ChatGPT fait sa rentrée dans les écoles et les universités

Les générateurs de texte ou d’images pilotés par une intelligence artificielle sont désormais facilement accessibles pour le grand public, comme pour les étudiants, bouleversant au passage le rapport aux savoirs et les méthodes d’évaluation.

L'intelligence artificielle est arrivée dans les écoles et universités l'an dernier. Freepik
L'intelligence artificielle est arrivée dans les écoles et universités l'an dernier. Freepik

    À la fin du printemps dernier, quand la petite sœur de Mourad *, en troisième année de Licence (L3) de sociologie, a dû se mettre à l’écriture de son mémoire de fin d’année, elle s’est sentie dépassée par sa charge de travail : « Entre ses études et son job étudiant, elle manquait de temps pour écrire et préparer sa présentation orale » raconte Mourad.

    Alors le grand frère, ancien étudiant, mais en biologie, a proposé un coup de main - aidé de ChatGPT, l’intelligence artificielle générative de texte créée par OpenAI. « Ma sœur m’a donné son sujet, j’ai fait un sommaire, aidé par l’IA, puis j’ai développé le texte toujours avec l’IA, en ajoutant des citations que j’ai trouvées moi-même. En quelques jours, le mémoire était prêt, on ne va pas se mentir : sans ChatGPT je n’aurais pas fait aussi vite ». Le travail de Mourad a permis à sa sœur de décrocher un 13 sur 20 lors de sa présentation orale.



    Pas de cas de conscience pour la fratrie : « Personne n’a dit à ma sœur qu’elle ne pouvait pas utiliser l’IA, c’est juste un outil qui existe, autant s’en servir » souligne Mourad. Axel, étudiant en médecine qui a décroché son bac en juin dernier, avoue lui aussi avoir utilisé ChatGPT pour des devoirs de philosophie l’année dernière, mais avec mesure : « Beaucoup d’infos comme les noms d’auteurs, les dates, les citations sont partiellement ou entièrement fausses. Je m’en servais surtout pour remodeler certaines de mes phrases, ou pour demander des définitions précises, des synonymes plus adaptés ».

    Des témoignages qui ne surprennent pas Magali Conéjéro : cette professionnelle de l’écrit donne des cours d’efficacité rédactionnelle à des étudiants d’une grande école d’ingénieurs de la région lilloise. « L’année dernière, un étudiant m’a demandé s’il pouvait utiliser ChatGPT, j’avoue qu’il m’a prise un peu au dépourvu ! J’ai répondu’non’. Dans mon cours, ils doivent apprendre à communiquer correctement par écrit, ChatGPT est un outil ludique et fluide, qui produit des textes valables sur la forme, mais pas sur le fond - il peut être dangereux de s’y fier ».

    « Les écoles vont encore un peu bricoler cette année »

    Surtout si les professeurs se mettent à utiliser des détecteurs de textes générés par l’IA : « Aucun outil ne peut affirmer de manière fiable que tel ou tel contenu a été généré par une intelligence artificielle, affirme Alain Goudey, directeur général adjoint en charge du numérique chez Neoma BS. Il a d’ailleurs été démontré que certains détecteurs ont des biais qui pénalisent les locuteurs non-natifs ».

    De quoi grandement compliquer la tâche des professeurs et des établissements d’enseignement supérieur qui voient tout leur système d’évaluation potentiellement remis en cause par le développement exponentiel de l’intelligence artificielle. « La responsable de notre master nous a expliqué à la réunion de rentrée que désormais il y aurait moins de devoirs maison parce qu’elle ne saura pas si on les a faits seuls ou avec ChatGPT » s’amuse ainsi Julie *, en master d’histoire.

    Mais alors comment s’adapter ? « Les écoles vont encore un peu bricoler cette année, mais à la rentrée 2024 tout le monde sera prêt » se rassure ce responsable d’une grande école de management. De fait, la « riposte » s’organise, mais à plusieurs vitesses. Ainsi, à Sciences-po Paris, dès février, l’école a prévenu les étudiants : interdiction d’utiliser ChatGPT dans le cadre des évaluations écrites ou orales, à moins de le mentionner de façon explicite, conformément à la charte anti-plagiat de l’école.

    De son côté, pour cette nouvelle année qui commence, Magali Conéjéro a prévu de demander en cours à ses étudiants un échantillon de leur style d’écriture, ce qui lui permettra de mieux détecter les plagiats assistés par IA. Chez Neoma, les 3 000 étudiants de première année ont eux tous eu droit à une « keynote » sur le bon usage des IA, et les étudiants des années suivantes auront un cours en ligne pour leur expliquer ce qu’est une IA générative, quels sont ses biais et ses limites, ce qu’on peut en faire ou pas.



    « Tous les professeurs de l’école ont été invités à vérifier dans quelle mesure les travaux qu’ils demandent à leurs étudiants sont « ChatGPTisables », ajoute Alain Goudey. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’un étudiant de l’école ne peut pas décrocher son diplôme en utilisant exclusivement ChatGPT. Mais puisque l’IA va être massivement et rapidement adoptée par toutes les entreprises, nous nous devons de former nos étudiants pour qu’ils sachent s’en servir ». Pour le meilleur et pas le pire.

    (* les prénoms ont été modifiés)

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