educationInondations, classes surchargées… L’école en souffrance en Outre-mer

Pourquoi l’école est en souffrance en Outre-mer… « Il y a parfois des inondations ou des coupures d’eau »

educationPlusieurs voix s’élèvent afin de réclamer « l’égalité républicaine » pour les élèves ultramarins
Une photo de l'école primaire Just-Sauveur, Le Tampon, à la Réunion, lors d'une inondation.
Une photo de l'école primaire Just-Sauveur, Le Tampon, à la Réunion, lors d'une inondation.  - FSU-SNUipp / FSU-SNUipp
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Les départements et régions d’outre-mer (Drom)* sont confrontés à de graves problèmes scolaires : difficulté d’accès à l’école, problèmes de recrutement d’enseignants, de bâti scolaire…
  • Le FSU-SNUipp a lancé fin août, sur les réseaux sociaux, une campagne d’alerte de l’opinion publique intitulée « L’école en sous-France », et a dénoncé à nouveau la situation dans ces territoires.
  • La Défenseure des droits, l’Unicef France et le FSU-SNUipp ont émis des recommandations au gouvernement pour faire bouger les choses rapidement.

Des salles de classe qui sont de véritables fournaises, des couloirs inondés, des écoles où les contractuels sont parfois très nombreux… Difficile de s’imaginer ce qu’il se passe dans de nombreuses écoles des départements et régions d’outre-mer (Drom)*. Le FSU-SNUipp, principal syndicat du primaire, dénonce à nouveau cette triste réalité ce jeudi, après avoir lancé fin août, sur les réseaux sociaux, une campagne d’alerte de l’opinion publique intitulée « L’école en sous-France ».

Car malgré l’obligation de scolarisation à 3 ans depuis la loi du 26 juillet 2019, certains enfants ultra-marins restent à la porte de l’école de la République. Le nombre de mineurs non scolarisés à Mayotte a été estimé à plus de 15.000 par la Défenseure des droits en septembre. En Guyane, ce sont entre 5.900 (étude de l’Insee, 2023) et 10.000 jeunes (rapport de la cour de Comptes, 2020) qui en seraient privés. « Face à une grande variation des méthodes de comptage, on a besoin de créer un Observatoire de la non-scolarisation. D’autant qu’il est très difficile de recenser les élèves non scolarisés qui vivent dans des bidonvilles ou des squats », explique Céline Hein, chargée de plaidoyer éducation à l’Unicef France.

Des conditions d’enseignement difficiles

Ce défaut d’accès à l’école s’explique par plusieurs raisons : des transports en commun défaillant, des familles qui habitent trop loin des établissements… « Certaines mairies refusent aussi d’inscrire des enfants à l’école en raison d’un manque d’infrastructures scolaires, alors même que la pression démographique est forte dans ces territoires », souligne Céline Hein.

Et même quand les enfants ont accès à l’école, leurs conditions d’apprentissage ne sont pas satisfaisantes. Tout d’abord parce que l’état du bâti est dégradé. « Les consignes d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées. On constate la présence de moustiques, de rats, de chauve-souris. Dans les salles de classe, des fils électriques sont apparents, des chaises sont abîmées et peuvent blesser les élèves. Il y a parfois des inondations ou des coupures d’eau intempestives », énumère Suley Jair, secrétaire départementale du FSU-SNUipp en Guyane. Jennifer Louis-Joseph, secrétaire départementale du FSU-SNUipp en Martinique, relève aussi des problèmes de sécurité dans son académie : « 25 % des classes ne respectent pas les normes sismiques. Et les salles sont rarement climatisées ».

70 % des écoles des Drom ne sont pas dotées d’équipement informatique

Dans plusieurs territoires, les établissements sont aussi surpeuplés : « Chez nous, 40 écoles comptent plus de 20 classes. Le dédoublement des classes en CP, CE1, grande section en éducation prioritaire ne peut se faire par manque de place », note à son tour Bechir Ben Hamouda, secrétaire départemental du FSU-SNUipp à La Réunion. « Il nous faudrait 1.000 classes de plus pour enseigner », ajoute Zaidou Ousseni, secrétaire départemental du FSU-SNUipp à Mayotte. Selon le syndicat, 70 % des écoles des Drom ne sont pas dotées d’équipement informatique. Céline Hein explique aussi que dans certains territoires, « la majorité des élèves ne parlent pas français. Or, il n’existe pas assez d’UP2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) pour les aider à suivre la classe »

S’ajoutent des problèmes de recrutement. Aux concours de professeurs des écoles cette année, 160 postes n’ont pas été pourvus en Guyane. « Le coût de la vie chère et les conditions d’enseignement difficiles renforcent le manque d’attractivité du métier », constate Guislaine David, secrétaire générale du FSU-SNUipp. D’où un recours massif aux contractuels. « Le turnover important rend difficile la mise en place de projet éducatif », souligne Céine Hein.

« On demande des actes très rapides »

Toutes ces difficultés cumulées ont des répercussions sur les résultats des élèves. Et on les mesure notamment lorsqu’ils sont devenus grands. Ainsi, lors du test de lecture à la Journée défense et citoyenneté en 2022, 55,7 % des élèves de Mayotte accusaient des difficultés à lire, 51,8 % des petits Guyanais, 30,4 % des Guadeloupéens, 28,9 % des Martiniquais et 26,4 % des Réunionnais. Alors que la moyenne nationale était de 11,2 %.

« Face à ce constat, on demande des actes très rapides », insiste Guislaine David. « Jusqu’ici, les ministres de l’Education renvoient souvent la balle à ceux des Outre-mer, et réciproquement », déclare-t-elle. Son syndicat a rencontré récemment Gabriel Attal pour remettre le sujet sur la table. Ce dernier s’est rendu en août à La Réunion. De son côté, la Première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé en juillet 2,3 milliards d’euros d’investissements sur quatre ans (2024-2027) pour les infrastructures en Outre-mer, « prioritairement pour financer les réseaux d’eau et d’assainissement, les infrastructures de transport et les écoles ».

La construction de nouvelles écoles, un impératif

Mais pour les observateurs sur le terrain, il faut aller beaucoup plus loin. « Il faut classer toutes les écoles des Drom en REP+ », estime Guislaine David. Ce qui permettrait d’alléger la taille des classes et d’augmenter la présence d’enseignants. Dans son rapport sur les services publics aux Antilles, la Défenseure des droits recommandait de mettre en place un service pour le transport scolaire et de créer davantage d’internats.

L’Unicef a aussi fait ses recommandations : « Il faut que tous les enfants soient systématiquement inscrits à l’école, construire de nouvelles écoles (particulièrement à Mayotte), proposer la cantine dans tous les établissements, développer les places en UP2A et renforcer la formation des contractuels… », énumère Céine Hein. Un chantier colossal.

* Pour rappel, les départements et régions d’outre-mer (Drom) sont la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion et Mayotte.

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