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Décryptage

Budget en berne, recrutement compliqué : la rentrée morose des écoles d'ingénieurs

L'exécutif s'apprête à rogner les budgets des écoles d'ingénieurs. Dans un entretien aux « Echos », le nouveau président de la conférence des directeurs de ces écoles, Emmanuel Duflos, dénonce « les injonctions contraires » de l'exécutif qui veut pourtant former plus d'ingénieurs pour réindustrialiser la France.

Les écoles d'ingénieurs accueillent aujourd'hui 160.000 élèves.
Les écoles d'ingénieurs accueillent aujourd'hui 160.000 élèves. (M. libert/20 Minutes/SIPA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 18 sept. 2023 à 18:48Mis à jour le 18 sept. 2023 à 19:32

L'été a confirmé leurs inquiétudes. Et elles sont « vives », souligne Emmanuel Duflos, le nouveau président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI).

Il y a « les injonctions » de l'exécutif à réindustrialiser la France et la réalité - un manque de candidats aux études d'ingénieurs et des budgets qui vont être rognés. « On est soumis à des injonctions contraires », regrette-t-il dans un entretien aux « Echos ».

Pour former plus d'ingénieurs, il faut « plus de moyens », souligne Emmanuel Duflos. Mais, comme pour les universités, dans un contexte d'économies budgétaires , Bercy veut ponctionner leurs fonds de roulement. « On laisse entendre que les établissements seraient assis sur une caisse d'or », ironise la CDEFI. Emmanuel Duflos évoque « une mise en péril d'investissements », les écoles ayant mis de l'argent de côté pour financer des programmes pluriannuels.

Inquiétudes

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Certaines sont aussi mieux loties que d'autres, comme celles qui sont sous la tutelle de Bercy. Au printemps, dans le cadre du projet de loi sur l'industrie verte, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avait annoncé l'augmentation de 22 % des places dans ces écoles, d'ici à 2027. Les moyens sont aussi plus importants pour des écoles sous tutelle du ministère de la Transition écologique, comme l'Ecole des Ponts ParisTech, qui a vu ses droits de scolarité augmenter de 9,5 % depuis 2020.

Rien de tout cela, en revanche, pour les écoles qui dépendent du ministère de l'Enseignement supérieur. Dans le contexte inflationniste, par ailleurs, la solution n'est pas dans la hausse des droits de scolarité, estime le président de la CDEFI : « Toutes les écoles, même privées, cherchent à limiter les droits de scolarité car les familles y sont attentives. Pour avoir plus d'ingénieurs, la première source de financements, c'est la subvention de l'Etat, les appels à projets ne peuvent pas suffire. »

Emmanuel Duflos, nouveau président de la CDEFI

Emmanuel Duflos, nouveau président de la CDEFIEPF

Les directeurs d'école s'inquiètent aussi des nouvelles règles de l'apprentissage (16 % des effectifs). Le nouveau président de la CDEFI redoute, « comme une épée de Damoclès », les interrogations sur le financement de l'apprentissage au-delà de bac+2. Et craint aussi que les écoles ne perdent les ressources de la taxe d'apprentissage - qui peuvent représenter un quart des ressources dans certains établissements -, car les nouvelles règles sont devenues très complexes pour les entreprises.

Il s'inquiète aussi de la recherche en ingénierie. Ce maillon « essentiel » entre la recherche et la mise sur le marché d'un produit : « Elle est considérée comme une sous-recherche, on l'a abandonnée à la Chine. »

Pour former plus d'ingénieurs, il veut « élargir le vivier » d'élèves vers les jeunes filles et les élèves des milieux moins favorisés. Les écoles accueillent aujourd'hui 160.000 élèves, soit une hausse de 1,6 % par rapport à l'an dernier, mais l'augmentation était auparavant de 2,5 % - « On est au bout de la pédale d'accélération », estime Emmanuel Duflos.

Pour susciter de nouvelles vocations, il veut s'attaquer « à l'orientation » et « redonner le goût d'aller vers les sciences et les technologies dès le primaire ». « Il faut des ingénieurs à bac+5 mais aussi des assistants ingénieurs à bac+3 et des docteurs à bac+8 », martèle-t-il.

« Le niveau n'a fait que se dégrader »

Il faudrait encore « revoir les programmes scolaires ». « Quand les étudiants arrivent dans nos écoles, ils ne savent pas modéliser ni répondre à un problème de physique, on doit repartir de zéro, et il faut les ressources pour reprendre complètement la formation. »

La réforme du bac devait se traduire par une hausse du niveau des élèves : « On peut prendre les quelques-uns qui ont suivi la spécialité mathématiques et l'option maths expertes, mais quid de tous les autres qui ont un cursus plus classique ? Dans les écoles d'ingénieurs, seuls 33 % des élèves viennent d'une classe préparatoire, rétorque Emmanuel Duflos. Le niveau n'a fait que se dégrader depuis vingt ans. »

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Pour aller chercher les futurs ingénieurs dont la France a besoin, les écoles se tournent vers des alliances avec des écoles européennes. « Mais la compétition va être difficile, prévient la CDEFI, car la France fait partie des pays les moins industrialisés d'Europe, et les pays de l'Est, notamment, ont un fort besoin d'ingénieurs. » Les écoles redoutent enfin le débat à venir sur le projet de loi immigration.

Des sénateurs LR avaient proposé, en juin, la création d'une « caution retour » et le renforcement du contrôle du « caractère réel et sérieux » des études suivies par les étudiants étrangers. « Si cette mesure était retenue, il faudrait oublier la transition écologique, on serait les derniers », prévient-on à la CDEFI.

Marie-Christine Corbier

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