Erasmus+ séduit de plus en plus les enseignants du supérieur

Éléonore de Vaumas Publié le
Erasmus+ séduit de plus en plus les enseignants du supérieur
Erasmus+ séduit de plus en plus les enseignants du supérieur. // ©  cineberg/Adobe Stock
Très répandues chez les étudiants, les mobilités internationales sont également accessibles aux enseignants et personnels administratifs dans l'objectif d'acquérir de nouvelles compétences ou connaissances. La pratique séduit mais reste encore timide, notamment pour les établissements proposant des filières courtes.

Dans son établissement toulousain où elle enseigne les arts appliqués, Cécile Pourrière est la première à avoir passé le cap. Ou, plus précisément, à avoir passé les Pyrénées. "Je suis partie en février 2022, à Séville, pour me former au style vestimentaire du flamenco. Mes élèves devaient concevoir des costumes et je voulais revenir avec des billes techniques pour les aider dans leurs réalisations", rembobine-t-elle.

Pour concrétiser et financer en partie son projet, l'enseignante en DNMADE Costume de spectacle du lycée Gabriel Péri a tout simplement fait appel à Erasmus+. Car si ce dispositif a déjà permis à de nombreux étudiants de partir à l'étranger durant leurs études, il s'adresse aussi aux enseignants et personnels administratifs pour des mobilités de formation, de stage, d'observation en situation professionnelle ou d'enseignement.

Erasmus ouvert aux personnels de l'enseignement dès 1987

"Cette possibilité existe depuis l'origine d'Erasmus en 1987. À cette époque déjà, les professeurs et personnels de l'enseignement supérieur pouvaient participer à des mobilités en Europe", renseigne Anne-Sophie Brieux, chargée de communication pour l'agence Erasmus+ France.

Aujourd'hui, de plus en plus de personnels se laissent tenter par ces mobilités. En 2022, 24.209 professeurs, formateurs et personnels ont pu financer leur projet via Erasmus+, indique l'agence, soit quasiment le double par rapport à l'avant-Covid.

De leur côté, les établissements réalisent les avantages de ce type de démarche pour leurs structures. À l'université de Lille, Angéline Nova, directrice du service international santé sport, le constate. "Ce sont des leviers puissants de renforcement de coopération, de développement de compétences entre pairs et de communautés de pratiques. Cela fait partie d'une palette très large d'outils qui permettent à l'établissement de rayonner à l'international".

"Dans ce sens, les établissements ont tout intérêt à ce que leurs personnels partent car ce sont eux les meilleurs ambassadeurs. D'autant qu'ils reviennent souvent avec plus d'idées, plus d'envies, des horizons plus larges", ajoute-t-elle.

Les établissements du supérieur doivent être moteurs des mobilités internationales

En France, la mobilité des personnels de l'enseignement supérieur s'inscrit essentiellement dans le cadre de programmes nationaux, tels que les partenariats Hubert Curien (PHC) ou le Partner University Fund (PUF). Chaque établissement est aussi libre de créer des partenariats internationaux avec d'autres universités en Europe ou dans le monde.

En général, la gestion des démarches est confiée à un organisme, comme Campus France ou l'agence Erasmus+ France, qui conventionne directement avec les établissements. À l'enseignant ou au personnel BIATSS (bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé) de faire part de son envie de partir à l'étranger en s'adressant au service idoine de son établissement, qui pourra l'accompagner sur le montage et la mise en œuvre de son projet.

"L'idée est d'alléger au maximum les formalités administratives pour le candidat. Cette étape peut parfois paraître un peu lourde et si l'établissement n'est pas suffisamment moteur, le projet peut rapidement être abandonné. À Caen, nous sommes en train de mettre au point un formulaire unique. Avant de partir, les personnels peuvent également suivre des cours d'anglais pour surmonter la barrière linguistique", prévient Isabelle Triniac, responsable du pôle Programmes de mobilité internationale à l'université de Caen.

Des mobilités d'enseignants qui ont un coût

Mais si la mission de l'établissement est de faciliter le départ de ses personnels, elle a un coût. En santé notamment, les enseignants-chercheurs ont une obligation de mobilité. Ces mobilités d'une semaine à plusieurs mois sont généralement financées par Erasmus+ ou via des bourses complémentaires en cas de surcoût. Celles-ci peuvent être mises à disposition par les universités et organismes de recherche, des collectivités territoriales, des associations de patients, etc.

"On a besoin de sommes qui dépassent souvent le cadre d'Erasmus+ car il s'agit souvent d'enseignants qui ont un certain âge. Beaucoup sont installés dans leur vie privée. Il faut donc aussi tenir compte de leur conjoint et leur famille", rappelle Angéline Nova.

Des consortiums de mobilité pour faciliter les échanges des enseignants

Face à de tels enjeux, un nombre croissant d'établissements s'organisent autour de consortiums de mobilité. Ceux-ci permettent de soumettre une demande d'accréditation et de subvention, au nom de plusieurs établissements d'enseignement supérieur ou d'une communautés d'universités et établissements (Comue) ou encore d'un groupement d'intérêt public (GIP) académique. De quoi faire des économies de moyens, d'optimiser le travail des personnes impliquées et de mieux gérer l'ingénierie de projets.

"C'est la formule qu'ont choisie, par exemple, les fédérations des Maisons familiales rurales (MFR) de Nouvelle-Aquitaine, d'Occitanie, d'Auvergne Rhône Alpes et de Bourgogne-Franche-Comté. Au-delà, il y a aussi les alliances d'universités européennes, dans lesquelles une quarantaine d'établissements français est impliquée et se montre très active pour encourager ce genre de mobilités auprès de leurs personnels", ajoute Anne-Sophie Brieux.

Être plus incitatif dans les filières courtes

L'enjeu reste toutefois d'inciter les établissements proposant des filières courtes à envoyer leurs personnels à l'étranger. Actuellement, seul un quart ont conventionné avec l'agence Erasmus+ France, et les freins à la mobilité demeurent nombreux.

"Les enseignants de ces filières ont bien souvent le nez dans le guidon et ils ont du mal à s'autoriser à laisser leurs classes ne serait-ce qu'une semaine. La plupart d'entre eux font d'ailleurs le choix de partir durant leurs congés ; ce qui n'est pas évident quand on a une famille", conçoit Martin Cayrel, coordinateur du consortium Erasmus+ "Toulouse School of Design and Craft".

Pour sensibiliser les professionnels, l'établissement toulousain fait venir des enseignants internationaux qui interviennent pendant une semaine. "Il faut encourager les enseignants à bouger, abonde Cécile Pourrière. Pour l'avoir fait à deux reprises, je recommande cette expérience les yeux fermés."

Éléonore de Vaumas | Publié le