Nouveau pacte enseignant : un taux d'adhésion très variable selon les établissements
Dans 30 % des collèges et lycées, aucun pacte enseignant n'a encore été signé, selon une enquête du principal syndicat de chefs d'établissement, le SNPDEN-Unsa.
Les chiffres sont « assez effarants », « on ne s'attendait pas à ça », lançait mercredi Bruno Bobkiewicz, à la tête du principal syndicat de chefs d'établissement, le SNPDEN-Unsa, en parlant du nouveau pacte enseignant. Cet ensemble de nouvelles missions proposées aux enseignants volontaires se met en place en cette rentrée.
Selon une enquête menée par ce syndicat auprès de 2.750 principaux et proviseurs, dans 30 % des établissements, aucun pacte n'a été signé. Dans 54 % des collèges et lycées, moins de 10 % de pactes l'ont été. A l'inverse, dans un peu plus de 2 % des établissements, 100 % de pactes ont été conclus. Le nouveau dispositif souligne ainsi les écarts entre établissements.
« Un dispositif mal né »
« Il y a une allergie collective au pacte, estime Bruno Bobkiewicz. Le dispositif est mal né, mal nommé, et la communication a été très mauvaise avec un amalgame qui a été fait entre la revalorisation et ce dispositif qui n'en est pas. » Le nouveau ministre de l'Education nationale l'a bien compris. Le pacte « n'est pas une mesure de revalorisation salariale » , avait insisté Gabriel Attal lors de sa conférence de rentrée, fin août. Un changement de discours jugé trop tardif, au vu de la contestation, très vive.
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Dans le détail, le pacte correspond à trois « briques » dans la voie générale et technologique, chacune d'un montant de 1.250 euros brut, soit jusqu'à 3.750 euros brut d'augmentation par an si un enseignant en prend trois - remplacement de courte durée (18 heures), dispositif « devoirs faits » (24 heures) ou découverte des métiers (24 heures), par exemple.
La moyenne d'absorption de ces briques est, selon l'enquête, de 23 % - ce qui ne veut pas dire que 23 % des enseignants ont signé le pacte. Ces premiers résultats sont loin de ceux sur lesquels tablait l'exécutif - qui misait sur 30 % d'enseignants signataires.
Des missions facultatives
Derrière ce pacte, la priorité pour l'exécutif, ce sont les remplacements de courte durée. « Les parents verront le remplacement systématique des enseignants absents », avait promis Emmanuel Macron en avril dernier. Il n'a cessé de le répéter depuis. En cette rentrée, d'ailleurs, certaines académies « font pression » pour que les enseignants qui acceptent le pacte prennent d'abord la brique consacrée au remplacement. Elles en font parfois un impératif, alors que rien ne l'impose dans les textes, alerte le SNPDEN.
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L'exécutif veut éviter des trous dans les emplois du temps des élèves, et faire en sorte qu'un professeur de français absent soit remplacé au pied levé par un enseignant de mathématiques, et vice versa.
Pour l'exécutif comme pour les chefs d'établissement, l'équation est très délicate : comment expliquer aux parents que les devoirs faits en 6e - obligatoires pour tous en cette rentrée - ou le remplacement promis d'un professeur absent du jour au lendemain ne valent que si l'établissement a des enseignants volontaires pour le faire ? « On ne peut pas faire cohabiter un dispositif obligatoire qui repose sur des leviers facultatifs », pointe Cédric Carraro, proviseur (SNPDEN) en lycée professionnel. « Il y a plein de parents qui ne sont pas dupes, glisse Bruno Bobkiewicz. Il ne faut pas raconter d'histoires au grand public. »
« La réalité du quotidien »
Dans les salles des professeurs, les discussions sur le pacte alimentent les tensions. « Il y a des positions individuelles qui ne sont pas les mêmes que les positions collectives, explique Laurence Colin, proviseure (SNPDEN) d'un lycée général et technologique. Les enseignants sont confrontés à la réalité du quotidien. Ils font tous leurs courses et ils mettent tous de l'essence dans leur voiture. Toutes les opinions sont entendables, il ne faut pas que certains imposent à tout prix leur opinion à d'autres. »
Cela incitera-t-il des enseignants à signer le pacte dans les mois à venir ? « Pour l'instant, on est soudés, tout l'établissement a refusé le pacte, confie un enseignant. Après, on verra… »
Pour le gouvernement, quelques signes positifs se lisent, dans l'enquête, parmi les professeurs des écoles qui acceptent d'aller faire des heures de soutien et d'approfondissement au collège - 62 % des principaux de collège vont en accueillir. Dans les lycées professionnels, les résultats sont aussi meilleurs, pour des professeurs de matières professionnelles qui, en trois cours d'ateliers de six heures, réussissent à atteindre l'objectif des 18 heures annuelles de remplacement requises.
Marie-Christine Corbier