Les mutations du livre et de la lecture à l’ère du numérique

Le secteur du livre a connu de nombreuses mutations au cours des siècles. Passant de sa présentation physique, à la posture à adopter pour lire, sans oublier les modes de diffusion. Si pour certains, l’apparition de l’imprimerie marque un tournant décisif pour la démocratisation des savoirs et même de l’information, l’apparition du numérique amorce une redéfinition profonde du secteur du livre, que ce soit en ce qui concerne la création littéraire, les supports de lecture, les moyens de diffusion des livres et même les rapports entre l’auteur et son lectorat.

 Il est question ici de mettre en lumière ces différentes mutations opérées suite à l’avènement du numérique dans ce secteur, en se basant sur le mémoire de Pauline Grebert qui, en vue de l’obtention de son diplôme de Master professionnel de Lettres et Arts, spécialité métiers des bibliothèques, propose le sujet suivant : Les mutations du livre et de la lecture à l’ère du numérique. Afin de mener à bien cette recherche, elle pose la question de savoir : en quoi les nouvelles technologies influent sur le monde du livre et la création littéraire ? 

Tout au long de son analyse, l’auteure va démontrer sur la base de certaines variables, les mutations opérées dans le secteur du livre. Pour cela, elle organise sa réflexion en trois mouvements. Le premier montre les différentes évolutions enregistrées dans le monde du livre à l’ère du numérique, le deuxième remet au grand jour les débats autour des vieux mythes et le troisième, questionne les pratiques de lecture et le rapport à l’écriture. Tel est le canevas auquel on s’en tient dans ce compte rendu.

Le livre à l’ère du numérique

Si l’arrivée du numérique a permis de gagner de l’espace à travers l’usage de support électronique en perpétuel amélioration en vue de satisfaire les besoins des lecteurs, attribuer une définition à ce que l’on appelle livre électronique demeure une difficulté importante. Est-ce un support de livre qui fait appel au numérique ou aux nouvelles technologies ? ou alors, un contenu sous format numérique au moyen d’un scan ou d’un texte typographié au moyen d’un clavier ? Dégager une définition arrêtée semble être un puits sans fin.

En tout état de cause, s’il l’on s’accorde bien sur une chose c’est bel et bien le fait que le livre à l’ère du numérique connaît de nombreuses évolutions. Le point de départ de la numérisation du livre est le projet de Gutenberg, une initiative de Michael Hart en 1971. Laquelle initiative prendra de l’ampleur en 2010 avec l’intérêt grandissant de la numérisation du livre par les entreprises comme google, Amazone et Sony. Cette ruée vers la numérisation du livre va entraîner la multiplication des supports de lecture à l’instar de Kindle, Booken, Reader de Sony, le support de lecture de la Fnac, celui de Barnes et Nobles. Cette prolifération des supports de lecture a pour but premier d’améliorer l’expérience de lecture des usagers, mais aussi de lutter contre le monopole de plus en plus grandissant du géant américain amazone.

La modification de la matérialité des supports de lecture débouche sur une redéfinition de la chaîne de distribution du livre, malgré la réticence de certains acteurs du système à l’exemple des éditeurs, qui voient en sa numérisation le risque de piratage des textes et la monopolisation du secteur par les grandes sociétés américaines. Et pourtant, la numérisation du livre répond au projet de démocratisation du savoir et même de l’information déjà amorcé par l’invention de l’imprimerie (même si cette démocratisation se voit en quelque sorte remise en cause avec le DRM (Digital rights management), et aussi, garantit la réduction des tâches fastidieuses comme le travail de manutention nécessaire à la mise en rayon des livres dans les librairies entre autres. En dépit de ces avantages, des mythes concernant la numérisation du livre refont surface.

Réapparition de vieux mythes

Pour les technophobes, la numérisation du livre va entrainer inéluctablement la mort de l’imprimé. Cette conception n’est pas partagée par tous. Car, la plupart des sensations qui rendaient l’expérience de lecture unique sont absentes. L’on soulève à juste titre le contact sensuel dont on peut profiter lorsque l’on tourne les pages d’un livre, aspect que certains enquêtés (43%) selon Robert Darnton déplorent. Cette absence de sensualité pousse les promoteurs du livre numérique à innover dans ce sens, pour que le lecteur ne soit pas totalement déboussolé. L’on note dans ce travail la possibilité que certaines entreprises créent des odeurs artificielles.

Si l’existence des livres numériques rompt avec l’aspect sensuel de l’activité, il faut tout aussi remarquer que les habitudes de lecture ont tendance à changer. La concentration n’est plus de mise, l’on se détache de la lecture linéaire pour prôner une lecture par searching, zapping et même browsing, sans oublier la présence des liens hypertexte qui permettent au lecteur de façonner sa propre expérience de lecture en passant d’un lien à un autre. Ce qui, dans une certaine mesure permet de fructifier la recherche. Toutefois, il ne faut en aucun cas écarter le risque d’errance, de cyberdépendance, de navigation amnésique lorsque l’on lit sur un support numérique, sans compter la nouvelle sociabilité qui se caractérise par l’anonymat. On le voit, on est là face à un renouvellement du rapport du lecteur au livre. Qu’en est-il donc  du rapport à l’écriture.

Pratique de lecture et rapport à l’écriture

Tout comme l’imprimé, le livre numérique permet au lecteur de s’évader, d’intégrer un monde imaginaire. Mais, contrairement à l’imprimé, la version électronique donne la possibilité au lecteur d’interagir avec l’auteur en dehors des dédicaces. Cette interaction est rendue possible grâces aux gloses annotées au texte. Elles permettent à l’auteur d’être informé des différents commentaires que le lecteur appose sur le livre. Ces commentaires visent à améliorer le contenu du livre au fur et à mesure que les commentaires sont faits. Ainsi, il y a une certaine porosité des liens entre les lecteurs et l’auteur. Et le lecteur est actif.

Ainsi, les auteurs qui s’arriment à la donne créent des sites ou des blogs, qui constituent des espaces permettant de fidéliser le lectorat d’une part, et d’autre part, de vulgariser leurs productions. Quoique les contenus des blogs ont eu du mal être considérés comme de la littérature. Et pourtant le blogeur Narvic reconnaît les essais de Montaigne comme un blog. Il poursuit sa réflexion en affirmant que le blog est « un livre écrit au fil de la pensée de son auteur, sans plan, sans construction préalable, sans cesse remanié en profondeur, corrigé, complété, par son auteur au fil de ses rééditions ». 

Le fait que les auteurs de plus en plus diffusent eux-mêmes leurs productions met au grand jour l’un des débats lié à l’existence du livre numérique : les maisons d’édition vont-elles disparaître ? A cette question l’auteur répond par la négative. Car, les auteurs auront toujours besoin des services de correction qu’offrent les maisons d’édition entre autres.

Parvenu à la fin de ce compte rendu de lecture, il convient de retenir que le livre électronique, même s’il est de plus en plus présent, ne saurait remplacer l’imprimé. Pauline Grebert tout au long de son analyse envisage plutôt un usage hybride plutôt que l’extinction de l’imprimé en faveur du livre électronique. En plus de cela, elle fait remarquer que rien ne nous garantit que les livres numérisés aujourd’hui seront lisibles par les versions améliorés des futurs supports de lecture.

Référence

Grebert Pauline, 2010, Les mutations du livre et de la lecture à l’ère du numérique, Master professionnel de Lettres et Arts, Université Stendhal en ligne
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00494400/document

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