French President Emmanuel Macron meets pupils during a visit to the Daniel-Argote middle school at the beginning of the academic year, in Orthez on September 5, 2023. (Photo by Caroline BLUMBERG / POOL / AFP)

Emmanuel Macron dans un collège à Orthez, le 5 septembre 2023.

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Attention, sujet hautement sensible. "On doit rouvrir un débat qui est celui du temps scolaire dans l’année, une des autres grandes hypocrisies françaises", déclarait Emmanuel Macron, le 27 juin dernier, lors d’un déplacement à Marseille. Depuis, le président de la République a réaffirmé cette volonté à plusieurs reprises, lors de ses récentes et nombreuses interventions sur le chantier de l’école érigé en priorité du quinquennat. Parmi les pistes avancées : permettre aux élèves les plus en difficulté scolaire d’effectuer leur rentrée plus tôt pour les aider à rattraper leur retard, diminuer le temps des vacances scolaires dites "intercalaires" (période de la Toussaint, de Noël, d’hiver et de printemps) et mieux répartir les heures de cours sur l’année pour éviter d’avoir des journées trop longues… L’analyse de certaines études scientifiques, enquêtes de terrain et diverses expérimentations, permet de mieux comprendre les enjeux et l’intérêt de remettre ce dossier sur le haut de la pile des priorités.

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Le projet qui consisterait à réduire la durée des grandes vacances est celui qui a suscité le plus de réactions, provoquant notamment la colère des syndicats enseignants pour qui cette mesure serait inefficace ou, du moins, ne suffirait pas à réduire les inégalités entre élèves. Ce que les études démontrent avec certitude, c’est que les différences de niveau se creusent bel et bien aux mois de juillet et août entre les enfants inscrits en réseau d’éducation prioritaire (REP) et les autres. Une étude de la Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (Depp), datée d’avril 2023, le confirmait encore récemment. "Au CP, pendant l’année scolaire, les écarts de performance entre secteurs de scolarisation se réduisent. Puis, pendant les vacances d’été, les élèves sont éloignés de l’école pendant deux mois. A l’issue de cette période de congés, les écarts de performances augmentent", écrit ce service du ministère de l’Education nationale qui se base sur une cohorte d’élèves entrés en CP en 2020. Le phénomène est particulièrement flagrant en mathématiques, et notamment en ce qui concerne les résolutions de problèmes, les soustractions ou les exercices de lignes numériques. Il l’est moins en français, mais les élèves de REP + ont toutefois tendance à davantage buter sur la compréhension de phrases lues par l’enseignant lors de leur retour en septembre que leurs camarades.

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Pour autant, revenir sur la durée de la coupure estivale ne paraît pas être une priorité pour bon nombre d’experts et de scientifiques. L’urgence selon eux ? S’attaquer plutôt aux "petites" vacances. "La France est le seul pays au monde à avoir adopté cette organisation de quatre fois deux semaines de congés. Ce qui est pour moi une hérésie puisque cela désynchronise totalement les enfants. On sait bien aujourd’hui que les élèves mettent plusieurs jours à se remettre de cette longue pause et à se recaler sur le temps de l’école", avance la psychologue Claire Leconte, spécialiste des rythmes de l’enfant et de l’adolescent. Plusieurs études de chronobiologie le prouvent et beaucoup ne datent pas d’hier. Dès les années 1950, des chercheurs ont procédé à des expériences "hors du temps" en isolant de jeunes adultes dans des grottes pendant plusieurs semaines, sans montre, ni réveil, ni radio, ni tout autre élément leur permettant de se repérer. "Eux seuls étaient les régulateurs de leur horloge interne. C’est ainsi que l’on a réussi à prouver qu’il fallait bien deux semaines pour que le corps arrive à se caler sur son rythme naturel communément appelé rythme 'circadien'", explique Claire Leconte. Dans le cadre de ses travaux, elle a entendu beaucoup d’enseignants lui confier avoir du mal à obtenir l’attention des élèves les premiers jours après les vacances. "Un grand classique !", lance-t-elle.

"La clef d’un bon sommeil est bel et bien la régularité", poursuit Sandrine Plancoulaine, médecin de santé publique et spécialiste du sommeil. "Voilà pourquoi on préconise aux enfants, comme aux adultes d’ailleurs, de se coucher et de se lever à des heures régulières, y compris pendant les week-ends et les vacances", explique cette docteure en épidémiologie génétique. Réduire la durée des petites vacances permettrait, là encore, de mieux tendre vers cette règle. Comme elle, bon nombre de spécialistes du sommeil penchent également pour la semaine de 4,5 jours qui permettrait aux élèves de travailler tous les matins de la semaine et de ne plus se heurter à cette "cassure" du mercredi. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui puisque environ 90 % des écoles ont adopté la semaine des quatre jours. Pour Stéphanie Mazza, professeure de neuropsychologie à l’université de Lyon 1, le fait de diminuer la durée des petites vacances et de revenir à l’école le mercredi matin aurait également pour avantage de "répartir différemment les heures de classe et d’avoir des journées moins lourdes sur le plan cognitif". "Mais attention, prévient-elle, cela n’est intéressant que si on en profite pour faire faire aux élèves plus d’activité physique ou des sorties".

Tenir compte de l’horloge biologique des adolescents

Si l’on dispose de beaucoup de données précises sur le sommeil, l’impact de la semaine de 4,5 jours sur les apprentissages n’a pas été évalué scientifiquement. Mais selon Claire Leconte, un retour des cours le mercredi matin pourrait être profitable : "En France, avec la semaine de quatre jours, les élèves n’ont que 140 jours dans l’année pour recevoir tous les apprentissages… contre 180 à 200 jours dans les autres pays. Le fait que les cours soient aussi condensés a forcément une influence néfaste sur les apprentissages". Cette spécialiste a commencé à mener des expérimentations au début des années 1980, mais la plus probante, selon elle, fut celle réalisée dans un groupe scolaire de Lille, dans un quartier très défavorisé, entre 1996 et 2008. "Le fait que les élèves aient bénéficié de 6 demi-matinées de cours, du lundi au samedi, durant ces douze années, a considérablement modifié leurs résultats. Ce que l’on a pu notamment mesurer grâce aux évaluations nationales", insiste-t-elle. Le fait de bénéficier de plus de temps aura permis de mettre en place des "parcours de découverte" permettant à ces enfants de visiter des musées, de s’initier au kayak ou à l’informatique.

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Un autre pan de la recherche tend également à se développer ces dernières années : celui consacré à l’étude du sommeil chez les adolescents. Quel rapport avec l’adaptation des temps scolaires ? Il est désormais scientifiquement prouvé que retarder l’heure du début des cours au collège ou au lycée aurait une incidence sur les résultats scolaires des élèves. Tout simplement parce que les adolescents ne sont pas faits pour se coucher et se lever tôt. Et ce n’est pas forcément une question de volonté ! "Ce constat s’explique, entre autres, par l’évolution de l’horloge biologique qui, au moment de la puberté, se décale dans la soirée", explique Stéphanie Mazza, membre du Conseil scientifique de l’éducation nationale.

Le 23 mars 2022, celui-ci a organisé une conférence internationale "Mieux dormir pour mieux apprendre" auquel la chercheuse américaine Lisa Meltzer était invitée. L’intervenante a évoqué l’expérimentation menée entre 2017 et 2019 dans un district scolaire du Colorado : le fait de décaler le début des cours de 40 minutes jusqu’à 1h10 a eu un impact positif non seulement sur le niveau des adolescents, mais aussi sur les capacités d’attention, le bien-être et la lutte contre l’absentéisme. En France, aucune expérimentation n’a été menée jusqu’ici. "Mais nous sommes actuellement en train d’en mettre une en place dans un internat", à Sourdun, en Seine-et-Marne, révèle Stéphanie Mazza. Un nouveau sujet dont le chef de l’Etat ne s’est pas encore emparé mais qui pourrait être prochainement mis en avant.

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