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Insee Analyses · Août 2023 · n° 87
Insee AnalysesL’impact du doublement de l’indemnité REP+ sur les vœux de mobilité des enseignants

Julien Silhol, Lionel Wilner (Insee)

Entre 2017 et 2019, l’indemnité annuelle associée à l’affectation dans un établissement classé en Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) a été doublée. Cette hausse permet de mesurer l’effet des incitations financières sur les souhaits de mobilité des enseignants du second degré. Les listes de vœux exprimés dans le cadre du mouvement intra-académique des enseignants de Montpellier sont mobilisées ici à cette fin.

Une hausse de 1 000 euros de cette indemnité annuelle augmente de 1,4 point la part des enseignants qui souhaitent rejoindre un établissement REP+. Les enseignants les plus influencés par la hausse de l’indemnité REP+ sont ceux qui ont moins d’expérience ou qui travaillent déjà dans un établissement de l’éducation prioritaire renforcée. Des simulations suggèrent que ce changement de politique indemnitaire ne se serait pas effectué au détriment des établissements seulement classés REP sans être REP+ ; il aurait plutôt incité davantage d’enseignants à émettre des vœux de mobilité et à choisir moins fréquemment des établissements non classés en éducation prioritaire.

Les indemnités associées à l’affectation en éducation prioritaire

En 2014, environ 730 collèges ont été labellisés « Réseau d’éducation prioritaire (REP) » et 360 « Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) ». L’éducation prioritaire a été mise en place au début des années 1980 pour tenter de réduire les inégalités scolaires. Elle consiste à cibler les établissements accueillant un public socialement défavorisé, sur lesquels sont concentrés des moyens supplémentaires. Pour améliorer l’attractivité de ces établissements, une partie de ces moyens finance une indemnité accordée aux enseignants qui y sont affectés. Une évaluation antérieure [Ouvrir dans un nouvel ongletProst, 2013] avait montré que ces tentatives n’étaient pas nécessairement concluantes, y compris pour inciter les enseignants à rester dans ces établissements, vraisemblablement en raison d’un montant indemnitaire insuffisant à l’époque (moins de 8 % du salaire annuel d’un enseignant). Dans un contexte différent, en Caroline du Nord (États-Unis), Ouvrir dans un nouvel ongletClotfelter et al. (2008) avaient toutefois suggéré qu’une indemnité, même modeste, de l’ordre de 7 % du salaire annuel d’un enseignant sans expérience, pouvait conduire à retenir davantage les enseignants et à diminuer ainsi la mobilité sortante de ces établissements.

Cette étude examine le cas d’incitations financières plus substantielles, pouvant représenter jusqu’à 20 % du salaire d’un enseignant certifié en début de carrière. Elle s’appuie sur des données originales : les listes de vœux d’affectation émises par les enseignants de l’enseignement secondaire public de l’académie de Montpellier lors des campagnes de mutation intra-académique entre 2015 et 2019 (sources). Chaque année, un enseignant qui souhaite changer d’établissement peut établir une liste d’au plus 20 vœux en classant les établissements ou les zones géographiques dans lesquels il souhaite être affecté. En fonction de son ancienneté, de sa situation familiale et du type de vœu demandé, un barème attribue à l’enseignant un certain nombre de points pour chacun des vœux émis. Les affectations sont ensuite établies de manière centralisée au moyen d’un algorithme d’appariement fondé uniquement sur ce nombre de points. Les propriétés de cet algorithme, étudiées notamment par Ouvrir dans un nouvel ongletFack et al. (2019), éliminent en principe les comportements stratégiques consistant, pour un enseignant, à ne pas classer les établissements selon ses préférences (par exemple, en préférant classer dans ses premiers choix un établissement considéré comme plus facilement atteignable que l’établissement préféré). Comme l’intérêt de chaque enseignant est bien de classer ses vœux dans l’ordre de ses préférences, en théorie, les feuilles de vœux révèlent les préférences. Ces données permettent de documenter de manière inédite l’impact des incitations financières sur la mobilité désirée des enseignants vers les établissements, mesurée par la part correspondante des vœux exprimés en tête de liste par les enseignants.

L’indemnité REP+ a progressivement doublé entre 2017 et 2019

Les enseignants affectés dans un établissement d’enseignement prioritaire (REP) du second degré bénéficiaient en 2015 d’une indemnité de 1 734 euros par an ; ce montant est resté inchangé jusqu’en 2019. En REP+, cette indemnité s’élevait à 2 312 euros par an entre 2015 et 2017, puis elle a été augmentée à 3 479 euros en 2018 et à 4 646 euros en 2019 (figure 1). Ce doublement sur deux ans de l’indemnité correspond à une évolution de la rémunération qui n’est a priori pas liée à une modification des conditions d’exercice dans ces établissements sur la période. En ce sens, elle constitue une expérience naturelle qui permet d’évaluer l’impact causal des incitations financières sur la mobilité désirée des enseignants vers ces établissements (méthodes).

Figure 1 – Montant annuel des indemnités associées à l’affectation en éducation prioritaire

en euros
Figure 1 – Montant annuel des indemnités associées à l’affectation en éducation prioritaire (en euros) - Lecture : En 2019, le montant de l’indemnité associée à l’affectation en établissement REP+ est de 4 646 euros.
Année REP REP+
2015 1 734 2 312
2016 1 734 2 312
2017 1 734 2 312
2018 1 734 3 479
2019 1 734 4 646
  • Lecture : En 2019, le montant de l’indemnité associée à l’affectation en établissement REP+ est de 4 646 euros.
  • Champ : France.
  • Sources : Arrêtés ministériels.

Figure 1 – Montant annuel des indemnités associées à l’affectation en éducation prioritaire

  • Lecture : En 2019, le montant de l’indemnité associée à l’affectation en établissement REP+ est de 4 646 euros.
  • Champ : France.
  • Sources : Arrêtés ministériels.

Depuis la mise en place du doublement de l’indemnité, la part des établissements en REP+ placés en premier choix parmi les vœux des candidats à la mobilité a nettement augmenté, passant de 3,7 % en 2017 à 6,2 % en 2018 et 9,3 % en 2019 (figure 2).

Figure 2 – Part des établissements placés en premier vœu classés en éducation prioritaire

en %
Figure 2 – Part des établissements placés en premier vœu classés en éducation prioritaire (en %) - Lecture : En 2019, 9,3 % des établissements placés en premier vœu par les enseignants sont classés REP+.
Année REP REP+
2015 2,0 2,1
2016 3,6 3,1
2017 3,9 3,7
2018 3,0 6,2
2019 5,5 9,3
  • Lecture : En 2019, 9,3 % des établissements placés en premier vœu par les enseignants sont classés REP+.
  • Champ : Enseignants du second degré affectés dans un établissement public de l’académie de Montpellier.
  • Source : Listes de vœux de mutations intra-académiques émises par les enseignants affectés dans un établissement de l’académie de Montpellier entre 2015 et 2019.

Figure 2 – Part des établissements placés en premier vœu classés en éducation prioritaire

  • Lecture : En 2019, 9,3 % des établissements placés en premier vœu par les enseignants sont classés REP+.
  • Champ : Enseignants du second degré affectés dans un établissement public de l’académie de Montpellier.
  • Source : Listes de vœux de mutations intra-académiques émises par les enseignants affectés dans un établissement de l’académie de Montpellier entre 2015 et 2019.

Il n’est toutefois pas possible d’attribuer directement cette augmentation aux évolutions de l’indemnité : cette hausse pourrait s’expliquer, par exemple, par un changement de la composition des enseignants souhaitant une mobilité sur la période, ou par une évolution de l’attractivité de l’enseignement prioritaire à leurs yeux. Pour aller au-delà de ce constat descriptif, plusieurs méthodes d’estimation sont mises en œuvre ; elles s’appuient notamment sur une comparaison entre l’évolution de la mobilité désirée pour les établissements REP+ et pour les établissements REP entre 2015 et 2019, au moyen d’une approche en doubles différences (méthodes). Cette méthode suppose que sans la revalorisation de l’indemnité REP+, la mobilité désirée vers les établissements REP+ aurait évolué de la même manière que celle vers les établissements REP sur la période considérée. Une modélisation plus complète des déterminants des choix des mobilités (incluant notamment le temps de trajet entre le domicile de l’enseignant et l’établissement souhaité) est également employée : elle permet d’estimer plus précisément l’ampleur des modifications des incitations financières.

L’augmentation de l’indemnité REP+ a incité les enseignants à émettre davantage de vœux en vue de rejoindre ces établissements

D’après les différentes méthodes utilisées, la revalorisation de l’indemnité associée à l’affectation en REP+ se traduit par une augmentation, estimée à +3,1 points, de la part d’établissements REP+ situés en première position sur les listes de vœux de mobilité des enseignants (figure 3). Une hausse de 1 000 euros de l’indemnité annuelle pour l’affectation en établissement REP+ s’accompagnerait ainsi d’une augmentation de 1,4 point de la part des vœux en tête de liste exprimés pour un établissement de ce type. Les estimations permettent encore de comparer l’effet des incitations financières sur l’attractivité d’un établissement à celui du temps de trajet. Plus le temps de trajet entre le domicile d’un enseignant et un établissement est élevé, moins il est probable que l’enseignant classe cet établissement dans ses premiers vœux : le surcroît d’attractivité des établissements REP+ induit par la revalorisation indemnitaire peut alors être converti en équivalent-temps de trajet. De ce point de vue, l’effet du doublement de l’indemnité REP+ sur l’attractivité de l’établissement serait équivalent à une réduction d’environ 68 minutes de trajet par jour pour les enseignants concernés [Silhol, Wilner, 2023].

Figure 3 – Effet du montant indemnitaire sur la part des établissements placés en premier vœu - Méthode des doubles différences

Figure 3 – Effet du montant indemnitaire sur la part des établissements placés en premier vœu - Méthode des doubles différences - Lecture : Après avoir contrôlé de facteurs conjoncturels ou propres aux préférences des enseignants pour les REP+, la revalorisation de l’indemnité REP+ est associée à une augmentation estimée à 3,1 points de pourcentage de la part de premiers vœux émis vers ce type d’établissement, modèle (2), et une augmentation de 1 000 euros de l’indemnité REP+ conduit à une augmentation de 1,4 point de pourcentage de la part de premiers vœux émis vers ce type d’établissement, modèle (4).
Variables (1) (2) (3) (4)
Effet du doublement progressif de l’indemnité REP+ 3,164*** 3,096***
(0,819) (0,862)
Effet d’une augmentation de 1 000 euros de l’indemnité REP+ 1,591*** 1,395***
(0,468) (0,503)
Effets annuels Oui Oui Oui Oui
Effets enseignant x REP+ Non Oui Non Oui
Nombre d’observations 11 631 11 631 11 631 11 631
0,005 0,006 0,009 0,004
  • Notes :
    - *** : effet significatif au seuil de 1 % ;
    - les écarts-types associés aux estimations des effets sont indiqués entre parenthèses ;
    - dans les modèles (1) et (2), l’effet de l’augmentation de l’indemnité est mesuré par une indicatrice qui prend la valeur 1 lorsque l’établissement est classé en REP+ et est observé en 2018 ou 2019. Dans les modèles (3) et (4), l’effet est mesuré par le montant de l’indemnité associée à une affectation en REP+. Dans les modèles (1) à (4), l’effet de l’augmentation de la prime est estimé en contrôlant des facteurs conjoncturels. Dans les modèles (2) et (4), les effets sont aussi contrôlés des préférences des enseignants pour ce type d’établissement.
  • Lecture : Après avoir contrôlé de facteurs conjoncturels ou propres aux préférences des enseignants pour les REP+, la revalorisation de l’indemnité REP+ est associée à une augmentation estimée à 3,1 points de pourcentage de la part de premiers vœux émis vers ce type d’établissement, modèle (2), et une augmentation de 1 000 euros de l’indemnité REP+ conduit à une augmentation de 1,4 point de pourcentage de la part de premiers vœux émis vers ce type d’établissement, modèle (4).
  • Champ : Enseignants du second degré affectés dans un établissement public de l’académie de Montpellier.
  • Source : Listes de vœux de mutations intra-académiques émises par les enseignants affectés dans un établissement de l’académie de Montpellier entre 2015 et 2019.

Le profil des enseignants les plus sensibles aux incitations financières peut également être précisé : d’après les estimations, le dispositif attire surtout des enseignants moins expérimentés, pour lesquels l’indemnité peut désormais représenter une augmentation de l'ordre de 20 % du salaire annuel, ainsi que des enseignants travaillant déjà en REP+. Le montant de l’indemnité actuelle ne paraît pas suffisant pour attirer les enseignants les plus expérimentés ou exerçant en dehors des réseaux d’éducation prioritaire.

Les vœux de mobilité plus fréquents pour les établissements REP+ n’auraient pas été émis au détriment des REP

Ces incitations financières en faveur des établissements REP+ pourraient décourager la mobilité désirée vers les établissements REP. De fait, un vœu émis vers un REP+ ne l’est mécaniquement pas en direction d’un autre établissement, situé en éducation prioritaire ou non.

Or, les effets positifs et significatifs du doublement de l’indemnité REP+ sur l’attractivité de ces établissements ne seraient pas obtenus au détriment des établissements REP. Sous les hypothèses de la modélisation structurelle retenue (méthodes), 90 % de l’augmentation de la part des REP+ parmi les premiers vœux pourrait être attribué à des enseignants qui n’auraient pas formulé de vœu de mobilité en l’absence d’augmentation de l’indemnité REP+. Les 10 % restants correspondraient à des enseignants qui auraient préféré un établissement non classé en éducation prioritaire [Silhol, Wilner, 2023].

Des exercices contrefactuels avec des montants indemnitaires alternatifs peuvent également être réalisés au moyen de cette modélisation structurelle. Ils permettent d’estimer les montants à partir desquels les incitations financières compenseraient le défaut d’attractivité des REP+. Selon ces simulations, des indemnités substantielles devraient être proposées aux enseignants afin de compenser les coûts liés à une mobilité d’établissement et ceux en lien avec des conditions d’enseignement plus difficiles (figure 4). Le défaut d’attractivité des REP+ par rapport à un établissement non classé en éducation prioritaire serait compensé à partir de 2 200 euros à 3 000 euros annuels [Silhol, Wilner, 2023], selon les spécifications considérées (en tenant compte ou non des coûts de transport des enseignants) et selon le champ retenu (en incluant ou non les vœux géographiques).

Figure 4 – Simulation des parts de premiers vœux en REP+ selon différents niveaux indemnitaires

indice base 100 en 2015, sur une transformée de la part observée
Figure 4 – Simulation des parts de premiers vœux en REP+ selon différents niveaux indemnitaires (indice base 100 en 2015, sur une transformée de la part observée) - Lecture : D’après ces simulations, la part des premiers vœux fléchés vers des établissements REP+ aurait augmenté en l’absence de revalorisation de l’indemnité, avec un alignement de l’indemnité REP+ sur l’indemnité REP et même en l’absence d’indemnité. Mais cette augmentation aurait été moins forte que l’augmentation observée.
Modalité 2015 2016 2017 2018 2019
Indemnité REP+ effective 100 128 147 216 297
Indemnité REP+ figée à son niveau de 2015-2017 100 128 147 166 178
Indemnité REP+ figée au niveau en REP 87 112 129 145 156
Aucune indemnité (ni en REP+, ni en REP) 59 76 87 99 107
  • Lecture : D’après ces simulations, la part des premiers vœux fléchés vers des établissements REP+ aurait augmenté en l’absence de revalorisation de l’indemnité, avec un alignement de l’indemnité REP+ sur l’indemnité REP et même en l’absence d’indemnité. Mais cette augmentation aurait été moins forte que l’augmentation observée.
  • Champ : Enseignants du second degré affectés dans un établissement public de l’académie de Montpellier.
  • Source : Listes de vœux de mutations intra-académiques émises par les enseignants affectés dans un établissement de l’académie de Montpellier entre 2015 et 2019.

Figure 4 – Simulation des parts de premiers vœux en REP+ selon différents niveaux indemnitaires

  • Lecture : D’après ces simulations, la part des premiers vœux fléchés vers des établissements REP+ aurait augmenté en l’absence de revalorisation de l’indemnité (losanges verts clairs), avec un alignement de l’indemnité REP+ sur l’indemnité REP (carrés bleus) et même en l’absence d’indemnité (ronds gris). Mais cette augmentation aurait été moins forte que l’augmentation observée (triangles verts foncés).
  • Champ : Enseignants du second degré affectés dans un établissement public de l’académie de Montpellier.
  • Source : Listes de vœux de mutations intra-académiques émises par les enseignants affectés dans un établissement de l’académie de Montpellier entre 2015 et 2019.
Publication rédigée par :Julien Silhol, Lionel Wilner (Insee)
Publication rédigée par :Julien Silhol, Lionel Wilner (Insee)

Sources

Les données sont constituées des listes de vœux d’affectation émises par les enseignants de l’académie de Montpellier entre 2015 et 2019. Elles sont issues des services de ressources humaines du secrétariat général de ce rectorat et compilées à partir de sources provenant de la campagne de mutation intra-académique.

Les personnes considérées dans cette étude sont les enseignants participant au mouvement intra-académique du rectorat de Montpellier et résidant dans cette académie.

Plus précisément, le champ retenu est celui des enseignants de l’enseignement secondaire public, exerçant dans les filières générales, déjà titulaires d’un poste dans l’académie et ayant émis au moins une liste contenant au moins un vœu d’établissement entre 2015 et 2019. 5 902 listes de vœux sont ainsi exploitées, provenant de 3 251 enseignants (les enseignants pouvant émettre une liste chaque année). En moyenne, ces listes comptent 3,1 vœux d’établissement.

Dans le cadre d’une analyse de sensibilité des résultats, les vœux géographiques à destination d’une commune, d’un regroupement de communes, d’un département ou de l’académie entière ont été considérés, au-delà des seuls vœux d’établissement.

Méthodes

L’évolution de l’attractivité des établissements labellisés « Réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) » associée à la revalorisation de l’indemnité est évaluée à l’aide de plusieurs méthodes qui se complètent et permettent de vérifier la robustesse des résultats.

En premier lieu, une méthode de doubles différences compare les évolutions respectives d’un groupe « traité », les établissements REP+ dont l’indemnité a été doublée entre 2017 et 2019, à un groupe « de contrôle », les établissements REP dont l’indemnité est restée stable pendant cette même période. Elle repose sur l’hypothèse d’une évolution identique de l’attractivité dans ces deux groupes, en l’absence de changement de politique indemnitaire, vu ici comme une « expérience naturelle » (une situation dans laquelle un « choc » exogène affecte l’environnement des agents). Non testable, cette hypothèse n’est cependant pas rejetée par les données : avant la réforme, entre 2015 et 2017, l’évolution de l’attractivité de ces deux types d’établissements, approchée par la part des vœux en tête de liste exprimés pour un établissement classé en REP ou en REP+, paraît similaire dans les deux groupes (figure 2). Le choix du groupe de contrôle, les établissements classés en REP, se justifie notamment par l’invariance de l’indemnité dans ces établissements entre 2017 et 2019, mais aussi par la proximité des établissements REP et REP+ en matière de personnel et de public scolaire. La méthode en doubles différences peut être estimée à l’aide d’un modèle économétrique qui permet en particulier de raisonner « toutes choses égales par ailleurs », autant que possible, en neutralisant des facteurs observés (conjoncturels) ou inobservés (propres aux enseignants ou aux établissements).

Une modélisation structurelle, détaillée dans Silhol et Wilner (2023), est ensuite mobilisée afin de simuler des situations contrefactuelles, qui auraient prévalu par exemple en l’absence du doublement de l’indemnité en REP+ ou encore en présence d’autres montants indemnitaires. Cette approche permet également de quantifier les reports de vœux entre les trois types d’établissements (REP, REP+ et éducation non prioritaire) consécutifs au doublement de l’indemnité en REP+. Cette estimation permet d’obtenir des résultats très proches de ceux en doubles différences : selon cette méthode, la part des enseignants classant un établissement REP+ en premier vœu aurait augmenté de 3,5 points, contre 3,1 points obtenus avec la méthode des doubles différences.

Des estimations complémentaires ont enfin été réalisées pour tenir compte des coûts de transport des enseignants, fonctions du temps de trajet entre leur domicile et l’établissement souhaité, notamment afin de pouvoir convertir le surcroît d’attractivité des établissements REP+ induit par le changement de politique indemnitaire en temps de trajet équivalent.

Pour en savoir plus

Silhol J., Wilner L., « Quel effet des primes spécifiques à l’éducation prioritaire sur les voeux de mobilité des enseignants ? », Documents de travail n° 2023-09, Insee, avril 2023.

Fack G., Grenet J., He Y., “Ouvrir dans un nouvel ongletBeyond Truth Telling: Preference Estimation with Centralized School Choice and College Admissions”, The American Economic Review, Vol. 109: 1486-1529, 2019.

Prost C., “Ouvrir dans un nouvel ongletTeacher Mobility: Can Financial Incentives Help Disadvantaged Schools to Retain Their Teachers?”, Annals of Economics and Statistics, No. 11-112, pp. 171-191, 2013.

Clotfelter C., Glennie E., Ladd H., Vigdor J., “Ouvrir dans un nouvel ongletWould higher salaries keep teachers in high-poverty schools? Evidence from a policy intervention in North Carolina”, Journal of Public Economics, Volume 92, Pages 1352-1370, 2008.