc sélectionner les plus aptes.
Françoise CLERC 01/09/2023
L'autocensure est nourrie par l'intériorisation des jugements sociaux. Les aspirations des élèves et des familles dépendent de fonctionnement cachés, critères non explicités ou pas compris par les élèves et par l'envie de se protéger d'un éventuel échec. Réduire son niveau d'aspiration = prendre moins de risques. La leçon de tout çà ? Les évaluations les plus pratiquées ne favorisent pas le développement de la personne. Elles induisent la compétition pas la prise de conscience des compétences.
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