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Grandes Ecoles

Résultats Sigem : Année noire pour les écoles de commerce post-prépa les moins populaires

La moitié des écoles de commerce post-prépa n'a pas rempli ses places cette année, d'après les premiers résultats du Sigem, qui centralise et compare les choix d'affectations des classes prépa d'une école à une autre. La faute à une baisse du vivier de préparationnaires mais aussi à des stratégies d'écoles plus ou moins payantes.

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Le patio des étudiants de l'ICN Business School

Cette année, l'ICN Business School se retrouve avec 96 places vacantes, alors qu'elle était parvenue à faire le plein l'an dernier.

ICN Business School

Le couperet est tombé ce jeudi 13 juillet à 14h. Cette année, il a été particulièrement tranchant pour plusieurs grandes écoles de commerce post-prépa. Sur 24 établissements, la moitié n'a pas rempli ses places ouvertes aux prépa cette année, d'après les résultats du Sigem 2023 (système d’intégration aux grandes écoles de management centralisant les affectations des concours BCE et Ecricome)*. Elles n'étaient que 7 l'an dernier à se retrouver dans cette situation. Au total, 725 places restent ainsi vacantes cette année sur un total de 7.831 places ouvertes, soit un taux de remplissage de 91%, un plus bas historique.

"Nous sommes soulagés, nos efforts sur l'accueil des admissibles ont payé dans une période un peu turbulente", se réjouit Annelaure Oudinot, à la tête du programme grande école de Grenoble école de management (GEM) qui a réussi à remplir presque toutes ses places. Si comme GEM plusieurs écoles ont bien résisté (Audencia, Neoma, Kedge...) et que le top-5 continue de performer, la pilule va en revanche avoir du mal à passer pour d'autres. C'est l'hécatombe pour l'EM Strasbourg qui, après un cru 2022 déjà mauvais, échoue à remplir 188 places sur 235 places ouvertes (dont 178 sur les prépas économiques). Avec 305 places ouvertes dont 20 aux prépas littéraires, l'ICN Business School se retrouve avec 96 places vacantes, alors qu'elle était parvenue à faire le plein l'an dernier. Burgundy School of Business, qui parvenait elle aussi à atteindre ses objectifs, sort pénalisée avec 200 places pourvues cette année contre 255 en 2022. On peut encore citer l'EM Normandie (81 places non pourvues), l'Inseec GE (-67) ou encore l'ESC Clermont qui recrute seulement 12 préparationnaires sur 70 places. Deux écoles intègrent même moins de 5 étudiants de classes prépa : SCBS (2 affectés) et Brest (3)! 

Comment expliquer une telle polarisation? 

Un vivier de candidats qui se réduit

En réalité, si ces résultats sont frappants, ils étaient redoutés par la plupart des directeurs d'écoles. 2023 représente une année charnière dans la mesure où elle formalise concrètement la baisse du vivier d'étudiants préparationnaires dans les classes préparatoires économiques. Exception française, le modèle français des prépas, qui ne débouche sur aucun diplôme, peine à attirer dans un environnement où le système LMD (licence-master-doctorat) est devenu la norme. A la rentrée 2021, cette filière avait ainsi perdu plus de 10% de nouveaux inscrits dans la foulée de la réforme du bac et de la disparition des mathématiques dans le tronc commun.

Deux ans plus tard, le vivier de candidats et d'affectés a mécaniquement baissé (d'environ 7,5% sur un an) alors que le nombre de places ouvertes, lui, a au contraire légèrement augmenté de 11 places sur la même période. "Le Sigem n'a pas pu faire de miracle. Il y a un décalage évident entre l'offre et la demande avec plus de places que de candidats, analyse Nicolas Arnaud, président du SIGEM. Il y a encore quelques années les effectifs prépas augmentaient et les écoles suivaient le mouvement en ouvrant davantage [ce qui pénalisait déjà les écoles hors top-10, tributaires des places ouvertes au sein des plus attractives, NDLR]. Il est toujours plus difficile de réajuster à la baisse car il y a toujours cet espoir des écoles de capter plus de candidats qu'attendu."

Lire aussiLe classement 2023 des écoles de commerce post-prépa

Une voie royale très concurrencée

Afin de réduire leur dépendance aux prépa, beaucoup d'écoles ont diversifié leurs voies de recrutement comme l'atteste l'explosion de leurs programmes post-bac. Ces dernières années, à l'exception d'HEC, les business schools ont ainsi capitalisé sur leur image de marque pour multiplier les créations de bachelors en 3 ou 4 ans (Essec, Edhec, ESCP, Skema...), de programmes grande école en 5 ans (EM Normandie, Excelia...) ou même de BTS (EM Normandie). 920 étudiants ont par exemple rejoint le BBA de l'Edhec en première année en 2022, soit presque le double d'intégrés prépas. "Il existe une certaine ambiguïté pour des écoles qui ont besoin d'atteindre une taille critique face à une concurrence qui est désormais internationale. Le message se brouille dès lors que les grandes écoles communiquent plus sur ces programmes post-bac que sur leurs programmes post-prépa", alertait Alain Joyeux, président de l'APHEC (Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales) dans nos colonnes

Un message d'autant plus brouillé que dans le même temps, les admissions parallèles -qui permettent d'intégrer ces établissements via d'autres filières que la prépa (licence, bachelor, BUT...)-  ont par ailleurs bondi de 22% en cinq ans. Et ce, même du côté des écoles les plus prestigieuses. A la rentrée 2022, on comptait par exemple 680 admis sur titre (AST) recrutés à Neoma BS, et près de 400 à l'emlyon. Seules cinq écoles (HEC, ESCP, Essec, Edhec et emlyon) recrutent désormais l'intégralité de leurs bataillons de première année en prépa - Audencia venant d'ouvrir une quarantaine de places aux AST pour la première fois. Résultat, "la prépa est devenue une voie d'admission parmi d'autres", résume Nicolas Arnaud. Un double phénomène qui n'est pas passé inaperçu et peut expliquer à la fois le désintérêt des lycéens pour cette voie royale historique, mais aussi une préférence accrue des préparationnaires pour les écoles les plus select.

Des candidats plus stratèges

Cette dynamique globale pénalise les écoles les moins bien positionnées dans les classements, perçues comme moins attractives. "Nous constatons des changements de comportement des candidats qui se montrent plus stratèges qu'auparavant", note le président du Sigem qui rapporte que les préparationnaires ont tendance à davantage cibler leurs écoles et expriment en moyenne également moins de vœux d'affectation. "Dans la mesure où ils sont moins nombreux à concourir, ils vont aussi plus facilement décider de khûber si les écoles qui les ont retenus ne sont pas assez bien classées." Fait marquant, cette année 4 admis HEC ont boudé la prestigieuse business school sans pour autant lui préférer une autre école du Sigem. 

Des repositionnements stratégiques qui semblent inévitables

Dans ce contexte se pose clairement la question du repositionnement stratégique des écoles post-prépa les moins attractives. Certaines ont déjà effectué la bascule, telles que l'ESC Pau qui a quitté la BCE ou l'EM Normandie et Excelia Business School qui recrutent désormais le gros de leurs bataillons via leurs programmes en 5 ans et les admissions parallèles. Un mouvement qui n'est pas sans risque pour l'image de marque et la visibilité des écoles sur le marché français encore très influencé par "l'effet classement post-prépa". La situation semble plus compliquée pour d'autres, à l'instar de l'ICN, ou encore l'EM Strasbourg, plus dépendantes des prépas. Rien que sur les places vacantes destinées aux prépas économiques, le site Major-Prépa chiffre à près de 23 millions d'euros le manque à gagner en 2022-2023 pour les écoles n'ayant pas rempli. Alors que les frais de scolarité représentent l'essentiel des ressources de ces établissements, le coup est rude. "Beaucoup d'écoles avaient anticipé la situation d'un point de vue budgétaire", tempère Nicolas Arnaud, qui redoute néanmoins que davantage de business schools tournent le dos au modèle prépa et "enclenchent un cercle vicieux pour l'ensemble du groupe". 

Pour 2024, le président du Sigem se veut encourageant. "La filière reste une vitrine d'excellence à laquelle tiennent aussi bien les écoles du top des classements que les écoles qui ne parviennent pas à remplir depuis des années, veut croire le président du Sigem. Des actions vont d'ailleurs être engagées entre les grandes écoles et l'APHEC pour mieux communiquer auprès des lycéens", souligne-t-il. Reste à savoir dans quelle mesure le nombre de places ouvertes évoluera l'an prochain et si la stagnation du vivier de préparationnaires se confirmera. 


*Méthodologie : Le SIGEM donne chaque année le "la" de la cote de popularité des écoles de commerce auprès des étudiants en classes préparatoires. Il centralise en effet les affectations des concours BCE et Ecricome. Les données du Sigem livrent des enseignements enrichissants sur le taux de remplissage des écoles, l'évolution des duels ou encore le nombre de démissionnaires. Autant de précieux indicateurs pour suivre à la fois la dynamique des établissements et leur perception auprès des classes prépa. Un classement final des duels est chaque année établi à partir des désistements croisés des préparationnaires d'une école à une autre (ou duels gagnés et perdus entre écoles).

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