Sur le petit emploi du temps imprimé que Manon (les personnes citées par leur prénom ont souhaité rester anonymes) sort de son sac à dos, la case dévolue au nom du professeur de français est toujours vierge, en ce lundi 11 septembre. « On nous a dit qu’ils n’avaient trouvé personne », explique timidement cette élève de 2de. Un peu plus loin, Gabriel fait défiler sur l’application Pronote de son téléphone les semaines durant lesquelles une mention rouge lui indique qu’il n’aura pas cours d’histoire-géographie ni de français. L’élève de 1re ne cache pas une « petite angoisse », alors que s’amorce pour lui l’année du baccalauréat, et confie que ses parents songent déjà à l’inscrire aux formations du Centre national d’enseignement à distance.
Devant les larges grilles décaties de la cité scolaire internationale de Ferney-Voltaire, dans l’Ain, les cas comme les leurs se comptent par centaines. Selon les informations compilées par les parents d’élèves une semaine après la rentrée scolaire, il manque une quinzaine de professeurs sur les 250 que compte cet ensemble scolaire regroupant plus de 3 000 élèves du collège au lycée. Au moins une quarantaine de classes – dont des 1res et des terminales – sont touchées, en grande majorité du fait du non-remplacement d’absences de longue durée, ou de postes vacants faute de personnel.
La situation désespère les parents d’élèves, qui multiplient les actions, mais elle ne les étonne plus. « Le problème est devenu chronique et il dure toute l’année, à tous les niveaux », déplore Isabelle Boutherre, représentante FCPE, dont la fille, en 1re, n’a pas de cours en spécialité sciences économiques et sociales du fait d’un congé maternité non remplacé. Il y a quelques mois, elle a porté plainte contre l’Etat en raison des semaines de cours non assurées en 2022-2023 pour son fils au collège de Gex, et pour sa fille à Ferney-Voltaire.
Niveau de vie élevé
Le rectorat de Lyon assure faire « tout ce qu’il peut » pour répondre aux besoins, tout en reconnaissant que ce n’est « parfois pas suffisant » pour ce territoire, le plus « problématique de l’académie quand il s’agit d’attirer des enseignants ». Car Ferney-Voltaire n’est que l’exemple le plus éclatant de carences signalées en cette rentrée dans plusieurs établissements du pays de Gex, situé à l’extrémité est de l’académie et enclavé entre les contreforts du Jura et la frontière avec la Suisse.
Ce territoire cerclé de paysages montagneux subit, comme le reste de la France, les tensions dues à la crise d’attractivité du métier et aux nombreux postes vacants qui en découlent. Une situation exacerbée par les spécificités de cette région de 100 000 habitants, qui n’est accessible qu’en voiture et vit sous l’influence directe de Genève.
Il vous reste 64.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.