Filières pharmacie et maïeutique cherchent étudiants désespérément

Avec des taux de remplissage inférieurs aux places disponibles, les filières pharmacie et maïeutique des études de santé font face à une crise inédite. Si le manque d’élèves venait à continuer, la crise pourrait être sans précédent.

De moins en moins d'étudiants choisissent de devenir sage-femme ou pharmacien. Freepik
De moins en moins d'étudiants choisissent de devenir sage-femme ou pharmacien. Freepik

    « À la rentrée 2022, on avait déjà près de 20 % de places vacantes en maïeutique, et ça pouvait monter jusqu’à 37 % en Île-de-France ! » Loona Mourenas, porte-parole de l’Association Nationale des Étudiant.e.s Sages-Femmes (ANESF), détaille dans un éclat de voix le nombre de places vacantes dans cette filière en deuxième année.

    Mais la maïeutique n’est pas la seule à souffrir de ce phénomène : à la même période, la filière pharmacie enregistrait un déficit d’étudiants de 30 %, soit environ 1 027 places à l’échelle nationale. Des chiffres alarmants qui témoignent d’une crise à venir pour des professionnels pourtant indispensables au bon fonctionnement du système de santé.

    Comment expliquer un tel manque d’élèves ? Depuis la réforme de 2020, les jeunes qui veulent se diriger vers les études de santé ont le choix entre le Parcours Accès Santé Spécifique (PASS) et la Licence avec option « Accès Santé » (LAS), qui permettent tous deux d’accéder à la deuxième année. Si la filière médecine attire toujours autant les faveurs des étudiants, la pharmacie et la maïeutique souffrent encore d’un manque d’information et de stéréotypes durables.

    « Il y a une espèce de sacralisation de la médecine »

    Pour Loona, le déficit d’étudiants est en partie dû à la réforme : « Il n’y a plus seulement le concours qui compte, il faut valider l’entièreté de sa licence. » Un constat partagé par Loïc Josseran, doyen de l’UFR Simone Veil à l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. « Avant la réforme, un étudiant qui échouait en première année redoublait, et était éventuellement redirigé vers les filières où il restait de la place. Un choix par défaut, certes, mais qui formait des professionnels. » Pour lui, la mineure intégrée à la nouvelle formation permet de garder une porte de sortie en cas d’échec, « sur d’autres sujets qui les intéressent. Ils peuvent retenter médecine en deuxième ou troisième année de LAS s’ils le souhaitent. »



    Natan Goulin, vice-président en charge des tutorats d’entrée dans les études de santé à l’Association Nationale des étudiants en Pharmacie de France (ANEPF), note quant à lui un manque d’information généralisé sur sa filière. « La réforme a mis en lumière le manque d’attractivité de la filière pharmacie : au lycée, les gens ne connaissent pas du tout ce milieu. Ils pensent à faire médecine, alors qu’en pharmacie, il y a plein de débouchés, pas juste le travail en officine ! »

    Car si ces études peuvent conduire à tenir sa propre pharmacie, elles permettent aussi de travailler en laboratoire, dans l’industrie pharmaceutique, ou encore à l’hôpital. Pour Renaud, étudiant en 5e année de pharmacie à Nancy, il s’agit d’une filière avec des cours « passionnants », alors même qu’il n’imaginait pas du tout l’intégrer en arrivant en PACES.

    En maïeutique aussi, les clichés ont la vie dure. « Les organismes de prépas privés nous font du tort, parce qu’ils laissent penser que médecine est la meilleure filière. Beaucoup des compétences des sages-femmes ne sont pas connues du grand public : le suivi gynécologique, la vaccination… » explique Loona Mourenas. La filière médecine raflerait donc la mise auprès des étudiants ?

    Pour Loïc Josseran, l’image même des études de santé pose problème : « Il y a une espèce de sacralisation de la médecine, il y a beaucoup de fantasmes, qui sont notamment nourris par les séries où on voit seulement des médecins ou des chirurgiens sauver les patients. En réalité, les professions médicales sont très diverses ! On peut très bien fabriquer des prothèses et sauver la vie de quelqu’un, il n’y a pas que la filière médecine qui a ce monopole. »

    Orientation et revalorisation des statuts

    Une des solutions mises en place pour contrer le phénomène est le recours massif aux dispositifs d’orientation, notamment par les tutorats. Selon l’ANEPF, seuls 2,6 % des étudiants en pharmacie considèrent avoir été bien informés sur ces études au cours du lycée. Intervention dans les établissements, vidéos de présentation, mini-jeux : tous les moyens sont bons pour donner envie et susciter des vocations chez les plus jeunes.

    « On a une grosse reconnaissance de l’action des tutorats, ça, c’est positif », déclare Natan Goulin, qui était présent à la remise officielle des agréments organisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche le 26 juin dernier.



    Les étudiants pointent plus largement un problème de reconnaissance dans une filière caractérisée par des conditions de travail parfois difficiles. « Dans notre enquête, on voit que plus de 20 % des étudiants en maïeutique déclarent que la crise du Covid-19 a eu un impact sur leur vécu de formation », explique Loona. Lou-Anne, qui rentrera en 3e année en septembre prochain à Reims, note de son côté une mise en valeur insuffisante, « que ce soit au niveau de la rémunération, ou le fait que notre statut ne soit pas aussi reconnu ».

    « Il y a toujours la question des stages sous-payés, et de la réforme du 3e cycle qui n’aboutit à rien depuis 7 ans » ajoute Natan. Écouter les revendications de ces étudiants apparaît donc indispensable, alors que Loïc Josseran alerte sur un déficit structurel : « Dans 4 ans, on y est. La crise est imminente. »

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